Les fondations ne sont pas mécontentes que l’examen du budget 2025 reparte à zéro, au Sénat désormais. Interrogée par Mediatico sur le plateau de l’émission ESS On Air, Marion Lelouvier, présidente du Centre Français des Fonds et des Fondations (CFF), est venue détricoter pour nous le débat budgétaire en cours, le contenu des derniers amendements déposés, ainsi que leurs conséquences sur les fondations, sur l’économie sociale et solidaire en général et sur l’ensemble du secteur de la solidarité.
Marion Lelouvier rappelle tout d’abord que la perception des fondations est souvent erronée. Elles sont vues comme des entités puissantes et riches, parce qu’elles ont la capacité à s’inscrire dans le temps long, dit-elle. Mais à la croisée des collectifs associatifs, citoyens et entrepreneuriaux, elles sont réellement fragiles face aux décisions politiques et aux évolutions législatives, notamment en matière fiscale.
La menace des changements fiscaux
La présidente du CFF met ainsi en lumière les amendements qui entendent réduire les avantages fiscaux des dons, qu’ils soient réalisés par des particuliers ou des entreprises. Par exemple, la défiscalisation liée à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui concerne 35.000 foyers fiscaux en France, pourrait passer de 75 % à 66 %. Selon elle, un avantage fiscal réduit aurait un impact forcément négatif sur la philanthropie et la générosité du public.
De plus, les incitations fiscales créent souvent des effets de levier démultiplicateurs : une réduction fiscale, même minime, pourrait entraîner une baisse significative des dons. Mais Marion Lelouvier note que les amendements sont rarement assortis d’une évaluation de l’impact de leur mise en oeuvre, ce qui rend difficile la prévision de leurs conséquences sur le financement de l’intérêt général.
Les deux grandes catégories de fondations
Marion Lelouvier explique que les fondations se divisent principalement en deux catégories : les fondations redistributrices et les fondations opératrices. Les fondations redistributrices, qui collectent des dons pour les redistribuer à des causes spécifiques, sont entièrement dépendantes de la générosité publique et des avantages fiscaux. La réduction des incitations fiscales toucherait donc ces structures de plein fouet, impactant les associations et les bénéficiaires finaux.
Quant aux fondations opératrices, qui gèrent directement des établissements médicaux, sociaux ou culturels, elles combinent des financements provenant des dons, des collectivités territoriales et des usagers. La baisse des subventions publiques ou des budgets des collectivités territoriales pourrait ainsi avoir des répercussions sur le financement de leurs activités, menaçant des services essentiels tels que la santé, l’éducation et le soutien aux personnes âgées.
Pour une Conférence de la générosité et de l’engagement
Dans notre interview, Marion Lelouvier défend aussi ardemment le budget de l’ESS, dont font partie les fondations, car l’économie sociale et solidaire est une économie réparatrice, souvent supplétive de l’action publique, appuyée sur l’engagement de millions de bénévoles. Au regard des finances publiques, l’ESS joue donc un rôle essentiel en termes de dépenses évitées, à effet immédiat comme à plus long terme. Elle souligne que la préservation du budget de l’ESS est vital et que, à l’inverse, la diminution des financements pour les réseaux et les dispositifs de soutien aux associations engendrerait des effets domino délétères.
Le Centre Français des Fonds et des Fondations (CFF) ne revendique pas l’immobilisme, assure-t-elle, mais les fondations ont besoin d’une visibilité de long terme et ne redoutent rien de plus que l’instabilité fiscale. Le CFF souhaite par ailleurs s’inscrire dans une démarche de réelle concertation pour adapter le cadre législatif et fiscal. Pour cette raison, Marion Lelouvier plaide pour l’organisation d’une grande « Conférence de la générosité et de l’engagement », qui permettrait de revoir le statut et la fiscalité des structures à but non lucratif. Celles-ci jouent un rôle essentiel de « ciment démocratique » dans notre société, rappelle-t-elle, par leur action de proximité et leur engagement désintéressé au service des enjeux sociaux et environnementaux.