Après 12 ans d’activisme, d’innovation et de promotion de l’économie collaborative en France, le collectif Ouishare a tiré sa révérence lors d’une soirée mémorable le 25 septembre dernier, au tiers-lieu Les Amarres, situé sur le Quai d’Austerlitz à Paris (source photo : Ouishare, nov. 2020). 

Cette fête d’adieu, qui a réuni anciens membres, partenaires et sympathisants, marque la fin d’une aventure collective qui a profondément marqué voilà une dizaine d’années l’émergence d’une autre conception de l’économie, plus collaborative c’est à dire davantage tournée vers les biens communs comme l’open source et les plateformes numériques au service des enjeux écologiques ou de l’innovation sociale. Et que l’on retrouve en partie aujourd’hui dans la ré-émergence des dynamiques coopératives.

Une aventure collaborative audacieuse

Créé en 2012, Ouishare s’est rapidement imposé comme l’un des fers de lance de l’économie collaborative en France et au-delà. À une époque où les plateformes numériques comme Airbnb et Uber allaient bouleverser les modes de consommation, Ouishare se posait alors en observateur et en acteur de ces transformations, explorant des modèles économiques novateurs et des pratiques sociales alternatives.

Loin de se cantonner à une simple analyse, le collectif a mis en place un écosystème dynamique de partage et d’expérimentation, multipliant les événements, les publications et les collaborations internationales. Ouishare a organisé des festivals de renom, comme le Ouishare Fest que Mediatico a couvert à plusieurs reprises, donnant la parole à de nombreux experts et à des passionnés venus débattre de l’avenir de la technologie et de la société. Ouishare a aussi publié des centaines d’articles, des études et un livre pour vulgariser les enjeux de l’économie collaborative. 

Jusqu’à cette tribune tranchante publiée en 2017 par Arthur de Grave, la plume du collectif, intitulée “L’économie collaborative, c’est fini” : il actait à regret la victoire sémantique et idéologique des plateformes d’intermédiation sur internet mettant en relation une offre et une demande, qui se revendiquaient de l’économie collaborative sans appliquer nullement les logiques de coopération et de partage des biens communs défendues par le collectif Ouishare. À l’époque de cette tribune, plusieurs membres fondateurs avaient pris des orientation professionnelles différentes, mais le Ouishare Fest était néanmoins revenu en 2021 (lire notre article de l’époque).

Des succès… et quelques erreurs

Au cours de ses 12 années d’existence, Ouishare a su créer des passerelles entre des mondes souvent cloisonnés : celui des startups et des grandes entreprises, celui des associations et de la société civile. Ce collectif a agi comme un catalyseur d’idées et d’initiatives, tant au niveau local que global. Il a également eu l’occasion de « refaire le monde » à maintes reprises, comme en témoigne l’esprit festif et créatif de ses membres, qui ont su mêler débats sérieux et moments de convivialité.

Le parcours n’a pas été exempt de difficultés. « Nous nous sommes pas mal trompés, mais avons eu raison quelques fois », admettent ses cofondateurs dans leur message collectif d’invitation à leur fête d’adieu. En effet, la promotion de l’intérêt général dans un modèle économique précaire s’est révélée un défi de taille. Malgré des partenariats solides, certaines ambitions étaient difficiles à pérenniser dans un écosystème dépendant de financements souvent fragiles. C’est l’une des raisons principales qui a poussé le collectif à fermer ses portes, après avoir contribué à façonner le débat sur les nouvelles technologies pendant plus d’une décennie… et à planter de nombreuses petites graines qui germent déjà aujourd’hui.

Une dernière fête aux Amarres

Pour cet ultime rendez-vous, Ouishare a choisi un lieu symbolique : Les Amarres, un tiers-lieu engagé dans le partage et la solidarité, en parfaite adéquation avec les valeurs du collectif. L’événement a permis aux participants de se remémorer les temps forts de cette aventure, mais aussi de célébrer l’impact qu’a eu Ouishare sur des milliers de personnes à travers le monde. Entre discussions animées, souvenirs partagés et moments festifs, cette soirée a été un adieu à la fois nostalgique et joyeux.

La page Ouishare se tourne, mais l’esprit du collectif, lui, ne s’éteint pas. Les idées portées par ses membres continueront de résonner dans les réseaux d’innovation sociale, du numérique et du milieu coopératif. Pour autant, comme le souligne la conclusion de leur invitation : « Les plus belles histoires ont une fin. Il faut savoir conclure. »

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