ACTU

MEDIATICO – ACTU

Dix leviers pour financer le changement d’échelle des structures de l’ESS

L’économie sociale et solidaire a besoin d’investissements pour amorcer des changements d’échelle et étendre plus largement le champ de ses solutions. Mais à l’heure de la raréfaction des fonds publics, l’ESS se trouve à un tournant. Alors que la finance solidaire connaît une croissance sans précédent, les acteurs locaux de l’ESS peinent à trouver les financements nécessaires pour développer leurs projets. 

Publiée fin février, une étude menée par la Chambre Régionale de l’Économie Sociale et Solidaire (CRESS) Île-de-France, avec le soutien de la Caisse d’Épargne Île-de-France, la Banque des Territoires et ESS France, met en lumière les obstacles rencontrés par ces acteurs et propose des pistes pour y remédier.

Une croissance remarquable de la finance solidaire

En 2022, les Français ont épargné 26,3 milliards d’euros via des produits susceptibles de soutenir l’ESS, soit près de quatre fois plus qu’en 2013. Les fonds dits 90/10 (bientôt 85/15), principaux outils de collecte d’épargne solidaire, ont aussi connu une progression spectaculaire, passant de 367 millions en 2003 à 13,748 milliards d’euros en 2020, venant accroître le soutien financier à l’ESS.

Cependant, malgré ces chiffres encourageants, les acteurs de l’ESS continuent de rencontrer des difficultés pour financer leurs projets. RailCoop, placée en liquidation judiciaire en 2024, et Baluchon, contrainte d’arrêter son activité de traiteur en 2023, en sont des exemples frappants. Les porteurs de projets témoignent de leur difficulté à trouver des financements pour amorcer un projet, développer leur modèle économique ou assurer une stratégie d’essaimage.

Les principaux freins identifiés 

L’étude de la CRESS Île-de-France a identifié plusieurs freins à la levée de fonds pour les structures de l’ESS :

1. Complexité administrative : Une levée de fonds en fonds propres ou quasi-fonds propres est souvent lourde administrativement, chronophage et coûteuse, rendant cette option contre-productive en phase de démarrage. Les acteurs interrogés ont exprimé leur réticence à mobiliser ce type de financement au démarrage d’un projet, préférant un financement en bas de bilan, sous forme de dette, moins difficile à mobiliser et moins coûteux.

2. Risque accru : Contrairement à l’économie classique, l’innovation sociale nécessite souvent du temps de mise en œuvre, ce qui décale les capacités de rendement des organisations. Ce décalage peut rendre les investisseurs hésitants à s’engager dans des projets dont les retours sur investissement ne sont pas immédiats.

3. Statut juridique : Le statut associatif est peu plébiscité en Île-de-France parmi les structures en levée de fonds. Les investisseurs préfèrent s’engager avec des structures commerciales, souvent sous forme de Société par Actions Simplifiée avec un Agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale). Plusieurs structures initialement sous format associatif ont dû créer une structure ad hoc pour porter la levée de fonds.

Recommandations pour un meilleur financement de l’ESS

Pour pallier ces difficultés, la CRESS Île-de-France propose dix recommandations, parmi lesquelles :

1. Développer des parcours de financement coordonnées : Faciliter le croisement entre recours aux subventions d’investissement, de fonctionnement et investissements au capital. Des dispositifs d’aides comme PM’UP permettent déjà d’allier subventions d’investissement et de fonctionnement dans un dossier unique. Ce genre de bonne pratique doit se généraliser, en particulier pour l’ESS, et s’articuler avec les financeurs solidaires.

2. Clarifier les différences entre finance classique et finance solidaire : Une meilleure transparence sur le fléchage des fonds est nécessaire pour éviter que des fonds revendiquent les valeurs de la finance solidaire sans respecter les critères. Cette clarification est un préalable indispensable pour ensuite aller vers des financements hybrides ou mixtes.

3. Renforcer la sensibilisation des gestionnaires de fonds : Former les gestionnaires de fonds aux spécificités de l’ESS pour éviter des propositions financières incompatibles. Les dirigeants rencontrent souvent des interlocuteurs qui ne connaissent pas l’ESS, ce qui peut conduire à des propositions financières inadaptées.

4. Établir un dispositif d’aide dans les négociations : Créer un tiers de confiance constitué d’experts juridiques pour rétablir l’équilibre dans la relation aux fonds. Ce dispositif pourrait être inspiré du Dispositif Local d’Accompagnement (DLA) et permettrait aux porteurs de projet de mieux négocier les termes des levées de fonds.

5. Promouvoir les pratiques patientes : Encourager les investisseurs à adopter des pratiques patientes, supérieures à 10 ans, pour assurer la durabilité et l’autonomie des entreprises de l’ESS.

Les recommandations de la CRESS Île-de-France offrent une feuille de route pour surmonter les obstacles actuels et renforcer le soutien financier aux acteurs de l’ESS. La CRESS insiste notamment sur la nécessité de soutenir les collaborations entre financeurs pour anticiper les sorties avec des investisseurs prêts à prendre le relais. 

Elle souligne également qu’il est indispensable de protéger les projets de l’ESS des rachats ou des filialisations qui pourraient les tirer vers le champ de l’économie classique. Et de rendre l’agrément ESUS plus attractif auprès des investisseurs, pour renforcer les financements dédiés à l’ESS.

Découvrir l’étude de la CRESS Île-de-France : 

https://www.cressidf.org/decouvrez-notre-etude-dediee-au-financement-des-structures-de-less-en-ile-de-france

Partagez cet article :