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2025, Année internationale des coopératives

Driiiiiinng, nous sommes en 2025 (ou presque) et l’heure de la coopération a sonné, sachez-le ! Oui, 2025 a été consacrée Année internationale des coopératives par l’ONU, avec un top départ dès juillet à New York, un lancement officiel la semaine dernière à Paris par le Mouvement coopératif français et, bien sûr, un mot d’ordre qui vaut tout l’or du monde, adressé en particulier aux plus jeunes : « Les coopératives construisent un monde meilleur ». 

Chouette, ça vaut le coup de regarder de plus près, non ? Mais au fait, ça pèse combien le monde coopératif ? Et le concept ne serait-il pas un peu poussiéreux ? 

Voilà qui me rappelle mon grand-oncle Pierre, aujourd’hui disparu, paysan jurassien qui m’expliquait le plus simplement du monde, lorsque j’étais enfant : « Allez, tire le pis de la vache, tout à l’heure on ira vendre le lait à la coopérative et, l’année prochaine, la fruitière nous donnera du comté ». Grâce à Pierre, je suis convaincu d’être devenu le plus grand amateur de comté de mon quartier ! La fruitière, dites-vous ? Absolument ! C’est un atelier coopératif de fabrication de fromages. Chaque paysan y vend sa production, apporte son savoir-faire et crée de la valeur économique pour tous les habitants du territoire. Et donc de l’emploi. Hélas l’agriculture française a bien changé, les paysans souffrent terriblement. Mais les coopératives sont toujours là.

Ces nouvelles coopératives qui ont le vent en poupe

À l’heure où le mouvement coopératif français célèbre ses 140 ans, en grande pompe hier soir au CESE juste après avoir dévoilé son Manifeste (lire ici), les coopératives les plus héroïques d’aujourd’hui s’appellent Duralex ou Scop-Ti, car les employés ont sauvé leur entreprise, mais aussi Enercoop, La Nef, Biocoop, Label Emmaüs, Ethiquable, Crédit Coopératif, Groupe UP… D’autres sont moins visibles mais en pleine expansion : Télécoop, Windcoop, Ethikdo, Mobicoop, Commown, Coopcircuits, Citiz ou Tënk, qui font partie du mouvement des Licoornes. Certaines ont nourri les espoirs, avant de mettre la clé sous la porte, comme Railcoop dans le ferroviaire. D’autres viennent tout juste de voir le jour, comme Coomédias pour les médias indépendants. 

Toutes figurent dans l’annuaire de la Confédération générale de Scop. Toutes illustrent la vigueur d’un mouvement citoyen qui aspire à plus de coopération en économie. Toutes sont plus vivantes que jamais, à l’heure de notre quête de sens au travail. Elles regroupent de simples activités de production (Scop) ou elles sont mues par l’intérêt collectif (Scic). Elles s’adressent aux entrepreneurs indépendants (CAE Clara) comme aux agriculteurs (France Prune), aux artisans (Orcab) comme aux commerçants (Krys), nous rappelle le dernier Top 100 de CoopFR (à télécharger ici). On trouve aussi des coopératives de consommateurs (Coop Atlantique), ou des coopératives d’habitants (fédérées par Habicoop)… Alors, poussiéreux, le modèle coopératif ? Oh que non !

Les premières traces d’une coopérative nous viennent de Fenwick, en Écosse, nous apprend l’ONU. C’est là que, le 14 mars 1761, dans un cottage à peine meublé, des tisserands locaux ont transporté un sac d’avoine dans une pièce située à l’avant du cottage de John Walker. Ils ont commencé à y vendre son contenu à moindre coût, créant la Société des tisserands de Fenwick. 

Plus d’un siècle plus tard, en 1895, naissait l’Alliance coopérative internationale (ACI), qui regroupe, représente et assiste encore aujourd’hui les coopératives du monde entier. C’est l’une des plus anciennes organisations non gouvernementales au monde. C’est aussi l’une des plus importantes si l’on se base sur le nombre de personnes représentées, soit 1,2 milliard de membres de coopératives sur la planète. 

Les coopératives en chiffres

Les coopératives sont historiquement liées au monde du travail, à la nécessité de sécuriser les revenus des travailleurs et à la volonté de leur donner un pouvoir réel sur leur outil de travail. Aujourd’hui, selon l’ACI, trois millions de coopératives sont recensées sur la planète. Elles emploient 280 millions de personnes dans le monde, soit environ 10 % de la population active mondiale. Les 300 plus grandes coopératives et mutuelles de la planète réalisent un chiffre d’affaires de 2.400 milliards de dollars. Et elles fournissent les services et les infrastructures dont la société a besoin pour prospérer et permettre de vivre mieux demain qu’hier.

En France, les 22.410 entreprises coopératives françaises génèrent un chiffre d’affaires de 381 milliards d’euros et emploient 1,3 million de salariés. Elles sont présentes dans tous les secteurs d’activité.

Les plus anciennes coopératives françaises sont aussi les plus grosses. Elles peuvent employer plus de 100.000 salariés et ont investi de longue date les secteurs très rémunérateurs de la distribution, de la banque ou de l’agriculture. Le top 10 des premières coopératives françaises s’établit comme suit : E. Leclerc, Crédit Agricole, Système U, BPCE, Crédit Mutuel, Astera, In Vivo, Sodiaal, Tereos, Terrena. Elles défraient parfois la chronique, soit parce qu’elles sont trop grosses donc suspectes, soit parce qu’elles ont tant copié le fonctionnement du capitalisme qu’elles ne respectent plus les valeurs coopératives. Mais au fait, de quelles valeurs parle-t-on ?

Les valeurs coopératives sont énoncés ainsi par l’ONU : 

  • Adhésion volontaire et ouverte
  • Contrôle démocratique exercé par les membres
  • Participation économique des membres
  • Autonomie et indépendance
  • Éducation, formation et information
  • Coopération entre coopératives
  • Souci de la communauté

Reconnues par l’ONU comme des associations de personnes propriétaires d’entreprises qui améliorent la vie des citoyens, tout en contribuant au progrès économique, social, culturel et politique de leur nation, les coopératives sont uniques dans l’univers économique : leur modèle d’adhésion est ouvert et équitable, selon un principe « 1 personne = 1 voix », quel que soit son apport en capital. Une hérésie à l’ère du capitalisme et du libéralisme triomphant. Mais la terre tourne et une nouvelle génération prend les choses en main.

Les coopératives permettent la création d’une richesse collective, l’élimination de la pauvreté, le contrôle démocratique de l’entreprise, la prise en compte des personnes avant le capital, la contribution aux objectifs du développement durable, la création d’emplois locaux, le développement territorial, la croissance via l’essaimage plutôt que par le gigantisme… 

Assurément, le slogan est le bon : « les coopératives construisent un monde meilleur ». Souhaitons-nous donc déjà une bonne année 2025 ! Mais ce modèle coopératif, assurément vertueux, n’est presque jamais enseigné dans les écoles de commerce, d’ingénieurs ou de sciences politiques. Comment pourrait-il prétendre transformer un jour l’économie toute entière ?

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