Bravo, bravo ! Les grands gagnants sont donc : Défense, Police, Justice. Culture aussi, merci Rachida Dati. Quant aux perdants, ils pourront retenter leur chance l’année prochaine. L’école, la santé, le social, le sport au lendemain des JO, la vie associative, l’aide alimentaire, l’éducation populaire, l’économie sociale et solidaire, les entreprises d’insertion, les ressourceries, la transition écologique, la solidarité internationale… Venant d’un gouvernement de droite, rien d’étonnant. Nul ne peut vivre sans cesse à crédit, il nous faut réduire notre déficit. Mais… de 60 milliards d’euros ?
Le budget 2025 proposé par le gouvernement Barnier, qui entre en débat à l’Assemblée nationale, balaye violemment tout à la fois les engagements de l’Etat, les attentes des acteurs de la société civile, ainsi que la reconnaissance méritée de ceux qui portent la République à bout de bras et préservent comme ils peuvent le lien social au quotidien. Un gâchis, témoignent l’ensemble des acteurs du secteur de l’ESS.
Pour l’économie sociale et solidaire, en effet, le budget dégringole de 25%, tombant à 16,8 M€ en crédits de paiement (voir la mission 305, Stratégies Économiques, dans ce bleu budgétaire). Dans son blog, Michel Abhervé nous rappelle que cette ligne budgétaire finance à la fois le Développement de l’économie sociale et solidaire (les têtes de réseau ESS France et les CRESS), le soutien à l’investissement à impact social (financement public-privé des enjeux sociaux), mais aussi le Dispositif local d’accompagnement (DLA, pour former les associations), ainsi que les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE, lire notre édito du 1er octobre).
Les principales déclarations des réseaux de l’ESS
Benoît Hamon, président d’ESS France, dénonce « une humiliation d’autant plus injuste que les millions de bénévoles et employés de l’ESS assurent partout en France, le 1er kilomètre de l’intérêt général ». Pour lui, « on ne pouvait pas faire budget plus déconnecté du réel, des besoins du terrain et du quotidien des Français ». Dans la foulée, ESS France évoque un budget « inconscient », car « le retrait de l’Etat du champ de l’ESS aura un effet de levier social, économique, territorial et démocratique dangereux » (lire ici). Et parce que l’humour sauve, parfois, Benoît Hamon ironise sur la monnaie locale complémentaire tout juste inventée par le gouvernement : le #blabla.
Plus dure est l’UDES, syndicat d’employeurs de l’économie sociale et solidaire, qui croyait encore une semaine plus tôt dans les vertus du dialogue avec le nouveau gouvernement. À présent, les mots sont durs : « Avec 40 milliards d’euros de coupes budgétaires, des centaines de milliers d’emplois sont aujourd’hui menacés », estime son président Hugues Vidor. Et son directeur général Hugues Pollastro de renchérir : « L’économie sociale et solidaire, qui intervient aux côtés des services publics et emploie 2,4 millions de salariés à travers 220.000 structures, est en péril » (lire le communiqué).
A la Confédération générale des Scop, Fatima Bellaredj n’en croit pas ses yeux : « Certains jours, je me demande d’où vient l’énergie de vouloir faire de l’ESS l’économie de demain. Certains jours comme aujourd’hui, à la lecture du budget de l’Etat, qui sabre l’ESS déjà bien mal lotie au regard de ce qu’elle pèse et ce qu’elle fait pour une société plus juste. On ne va rien lâcher ».
Chez Coordination Sud, qui regroupe 180 ONG françaises de solidarité internationale, son président Olivier Bruyeron s’insurge aussi dans Libération, constatant la baisse de 20% du budget de l’aide publique au développement, qui soutient les pays les plus vulnérables et leurs populations. Cette enveloppe budgétaire finance notamment le Fonds mondial de lutte contre le Sida, le paludisme, la tuberculose… Ainsi que l’accès de millions d’enfants à la scolarité.
Au Mouvement Associatif, Claire Thoury la joue collectif et évoque elle aussi un « carnage », un budget « hallucinant, voire insultant » dans les propos rapportés par Carenews, mais elle précise que le budget alloué à la vie associative reste « globalement préservé, bien que très faible ».
Quant au Pacte du Pouvoir de Vivre, il dénonce le « mauvais calcul » du gouvernement : « Supprimer 4.000 postes d’enseignants, réduire l’ambition sur le logement social, réduire le budget du fonds vert ou encore l’aide à l’achat de véhicules électriques (…) est un contre-sens à la fois écologique, social et économique » (lire le communiqué). Cette organisation qui rassemble plus de 60 organisations de la société civile, unies pour répondre à l’urgence sociale, climatique et démocratique, « appellent les députés à rééquilibrer massivement le PLF2025 ».
Ouverture du débat budgétaire à l’Assemblée
Car à l’évidence, ce budget n’est pas équitable. Sur la santé par exemple, le tarif des consultations médicales passerait à 30 € à partir du 1er novembre, soit dans deux semaines. Certes, les mutuelles compenseront. Mais de 2 millions de Français, les plus pauvres, n’ont pas de mutuelle. Quant aux autres, ils devront subir une hausse de leurs cotisations l’an prochain, puisque la FNMF explique que les complémentaires santé devront débourser à l’avenir 12 € par consultation, au lieu de 7,5 € actuellement, et que les mutuelles – qui sont à but non lucratif – devront « répercuter ce transfert sur les cotisations » des sociétaires. Tous les Français paieront donc plus cher. Les plus précaires aussi… dont beaucoup renonceront encore à se soigner.
Quant aux pistes de recettes fiscales nouvelles, elles semblent bien frêles dans un contexte de rigueur généralisée. Les ménages les plus riches, tout comme les entreprises qui font des super profits, ne sont concernés par une hausse de leurs impôts que de façon temporaire, de un à trois ans, tout au plus. Et encore ! Attendons de voir le ce gouvernement ultra-minoritaire à l’Assemblée passera le cap du vote. Certaines hausses d’impôts pourraient bien faire pschiiit.
Une correction du budget à l’Assemblée devrait passer par des mesures reproductibles chaque année et qui ne compromettent pas l’avenir. Supprimer les aides publiques néfastes à l’environnement, transformer le crédit d’impôt recherche, remettre en place l’impôt sur la fortune (ISF), augmenter la taxe sur les transactions financières (TTF), instaurer une taxe sur les superprofits… Plus de 50 milliards d’euros supplémentaires seraient ainsi mobilisables.
Voilà de quoi combler le besoin de 60 milliards d’euros décrété par le gouvernement Barnier. Tiens, comme c’est amusant : dans L’Obs, Pascal Riché note que ce chiffre de 60 milliards d’euros correspond exactement au total des réductions d’impôts que le pouvoir macroniste a consenti depuis 2018 : suppression de l’ISF, baisse de l’impôt sur les sociétés, instauration de la flat tax, suppression de la taxe d’habitation… Et qui ont conduit au désastre budgétaire actuel.