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Politiques publiques : l’ère des renoncements

C’est une avalanche de renoncements, qui en dit long sur le désordre politique actuel. Dernier avatar en date : le service civique ! Créé par Unis-Cité voilà 15 ans, ce dispositif devenu politique publique permet chaque année à 150.000 jeunes en France de s’engager au service de l’intérêt général, dans une association ou une collectivité. Mais voilà. Jeudi dernier, les budgets sont coupés d’un coup. Sans prévenir ni les associations employeuses, ni les jeunes en cours de recrutement. Et LinkedIn s’enflamme.

« Concrètement, cela laisse sur le carreau 5000 jeunes en mission depuis janvier, à qui on a demandé brutalement de rentrer chez eux. Et celles et ceux qui devaient commencer en février se retrouvent sans rien, tandis que des milliers d’associations qui accueillent des volontaires ne peuvent plus le faire en 2025 », explique Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif.

Cette situation « inacceptable » est un « scandale », renchérit Unis-Cité : « Il est impensable de priver ces jeunes de leur engagement faute d’une mesure budgétaire transitoire adaptée (…) la jeunesse qui s’engage pour l’intérêt général ne doit pas payer le prix des blocages politiques » ! Le syndicat d’employeurs Hexopée s’indigne aussi de cette décision brutale de Bercy qui « fragilise les associations et la cohésion sociale dans nos territoires ».

« Mais si ce sont les budgets liés à l’engagement de la jeunesse qui sautent en premier, quel avenir construisons nous ? », interroge Cécile Gueguen, ancienne volontaire en service civique et désormais encadrante au sein des écoles de la transition écologique ÊTRE. Voilà donc le message qu’envoie le renoncement de l’Etat – et celui d’une classe politique vieillissante – à honorer ses engagements envers la jeunesse et l’intérêt général. No future ?

Violence institutionnelle

Bien sûr, c’est la situation budgétaire de la France, dans laquelle se débat François Bayrou aujourd’hui même, qui légitime cette violence institutionnelle. Mais ce n’est pas le seul renoncement de l’Etat du moment, loin de là. Voyez les coups de boutoir incessants portés contre ceux qui portent la cohésion sociale comme ils peuvent, à bout de bras, avec de bien maigres crédits et si souvent gratuitement grâce à leurs bénévoles. 

Imaginez seulement : le gel du Pass Culture qui vient de sidérer les établissements scolaires ; les budgets de l’économie sociale et solidaire qui fondent en régions Pays-de-la-Loire ou Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que dans l’Hérault ; les 800 millions d’euros d’économies supplémentaires qui vont frapper les structures de l’insertion par l’activité économique et menacer l’emploi de 300.000 personnes défavorisées ; ou encore la suppression à court terme des postes « d’adulte-relais » subventionnés par l’Etat dans les quartiers prioritaires…  

C’en est trop… et ce n’est pas fini en matière de renoncement ! Voyez cette insatiable volonté de détruire tous les cadres posés depuis vingt ans, pourtant destinés à réguler les excès du marché et à préserver les avancées conquises de haute lutte, pour promettre un avenir meilleur à nos enfants. Ces derniers jours, il a fallu batailler d’arrache-pied pour préserver le Conseil supérieur de l’ESS, finalement sauvé au sénat. De même pour l’Ademe, l’agence de la transition écologique, violemment prise pour cible par la droite. Mais l’Agence Bio, qui promeut l’agriculture bio au sein du ministère de l’Agriculture, joue encore sa survie.

Ce n’est pas le budget de la France qui pèche, c’est la vision de long terme

Et je vous fais l’économie des renoncements de la France sur la CSRD ou la CS3D, ces nouvelles normes européennes qui somment les entreprises et les institutions financières à démontrer leurs pratiques responsables au plan social et environnemental. La France s’était engagée à les défendre et à les appliquer, mais elles sont toujours reportées à un peu plus tard.

Au fond, ce n’est pas le budget de la France qui pèche, c’est la vision de long terme qui s’est évanouie. Aujourd’hui, les forces progressistes ne progressent plus. Face à ce vide béant, des forces destructrices ont pris la place. En France comme aux Etats-Unis, qui sortent à nouveau des Accords de Paris sur le Climat. Le retour de balancier est violent. 

Face à un tel désordre, une alternative : subir ce nouvel ordre du monde, ou porter le combat après avoir considéré que les règles ont changé. C’est ce que semble vouloir faire François Bayrou, en engageant la responsabilité de son gouvernement sur le budget. S’il l’emporte, la culture, le travail social ou l’agence du service civique pourraient retrouver leurs crédits. Mais à coup sûr amputés. Car les règles ont changé.

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