Dix ans, déjà. En décembre 2015, Paris accueillait un sommet historique : 195 États s’accordaient pour contenir le réchauffement climatique « bien en dessous de 2 °C ». Signé le 12 décembre, sous le coup de marteau de Laurent Fabius, l’Accord de Paris n’était pas seulement un engagement politique. C’était un pari sur l’avenir, un signal clair : la planète méritait notre mobilisation collective pour qu’elle n’attrape pas la fièvre. La négociation fut difficile, mais l’engouement international était évident. Et essentiel pour la jeunesse.
Dix ans plus tard, la jeunesse est en droit de demander des comptes car nous ne sommes pas au rendez-vous. Il n’a pas fallu dix ans, d’ailleurs, pour que l’association Sorry Children et le photographe Josef Helie lancent la campagne #lapireexcuse, qui propose aux internautes de partager sur le site Sorry Children et les réseaux sociaux leurs pires excuses pour n’avoir rien fait… accompagnées de leurs meilleures actions, car chacun.e peut agir.
Heureusement, toute la jeunesse n’a pas sombré dans l’éco-anxiété : une large partie d’entre elle est décidée à se retrousser les manches pour construire son avenir. C’est ce que nous révèle l’étude d’impact toute fraîche que vient de publier l’organisation makesense, pour son programme Transition Juste.
Car pour l’heure, les émissions mondiales de CO2 ne diminuent pas, les catastrophes climatiques s’accumulent, et la haute mer reste largement hors de portée des mesures de protection. La dernière COP16 Biodiversité, en Colombie, montre que le chemin est encore long : d’ici 2030, il faudra protéger l’équivalent de la surface du Brésil et de l’Australie réunis, et une zone marine plus vaste que l’océan Indien. Or, si les États du monde réunis sous l’égide de l’ONU peinent à accélérer la cadence, la jeunesse, elle, refuse de rester spectatrice.
Transition Juste : mobiliser les jeunes des milieux populaires
Depuis 2022, le programme Transition Juste, co-construit par makesense avec plus de 50 associations d’éducation populaire, déploie une énergie et une créativité remarquables. Plus de 3 000 jeunes de 16 à 25 ans, issus de milieux populaires, ont participé à des ateliers sur le changement climatique et les métiers de la transition écologique. Pas moins de 300 responsables associatifs accompagnent leur engagement, testant et validant plus de 30 modules pédagogiques, adaptés aux réalités des jeunes, à leurs besoins, à leur vocabulaire et à leurs priorités sociales. Preuve s’il en fallait encore que l’éducation populaire et les associations sont essentielles, ont besoin de budgets pour remplir leurs missions, et de visibilité à long terme pour agir dans la durée.
Le constat de makesense est clair. Oui, les jeunes des milieux populaires sont en première ligne des crises écologiques. Ils sont aussi le plus souvent exclus des espaces de débat et d’action. Pourtant, leur conscience des enjeux est forte. Et leur engagement réel, déjà visible dans leurs quartiers et leurs écoles.
Un engagement concret : écologie, justice sociale et nouvelles perspectives d’emploi
Les ateliers Transition Juste de makesense leur permettent de mettre l’écologie au service de leurs priorités : sécurité alimentaire, qualité de vie, développement personnel et professionnel. En sortant des ateliers, 87 % d’entre eux déclarent mieux comprendre les liens entre écologie et justice sociale ; 75 % gagnent en confiance pour agir individuellement et collectivement ; 90 % découvrent de nouveaux métiers et 52 % envisagent un futur emploi dans la transition écologique.
Ces jeunes ne se contentent pas de réfléchir : ils passent à l’action. À Angers, ils enquêtent sur la cyclabilité des quartiers et proposent des améliorations aux élus. À Strasbourg, ils sensibilisent les habitants à la biodiversité par des interventions créatives dans l’espace public. À Dunkerque, ils accompagnent les commerçants pour réduire les déchets et économiser l’énergie. Ces actions concrètes transforment la transition écologique en un projet collectif palpable, à l’échelle des territoires.
Greentaf et Service Civique Écologique : des leviers d’émancipation sous pression budgétaire
Greentaf, lancé en 2023, pousse cette dynamique un peu plus loin. Une plateforme, des outils et des offres d’emploi dédiés aux métiers de la transition écologique permettent aux jeunes d’accéder à des formations, de découvrir des perspectives professionnelles et de s’émanciper. Plus de 1,4 million de jeunes NEETs en France – ceux qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation – représentent un potentiel immense pour ces secteurs : bâtiment, énergie, transports, alimentation… Avec Greentaf, la transition écologique devient une opportunité de développement pour tous les jeunes en recherche d’un emploi, pas seulement pour quelques privilégiés.
Sans oublier le Service Civique Écologique, initié avec l’association Unis-Cité. Avec cette approche, près de 900 jeunes ont été formés à la transition écologique, développant leurs compétences et leur capacité à mobiliser leurs pairs sur des projets concrets. Des ateliers les aident à identifier ce qui les empêche d’agir, à exprimer leurs doutes et leurs idées, et à tester différents modes d’action adaptés à leurs talents et à leurs quartiers. Mais qui donc, au sein du gouvernement, a eu cette idée saugrenue de couper court dans les budgets du service civique l’année prochaine !?
L’exigence de sens : la jeunesse face à la RSE et au marché du travail
Toutes ces initiatives qui mobilisent la jeunesse démontrent une évidence : face au backlash écologique, face aux crises économiques et géopolitiques, face aux désillusions devant les politiques publiques, la jeunesse ne recule pas. Elle invente des solutions, mobilise les acteurs locaux, transforme les obstacles en opportunités. En articulant écologie et justice sociale, elle redonne sens et popularité à l’action pour le climat.
Alors, pendant que certains annoncent la « fin » de la RSE à la première bourrasque économique, la Plateforme RSE, elle, pose la seule question qui vaille vraiment : la RSE est-elle encore capable d’attirer les jeunes, et à quelles conditions ? Vendredi dernier, à l’université Paris Dauphine, ce ne sont pas des slogans qui ont circulé, mais une exigence : celle d’une jeunesse qui veut du sens, des preuves, des choix clairs et qui cherche son chemin. Les étudiants et jeunes professionnels n’attendent plus d’être séduits par des promesses creuses de communication. Ils demandent des trajectoires claires, des entreprises qui assument leurs impacts, qui transforment leurs modèles.
La jeunesse tient le gouvernail : le moteur d’une transition concrète et inclusive
Signe des temps, les événements de ce type se multiplient. Avec l’Ascenseur, Article 1 et Different Leaders, un nouvel atelier viendra le rappeler cette semaine encore : la justice environnementale est un champ de bataille social. Métiers verts, reconversion, insertion, ascension sociale par la transition… La jeunesse ne demande pas la permission d’entrer dans le débat climatique, elle transforme déjà le marché du travail.
Dix ans après l’Accord de Paris, le constat est limpide : les petits gestes ne suffisent pas, mais les accords internationaux, les COP et les objectifs chiffrés non plus. Ce sont les jeunes, dans les territoires et dans les associations, qui incarnent la force du changement. Leur énergie, leur créativité, leur engagement collectif nous disent que la transition écologique est un mouvement concret et inclusif. L’avenir se joue ici et maintenant. Et c’est la jeunesse qui tient le gouvernail.


