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Europe : Un président français plus grand que la France

Jeudi 9 mai, journée de l’Europe ! Un mois avant des élections européennes qui n’emportent pas les foules, on le sait. Mais où les sondages font déjà le jeu des extrêmes : le monde est fracturé, violent, outrancier, la France ne fait pas exception. Alors, raccrochera-t-on jeudi sous l’Arc de Triomphe le drapeau européen, symbole de paix et d’ambition commune, au risque d’irriter une fois de plus la droite nationaliste ? Tout au moins, préparez-vous à voir fleurir des centaines de drapeaux étoilés à l’avant des bus parisiens. Tels un régiment, en ordre de marche. En avant, toute ! Mais vers quelle Europe ?

Voilà deux semaines, Emmanuel Macron s’est montré parfaitement à la hauteur. Je lui trouve souvent des torts, au plan social notamment. Mais dans son discours de la Sorbonne, il a exprimé une véritable vision pour l’Europe, forte et déterminée. Ce que ne feront jamais Marine Le Pen ou Jordan Bardella… ni tant d’autres. Il a d’ailleurs aussi placé ce jour-là son regard très au-dessus de celui de ses homologues européens, dont beaucoup ne sont pas au niveau. Hélas.

Nous avions ce jour-là un président français plus grand que la France, prêt à protéger les frontières, l’emploi et les peuples. Un président prêt à bousculer ses pairs pour créer une défense européenne trop arlésienne, voire l’amorce d’une fiscalité commune. Prêt à empêcher la Russie et la Chine, à préserver nos actifs stratégiques, à relancer l’industrie européenne… Prêt à défendre aussi les valeurs de notre vieille Europe, sa vision humaniste, son idéal progressiste. J’ai cru voir ce jour-là un Emmanuel Macron en campagne, si, si. Pour quel poste ? Et bien, président de la Commission européenne, pardi ! Nous verrons bien de quoi l’avenir sera fait.

Les enjeux économiques pour l’Europe d’ici 2029

Voilà deux semaines aussi, France Stratégie accueillait un passionnant colloque sur l’économie européenne, que j’ai eu l’honneur d’animer. Au menu, deux tables rondes : la première, sur le bilan de 15 ans de crises qui sont venues percuter l’Europe : crise des dettes souveraines, crise économique, financière, sanitaire, énergétique, géopolitique, démocratique… Oui, nous avons traversé tout cela et l’Europe est encore debout ! La seconde table ronde, sur les priorités économiques de la prochaine Commission, durant son mandat 2024-2029. Avec des économistes et des personnalités de premier plan pour en débattre. 

Pendant trois heures, nous avons discuté de la force de l’euro, de la fin du tabou budgétaire avec Mario Draghi, de la gestion calamiteuse des dettes souveraines qui nous a finalement appris à réagir vite pour mieux amortir les chocs du Covid et de l’Ukraine. Nous avons aussi parlé des grands enjeux économiques à venir : la compétitivité européenne et notre politique commerciale face à la Chine et aux Etats-Unis ; la souveraineté industrielle, énergétique, militaire et alimentaire ; mais aussi le besoin de canaliser les investissements publics et privés, comme nous l’avons fait avec le Green Deal ; ou encore l’impérieuse nécessité de réaliser l’union des marchés de capitaux en Europe, pour disposer d’une force de frappe financière suffisante pour financer les transitions.

Nous n’avons pas parlé d’Europe sociale. Emmanuel Macron non plus. Nous n’avons pas parlé de coopérations territoriales, d’inclusion, d’innovation sociale ou d’équité fiscale. Nous n’avons pas parlé de déserts médicaux, d’immobilier bloqué, de biodiversité, ni d’enjeu climatique. Encore moins de gouvernance, de dialogue avec les corps intermédiaires, ou d’économie sociale et solidaire… On ne peut pas parler de tout, vous savez bien. Mais si vous êtes libre ce 22 mai au soir, participez donc à ce débat à Bruxelles, sur le thème “Quelle Europe sociale voulons-nous ?”. 

L’ESS, une réalité déjà largement répandue en Europe

Il faut dire qu’en Europe, l’économie sociale et solidaire est déjà une solide réalité : elle représente 19 millions d’emplois, 9% de la population active et 10% du PIB européen, nous rappelle le Labo de l’ESS, citant le rapport du Conseil Économique et Social Européen de 2017. Seuls six pays disposent d’un véritable cadre législatif pour l’ESS (France, Belgique, Italie, Portugal, Espagne, Suède), mais les potentialités du secteur sont reconnues par la plupart des États membres, sous différentes appellations. 

En novembre, dans la ville espagnole de San Sebastian, 19 gouvernements européens se sont engagés à promouvoir « l’économie sociale », signant un Manifeste commun. Par cette déclaration, ils s’engagent à « faire de l’économie sociale un moteur de l’Union et de son développement, grâce à des politiques publiques nationales et communautaires ambitieuses » (lire sur ESS France), rappelait alors Jérôme Saddier, président d’ESS France.

Pour sa part, le délégué ministériel à l’ESS, Maxime Baduel, déclarait à San Sebastian : « À travers son engagement résolu en faveur d’une économie au service des personnes et de la planète, démocratique et solidaire, l’Union européenne représente une chance pour les acteurs de l’ESS ». 

Depuis sa création, malgré les crises incessantes et de toutes natures, l’Union européenne porte les valeurs de progrès qui ont permis aux peuples européens d’avancer. Des valeurs soutenues par une vision humaniste, à l’inverse du repli sur soi qui gagne du terrain chaque jour. Une vision qu’il nous faut défendre, aujourd’hui plus que jamais, lors du scrutin du 9 juin prochain.

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