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Un colibri s’en est allé : qui reste-t-il pour incarner l’écologie ?

En l’espace de deux semaines, deux icônes de l’écologie viennent de disparaître. Disparition politique de Nicolas Hulot d’une part, sur laquelle nous ne reviendrons pas. Disparition éternelle pour Pierre Rabhi d’autre part, figure emblématique de l’agroécologie, qui s’est éteint ce week-end à l’âge de 83 ans des suites d’une hémorragie cérébrale. Les deux hommes se connaissaient, bien sûr. Ils avaient publié un livre ensemble en 2006. Un long-métrage documentaire aussi, en 2009. Et ils ont tenu des conférences communes, comme à la Cartonnerie, à Paris en 2017, pour aider le mouvement des Femmes semencières à ressusciter 75% des semences qui ont disparu depuis un siècle.

« Grâce à Pierre Rabhi, j’ai pu me recentrer sur l’essentiel. Cela n’a pas de prix et je voulais le remercier », confiait Nicolas Hulot cette année-là. Réponse de l’intéressé quelques mois plus tard : « Nous avons des convergences d’idées importantes avec des variantes, j’espère que Nicolas Hulot aura la possibilité de faire évoluer les choses au mieux », disait Pierre Rabhi juste après l’entrée de Nicolas Hulot au gouvernement.

Pour ma part, j’ai découvert Pierre Rabhi en 2013, lors de la diffusion en avant-première du film « Pierre Rabhi, Au nom de la Terre », au Gaumont Alésia à Paris, où je m’étais rendu en curieux. Je n’ai donc jamais connu Pierre Rabhi personnellement. Mais, lors de cette soirée organisée par le Groupe SOS, deux choses m’avaient impressionné. La tranquille déambulation de ce petit homme qui venait fendre la foule – la salle était comble – pour se hisser sur scène, d’abord. Mais aussi, son verbe exceptionnellement clair, qui savait couler dans une même phrase l’économie, l’agriculture, l’enfance, le soleil et l’existence humaine. Ce jour-là, Pierre Rabhi m’a réconcilié avec la philosophie.

Pierre Rabhi : « Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu !  » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

Pierre Rabhi était un de ces personnages qui écartent la brume devant nos yeux et nous invitent à donner un sens à nos actes quotidiens. Un homme que certains jugent peut-être trop conservateur sur le mariage pour tous ou sur le droit des femmes, mais qui a consacré sa vie à agir pour construire un monde différent. Respectueux de la terre et des humains qu’elle porte. Promoteur de l’agroécologie pour revivifier la terre. Héraut de la « sobriété heureuse » pour s’opposer à notre utra-consommation (lire son livre). Et chantre de cette magnifique légende amérindienne du colibri, qui nous invite chaque jour à faire notre part (lire aussi ce livre).

Dans l’économie sociale et solidaire, où chacun fait sa part, les hommages n’ont pas tardé.

  • Nicolas Froissard, porte-parole du Groupe SOS : « Ce serait un bel hommage que de créer une émoticône colibri, pour que chacun puisse écrire qu’il s’engage à faire sa part. #DenonceTesHeros ».
  • Carole Tawema, fondatrice de Karethic, actuellement au Bénin : « Il a donné du sens à nos vies et nos actions, du bon sens. Tous les dirigeants et entrepreneurs à impact ont sans doute croisé sa route ou pris des décisions en pensant aux mots de Pierre Rabhi ».
  • Gildas Bonnel, Président de l’agence de communication responsable Sidièse : « Je me souviendrai toujours de ce déjeuner incroyable où je présentais Pierre Rabhi à Michel Levy Provencal la veille de son TedX Paris 2011 (…) Michel a dit à Pierre : « Je pensais Monsieur que vous seriez un ovni dans le programme de notre conférence et je réalise aujourd’hui que ce sont tous les autres qui vont l’être » ».

Mais, quand une icône de l’écologie disparaît, qui pour la remplacer ? Je posais cette question pas plus tard que vendredi, donc avant le décès de Pierre Rabhi, dans notre nouvelle émission #EssOnAir enregistrée dans le studio de Mediatico (voir ci-dessous). Je l’avoue, nos deux invités, François Dechy et Julia Faure, venus s’exprimer sur l’actualité politique, sociale et environnementale, m’ont surpris. J’attendais comme réponse le réalisateur Cyril Dion, la navigatrice Maud Fontenoy, la fondatrice de Bloom Claire Nouvian…

Ils s’étaient sans doute passé le mot : ils m’ont répondu, très simplement, que nul n’était besoin de porte-parole, car nous en étions tous. A nous de faire la part du colibri.


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