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Plus de 10 millions de Français ont voté RN au premier tour des élections législatives, c’est un tsunami politique. Un « score historique », une « victoire écrasante », titre la presse. Assurément. Mais l’extrême droite a-t-elle déjà gagné ? Certes, avec 33% des suffrages, le Rassemblement National est en passe d’emporter l’Assemblée nationale et Matignon. Mais ne dire que cela, c’est oublier trop vite que 66% des Français ont refusé de voter RN. Il reste devant nous un second tour, 306 triangulaires et 30% d’abstentionnistes. La République va se recomposer, nul ne peut dire dans quel état elle sortira dimanche prochain. 

La recomposition, c’est bien ce que souhaitait voilà trois semaines Emmanuel Macron, devenu politiquement impuissant au terme d’un scrutin européen et d’un septennat de pouvoir. Sur un coup de tête, un coup de poker, il a joué la dissolution, comme un trader aurait pris des positions ultra risquées en bourse. C’est raté. Comme un enfant, il a cassé son jouet : l’échiquier politique. Il a perdu à la fois son pari, sa majorité relative, sa famille politique, sa stature internationale. Il pourra bientôt revenir travailler pour une banque d’affaires.

En attendant, comment vont les Français ? Mal, bien sûr, pour 66% d’entre eux. Les consignes de vote anti-extrême droite au second tour ne sont pas toujours claires, même quand la parole du Premier ministre est limpide : « Il est de notre devoir moral de tout faire pour empêcher le pire d’advenir, l’extrême droite réduirait nos valeurs à néant et ajouterait du malheur au malheur pour nos concitoyens qui souffrent ». Nos valeurs républicaines sont aujourd’hui menacées : à la Liberté, s’opposera l’autoritarisme de l’extrême droite ; à l’Égalité des citoyens, s’oppose déjà l’interdiction d’emplois pour les binationaux ; à la Fraternité, s’opposent l’insulte et la haine bientôt décomplexées.

Concrètement, quelles menaces pour les associations ?

De plus en plus, j’entends que la parole raciste se libère, quand bien même elle est condamnée par la justice. Que les amis dont la couleur de peau n’est pas assez blanche ont peur pour eux et leurs enfants. Que le RN manie aussi bien la novlangue qu’Emmanuel Macron, déconstruisant la pensée politique, qualifiant de fascistes les manifestants de la gauche pacifiste, instrumentalisant la mort de Samuel Paty au soir du premier tour quand la famille a clairement demandé qu’il n’y ait pas de récupération politique… L’indécence est magistrale. La honte est à nos portes.

Dans le milieu associatif, les menaces sont réelles et très concrètes : 

  • Menaces pour les actions de solidarité comme l’aide alimentaire, les maraudes, les soins, l’hébergement, l’aide aux migrants, sans oublier les actions de résistance écologique même lorsqu’elles sont pacifistes ;
  • Menaces pour les libertés associatives en général, déjà bien écornées par Gérald Darmanin depuis 2021 avec le Contrat d’engagement républicain, devenu un instrument de contrôle de l’action associative ;
  • Menaces pour le maintien des locaux associatifs, à l’instar de cette antenne du Secours Populaire menacée d’expulsion et qui s’est déjà vu couper l’électricité pour avoir nourri des personnes sans papiers ;
  • Menaces sur les financements associatifs, sous forme de subventions de fonctionnement ou d’aides à l’emploi bien sûr, mais aussi sous forme de marchés publics qui mettent de plus en plus en concurrence les associations entre elles ;
  • Menaces sur l’engagement bénévole, qui deviendra demain une activité surveillée – donc dissuasive – dans les associations d’aide aux droits, d’aide linguistique ou d’aide administrative aux plus précaires ;
  • Menaces pour les bénéficiaires de ces associations, qui ne demandent jamais de l’aide par pur plaisir et qui redoutent plus que tout d’être davantage stigmatisés demain qu’hier ;
  • Menace enfin pour le modèle associatif lui-même, dont nous pouvons prévoir que le RN tentera de le reprendre à son compte, comme il a tenté de le faire de l’écologie. Il tordra comme toujours les mots, afin d’en retourner la signification et de détourner de facto les principes d’association, de solidarité, d’action collective, d’accueil, d’engagement, de militantisme, d’humanisme… pourvu qu’ils soient conformes à une vision de la France nationaliste.

Face à ce mal-être, la seule réponse est l’action : le milieu associatif prépare donc sa riposte. Les associations, rappelons-le, représentent 80% des structures de l’économie sociale et solidaire, plus de 2,2 millions de salariés et 22 millions de bénévoles. 

J’entends ici un grand réseau national appeler à la création d’un « Front associatif ». Là, le Pacte du Pouvoir de vivre appeler à “battre l’extrême droite” au second tour. Là-bas, des militants qui veulent créer des « Fronts de solidarité locale » pour réunir un tissu d’acteurs locaux, qui aujourd’hui se connaissent trop mal car occupés à résoudre les urgences du quotidien de leurs bénéficiaires, mais prêts à faire réseau et à s’épauler. L’espoir est là.

Quoi qu’il se passe au deuxième tour, l’économie sociale et solidaire restera debout. Associative, coopérative, mutualiste ou d’utilité sociale, l’ESS s’indignera. Elle résistera. Elle agira. Le RN n’a pas su convaincre 66% des Français. Les valeurs de la France restent fortes. L’avenir reste à écrire, il est devant nous.

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