Connaissez-vous la directive Omnibus ? À chaque arrêt, elle détricote ! Tout ce qui fut patiemment construit côté européen est méthodiquement déconstruit sous diktat américain. La nouvelle donne planétaire, trumpiste et impériale, aléatoire et fascisante, impose aux entreprises du monde entier de resserrer les boulons de leur compétitivité, pour surseoir à un choc colossal de nouveaux risques imprévus jusqu’ici. Alors, sous couvert de « simplifier » la vie des entreprises, l’heure est au détricotage. Dans la législation européenne, une loi »omnibus » désigne une initiative législative regroupant plusieurs modifications ou révisions de textes existants sous une seule et même proposition. Son objectif est de simplifier, harmoniser ou adapter le cadre réglementaire.
Définition : C’est quoi, une directive omnibus ?
La nouvelle Commission européenne a donc présenté sa « directive omnibus » en fin de semaine, qui entend réviser, en une seule proposition, plusieurs textes fièrement adoptés lors du mandat précédent : le devoir de vigilance des multinationales (CSDDD), le reporting extra-financier des entreprises (CSRD), leurs ambitions environnementales, la taxonomie verte pour la finance durable, la taxe carbone aux frontières…
Bref, toute une série de directives qui obligeaient les entreprises à se conformer à l’Accord de Paris sur le climat et aux Objectifs du Développement Durable de l’ONU. Mais tout fout le camp ! Pas étonnant que la contestation soit générale : syndicats, entreprises, financiers, ONG, élus, juristes, experts… les arguments s’égrènent à la Prévert.
La transparence extra-financière remise en cause
Amnesty International, très mobilisée pour la loi sur le devoir de vigilance en France en 2017 puis au sein de l’Union européenne en 2024, explique que « si la directive sur le devoir de vigilance est affaiblie, elle ne pourra plus empêcher le recours au travail des enfants, ni éviter les conditions de travail dangereuses ou les salaires de misère, ni empêcher les contaminations des terres et de l’eau par la pollution pétrolière ou les déchets toxiques, ni l’expulsion forcée de communautés entières de leurs terres, ni la violation des droits de peuples autochtones… ». Rien que ça ! (lire ici).
Pour Oxfam France, cette directive omnibus « est un signe supplémentaire de l’affaiblissement démocratique à l’œuvre dans l’Union européenne. Alors que nombre de voix politiques et économiques se sont élevées pour protéger ces textes, la Commission a préféré capituler face aux lobbys des grandes entreprises, comme le MEDEF ou la Fédération Bancaire Française » (lire ici).
Concernant le reporting extra-financier, la CGT explique que la directive omnibus réduit de plus de 80% le nombre d’entreprises soumises à obligation de transparence, supprimant « les normes sectorielles qui permettent de cibler en priorité les secteurs les plus polluants tels que le secteur extractif. Cela signifie que certaines informations essentielles pour orienter les financements vers la transition climatique juste seront perdues » (lire ici).
« Cette ambition doit rester la fierté de l’Europe »
Le Forum pour l’Investissement Responsable soutient totalement la position exprimée par son homologue européen Eurosif et notamment « par 162 investisseurs institutionnels et sociétés de gestion financière ». Le FIR rappelle que les textes adoptés ces dernières années sont indispensables aux investisseurs pour gérer « les risques d’impact négatif des investissements sur les hommes et l’environnement, identifier les opportunités et financer une économie réelle plus compétitive, plus juste, plus prospère, et soutenable » (lire ici).
Fanny Picard, pionnière de l’investissement à impact et fondatrice d’Alter Equity, affirme que la compétitivité des entreprises ne doit pas se faire au détriment des exigences ESG et de l’impact positif. Elle rappelle que le tissu industriel et économique européen a déjà montré sa capacité à allier une forte rentabilité avec un impact social et environnemental positif : « C’est cette ambition qui doit rester la fierté de l’Europe », affirme-t-elle.
Pour sa part, « Notre Affaire À Tous » souligne le soutien massif des milieux économiques aux textes européens progressistes des dernières années. L’ONG, qui était parvenue voilà tout juste un an à faire condamner l’Etat français pour inaction climatique, cite aujourd’hui la position de 400 directeurs du Développement Durable d’entreprises françaises, 150 experts en droit des affaires et droits humains, ou encore 90 organisations de la société civile, entreprises, banques et investisseurs, qui tiennent à conserver les textes européens CSDDD et CSRD (lire ici).
Le patronat porte-t-il encore la voix des milieux économiques ?
La proposition de directive Omnibus n’a de « simplification » que le nom, résume Notre Affaire À Tous : « En réalité, il s’agit d’une dérégulation massive et sans précédent, qui rappelle la politique de déréglementation en cours aux États-Unis. Présentée dans l’urgence et sans respecter pleinement les procédures démocratiques, elle s’attaque à des normes d’intérêt public » qui visaient à prévenir et réparer les atteintes aux droits humains et environnementaux, causées par les entreprises.
Dans le camp d’en face, le MEDEF, l’AFEP et la Fédération Bancaire Française s’arc-boutent. Dans un communiqué très politique, ils affirment que le « reporting extra financier » est utile… pour discuter. Mais au-delà de la litote, ils appellent à encore plus de simplifications et même à l’adoption d’autres textes « omnibus » (lire ici). Moins de contraintes, plus de profits. Les lobbys sont bien là, puissants, sûrs d’eux. Mais portent-ils encore la voix des milieux économiques ?
Et maintenant ? Le projet de directive omnibus doit encore être voté au Parlement européen. Voilà pourquoi les deux camps s’activent intensément : la bataille est politique. Pour Amnesty International, « il n’est pas trop tard pour bloquer la proposition et garantir la protection de ces lois » qui constituent, souvenons-nous en, l’une des plus grandes avancées en matière de législation sur les entreprises et les droits humains de ces dernières années.