Humez donc l’air ambiant. Sentez-vous ce petit parfum de relance sur la rentrée économique ? La semaine dernière, la Rencontre des Entrepreneurs de France, organisée par le Medef, se penchait sur notre souveraineté économique post-Covid et sur les évolutions du monde du travail. Soit. Simultanément, les Universités d’Été de l’Économie de Demain (UEED), créées l’an dernier par le Mouvement des entrepreneurs sociaux et par le collectif #NousSommesDemain, et suivies de près par Mediatico, se penchaient sur la transition écologique et solidaire, proposant 12 mesures à intégrer au plan de relance attendu cette semaine : baisser la TVA sur les produits à impact environnemental, transformer Bpifrance en banque de la transition, mettre en place un « impact score » pour mesurer l’engagement des entreprises… Malin.
Belle opportunité, en tous cas, pour le nouveau gouvernement : Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, démarre son intervention aux UEED par un constat : « La crise a montré que notre économie est fragile, le moment est venu de booster la transition écologique et donc la transition économique. Les entreprises qui ne prennent pas le tournant vont se planter », prévient-elle. Et comme cette transition suppose de lourds investissements, « nous allons mettre 30 milliards d’euros sur la transition écologique », assure-t-elle sans en dévoiler davantage. Mais Emeric Oudin, président du Centre des Jeunes Dirigeants, lui répond sur un autre terrain : « La question n’est pas de savoir si la transition écologique des PME est possible, il n’y a pas d’alternative. Si les achats publics sont orientés clairement vers les achats responsables, nous y arriverons ». Touché.
Sur les relocalisations industrielles, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie, prévient d’emblée : « On ne va pas relocaliser 90% de la production textile en France en deux jours, mais on fait bouger les curseurs. Surtout, nous devons accompagner le consommateur pour qu’il accepte de payer un peu plus », explique-t-elle. Décidément, cette manie de faire porter le chapeau aux consommateurs plutôt qu’aux industriels… André Dupon, fondateur du groupe d’insertion Vitamine T, lui rétorque : « Je suis un pragmatique. Quand le tee-shirt asiatique se vend 2 euros, c’est une imposture de penser que l’on va relocaliser la production textile en France ». Mais l’économiste Gaël Giraud l’assure : « Relocaliser, c’est évidemment possible. Mais il n’est pas vrai de dire que les délocalisations font baisser les prix, elles font juste ralentir la hausse du coût de la vie ». Clairvoyant.
Sur la fiscalité, Olivia Grégoire ne lâche rien. La secrétaire d’Etat à l’économie sociale, solidaire et responsable, interrogée sur la proposition de baisser à 5,5% la TVA sur les produits à impact environnemental, répond en substance : « Je ne pense pas que ce soit le bon outil pour faire avancer la transition écologique, je ne présenterai pas cette idée à Bercy si je ne suis pas convaincue ». Au bout d’une heure de table ronde : « Je ne suis toujours pas convaincue ». Puis vient le vote du public, qui plébiscite une proposition pour construire l’économie de demain : baisser la TVA à 5,5%. Elle s’adresse à la salle : « Je ne le ferai pas ». Du cran, de la poigne. Olivia Grégoire est une fonceuse qui prend le risque de déplaire. Et qui saura peut-être aussi s’imposer à Bercy, lorsque ce sera nécessaire.
Quant au très attendu plan de relance, il fait débat avant même sa présentation. Dans la presse, certains le considèrent déjà comme « trop imprégné d’un libéralisme conservateur ». D’autres y voient « la poursuite d’une politique en faveur du capital ». Aux UEED, l’économiste Gaël Giraud relève que ce plan de 100 milliards d’euros comprend 40 milliards engagés par l’Europe et que, sur les 60 milliards investis par l’État français, on peut se demander quelle est la part de nouvelle monnaie et quelle est la part des redéploiements budgétaires. « De plus, le plan allemand est sept fois supérieur au plan français, poursuit-il, en réalité le gouvernement ne croit pas à la relance, il fait de l’austérité budgétaire sans le dire ». Attaque vigoureuse.
Quant à Moussa Camara, fondateur de l’association Les Déterminés, il ne masque pas son amertume : « Je suis sûr que les grands oubliés du plan de relance seront encore les entrepreneurs de nos quartiers, alors que nos entreprises créent de l’emploi dans des quartiers où il y a 30% de chômage ». CQFD.