ACTU

Duralex : un an après la reprise par les salariés, la coopérative affiche un rebond spectaculaire

À l’occasion de ses 80 ans, et un an après sa transformation en Scop, Duralex illustre à quel point le modèle coopératif est un levier puissant de relance industrielle. Près d’Orléans, la célèbre verrerie de La Chapelle-Saint-Mesmin, qui avait frôlé la disparition, affiche aujourd’hui 32 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit une augmentation de 22 % sur un an, et une équipe en pleine croissance.

« Que le modèle coopératif permette de beaux succès industriels, voilà qui n’est pas une surprise, mais il y a dans cette très belle aventure des choses fortes à souligner », souligne Bastien Sibille, secrétaire général du mouvement Coop FR.

La Scop Duralex, née le 1er août 2024 après validation du tribunal de commerce d’Orléans, rassemble aujourd’hui 144 salarié·es sociétaires, représentant 60 % de l’effectif. Chacun détient un droit de vote égal, quel que soit son apport, incarnant la gouvernance démocratique à l’œuvre au sein des Scop.

Une transformation qui repose sur l’engagement collectif

François Marciano, directeur général de la Scop, rappelle l’ampleur du défi : « C’était extrêmement compliqué pour nous, les salariés de Duralex, de faire entendre notre projet. Quand le tribunal a validé la reprise, tout le monde a crié de joie. C’était magique. Aujourd’hui, c’est le début d’une nouvelle aventure », indique-t-il au magazine Décideurs.

Cette réussite repose sur la mobilisation exceptionnelle de tous les acteurs impliqués : les salariés ont apporté 100 000 € pour relancer la trésorerie, les syndicats (CFDT, CGT et FO) ont soutenu la démarche coopérative, et les financeurs privés ont investi 2,5 millions €, dont 1,5 million des banques, 500 000 € de France Active et 500 000 € du Fonds des Scop, avec un rôle important de la Confédération générale des Scop.

« C’est la CFDT qui a suggéré à François Marciano de regarder le statut de Scop, ce soutien syndical à la promotion du modèle coopératif doit être souligné », relève Bastien Sibille.

Le soutien déterminant des collectivités locales

Le soutien financier public a également été déterminant : la Région Centre-Val de Loire a injecté directement un million d’euros, tandis que la ville d’Orléans a mis à disposition un local de 600 m² en centre-ville pour accueillir la boutique Duralex, ouverte en quelques jours, qui génère aujourd’hui plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires. La Métropole d’Orléans a quant à elle sécurisé l’avenir industriel en rachetant le site de production pour 5,6 millions d’euros, garantissant le maintien des emplois et la pérennité de l’activité.

Serge Grouard, maire d’Orléans et président de la Métropole, souligne : « Ce projet des salariés, tous les acteurs locaux et régionaux le soutiennent. C’est un symbole de résilience industrielle et sociale. »

Une reprise industrielle exemplaire

Avant la Scop, Duralex était en difficulté chronique, avec des crises répétées et un marché fragilisé par des distributeurs peu investis dans l’industrie. François Marciano raconte : « Il était question de condamner 228 employés, une entreprise française mythique et un savoir-faire unique. La Scop prévient toute possibilité de délocalisation et de rachat : c’est un rempart considérable. »

L’implication des salariés, désormais “scopeurs”, a transformé la culture d’entreprise. « Le 1er août 2024, nous étions officiellement une Scop. Je fais le tour de l’usine et les salariés me disent : ‘Désormais ce sont nos sous, on fait attention.’ Cette responsabilisation a généré des gains immédiats, une meilleure maîtrise des consommables et de l’énergie, et un esprit collectif retrouvé », explique le directeur général, qui a été élu par les autres salariés.

Une stratégie de développement ambitieuse

Au-delà du redressement financier, la Scop Duralex mise aujourd’hui sur l’innovation industrielle et commerciale. Sur le plan industriel, des projets sont en cours sur l’efficacité énergétique, la récupération de chaleur, la gestion autonome de l’eau et le recyclage des matières premières. Sur le plan commercial, l’entreprise modernise sa distribution, avec une boutique physique et un site de vente en ligne, et elle mise sur le marketing émotionnel et générationnel pour célébrer son 80e anniversaire avec des produits dérivés made in France.

Le marché international n’est pas en reste : Duralex exporte en Chine et au Japon, et l’entreprise a retrouvé une partie du marché des établissements scolaires français perdu au profit de verres en plastique importés. Le tout, dans un contexte de marché du verre trempé en légère décroissance.

Un modèle coopératif inspirant

Le cas Duralex démontre la pertinence des Scop dans l’industrie lourde, souvent considérée comme un secteur réfractaire à l’économie sociale et solidaire. Les salarié·es détiennent en effet au moins 51 % du capital et 65 % des droits de vote, partagent équitablement les résultats et participent activement à la gouvernance. Cette approche horizontale et collective a également attiré l’attention de chercheurs d’Harvard, de l’ESSEC et de la Sorbonne, venus étudier le modèle et l’enseigner à leurs élèves.

« Aujourd’hui, nous faisons tout pour assurer les 80 prochaines années de Duralex. C’est une aventure industrielle et humaine unique, et la preuve qu’une entreprise peut être à la fois compétitive, ancrée localement et démocratique », conclut François Marciano.

Alors que la France cherche à réindustrialiser et à relocaliser, cette Scop pourrait bien devenir un modèle national, inspirant d’autres salariés à reprendre leur destin en main et à réinventer l’industrie par l’engagement collectif.

Partagez cet article :