Tic tac, tic tac… Pour porter la voix de la France en Europe, le temps est compté. Le drapeau bleu étoilé n’a flotté qu’une journée sous l’Arc de Triomphe. Et la présidence française de l’Union européenne qui vient de s’ouvrir ne durera que six mois. Nul doute que l’agenda sera chargé. Six mois pour tout changer ? Ne rêvons pas. L’Observatoire des mulitnationales a déjà jugé cette présidence « sous influence », car préparée en étroite collaboration avec les grandes entreprises. Mais six mois pour avancer, pourquoi pas ?
Durant 180 jours, la France va piloter les travaux législatifs, élaborer les compromis et, surtout, influer sur l’ordre du jour des réunions : c’est là que se trouvent les marges de progrès dont pourrait se prévaloir la France. Pour quel programme ? Les enjeux sociaux et environnementaux ne s’arrêtent pas aux frontières de l’Hexagone. L’une des deux priorités de la France, après le renforcement des frontières de l’Europe, concerne « un nouveau modèle européen de production, de solidarité et de régulation ». Entendez par là qu’il faut tirer les leçons de la pandémie, réussir la transition numérique, affronter le défi climatique, créer un salaire minimum européen, instaurer une taxe carbone aux frontières…
Emmanuel Macron a aussi parlé de développer un service civique européen. Unis-Cité, l’association pionnière du Service Civique en France, qui a inspiré la loi sur le Service Civique et déjà accompagné plus de 35.000 jeunes volontaires, s’est réjouie de cette annonce. Mais Unis-Cité a aussitôt précisé ses propres propositions : « Permettre aux jeunes européens de 16 à 25 ans, de tous milieux sociaux et niveaux d’études, de consacrer une année de leur vie à servir l’intérêt général en Europe, de répondre aux besoins sociaux et environnementaux des pays de l’Union Européenne, de développer ainsi des compétences précieuses pour leur propre insertion citoyenne et professionnelle ». Le cadre est clairement posé.
Quant aux modalités de ce Service Civique européen, « il pourrait être conçu comme une année de césure citoyenne de 12 mois menée en deux temps : six mois de missions d’intérêt général sur le territoire national du jeune et six mois dans un autre pays européen », souligne Marie Trellu-Kane, co-fondatrice et présidente d’Unis-Cité, qui publiait en novembre dernier son essai « Liberté ! Égalité ! Et ? Pour un autre service national ». Son objectif : faire du Service Civique une « école de la fraternité », le rendre accessible un jour à tous les jeunes en Europe (5 millions de jeunes Européens par classe d’âge) pour qu’ils vivent à la fois « un temps de service aux autres et une expérience de mobilité européenne, afin de se réapproprier, par une expérience de vie forte et porteuse de sens, leur appartenance à une destinée commune ».
Enfin, nul doute que la finance verte voudra profiter de la présidence française de l’Union européenne pour avancer. En cours de structuration en France, elle ne pourra démultiplier son impact qu’à l’échelle européenne, pour financer convenablement les infrastructures de la transition écologique. En 2020, l’Union Européenne avait adopté une ‘taxonomie’ dressant la liste des activités économiques à bénéfice environnemental, sur laquelle les investisseurs vont devoir se justifier auprès de leurs actionnaires pour la première fois cette année. Voilà qui promet quelques controverses médiatiques, tant les données sont trop partielles et peu standardisées au niveau européen. Là aussi, des marges de progrès sont à conquérir.
Assurément, l’agenda européen de la France sera donc chargé. Emmanuel Macron s’exprimera d’abord le 19 janvier à Strasbourg, juste avant un débat au Parlement européen. Puis, les 17 et 18 février, deux journées seront consacrées à l’économie sociale en Europe, toujours à Strasbourg, suite à l’appel à contributions lancé l’an dernier par la Commission européenne pour un Plan d’action européen pour l’économie sociale. Enfin, en juin 2022, se tiendra la 110e session de la Conférence internationale du travail (CIT), avec un focus particulier sur l’économie sociale et solidaire et sur l’avenir du travail centré sur l’humain. L’Union européenne ne peut pas être absente des débats. Lourd programme, en vérité.
Six mois pour tout changer ? Ne rêvons pas. Mais six mois pour avancer, pourquoi pas.
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