Tambours et trompettes, la France célèbre cette semaine la 16e édition de la Semaine de la Finance Solidaire. Suivez le hashtag #sfs23 sur les réseaux sociaux ! Orchestrée du 13 au 20 novembre par l’association FAIR, elle prend place dans le cadre plus large du Mois de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), pour mettre en lumière l’évolution positive du paysage financier. Car, oui, une part des acteurs financier accepte d’investir dans un avenir plus solidaire et plus durable !
Mais en matière de finance, rien ne peut se faire sans les citoyens… et leur épargne. Vous avez le pouvoir ! L’objectif est donc clair : cette Semaine de la finance solidaire entend sensibiliser le grand public à son « pouvoir d’agir » au travers de son épargne, dans le but de soutenir des projets qui répondent à des défis majeurs au plan social, écologique et sociétal : accès à l’emploi, lutte contre le mal-logement, activités écologiques, accès à la santé, lutte contre l’isolement, soutien à l’entrepreneuriat dans les pays en développement… Et petit à petit, on avance.
Les derniers chiffres clés du secteur publiés par FAIR reflètent une progression notable de la finance solidaire, avec un encours de 26 milliards d’euros en 2022 (+7,4% sur un an). Et cela, alors même que la tourmente sur les marchés financiers a affecté certains des produits d’épargne qu’elle recouvre : la finance solidaire est très souvent investie dans des fonds dits « 90-10 », dont 10% maximum de l’encours est fléché vers des entreprises non cotées de l’économie sociale et solidaire (ESS), alors que les 90% restants sont placés en actions et obligations cotées, subissant donc les soubresauts des marchés financiers. En attendant, cette 16e édition est aussi l’occasion de célébrer quelques anniversaires. Et pas des moindres !
De nombreux anniversaires à chiffres ronds
Le Crédit Coopératif commémore cette année rien de moins que ses 130 ans. Acteur clé de l’économie solidaire, s’il en est. « Il y a 130 ans déjà, des hommes et des femmes ont décidé de porter une autre vision de l’économie », soulignait son directeur général Pascal Pouyet lundi dernier, lors du lancement du Mois de l’ESS. Aujourd’hui, il est fier du chemin parcouru, assurant que « 70% des entreprises qui ont été retenues pour les marchés des Jeux Olympiques sont clientes du Crédit Coopératif » et insistant sur le fait que « les émissions de CO2 des placements financiers du Crédit Coopératif sont 4 fois moins élevés que la moyenne des autres banques ».
De son côté, la SIDI fête ses 40 ans. Né à l’initiative du CCFD Terre Solidaire sous la dénomination « Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement », la SIDI célébrait son anniversaire à la Cité Universitaire de Paris la semaine dernière, où elle a retracé le parcours de ses investissements solidaires en Afrique, en Amérique latine et en Asie, avec force débats et tables rondes..
Les clubs CIGALES célèbrent aussi leurs 40 ans, montrant encore aujourd’hui la pertinence de leur concept, à savoir des Clubs de petits Investisseurs Locaux, qui constituent ensemble une cagnotte et qui se réunissent physiquement pour discuter des projets locaux d’Économie Solidaire, dans lesquels ils prennent le risque d’investir leurs économies. Dix ans après l’émergence de la finance participative tout-en-ligne, la survie de ce modèle non-numérique témoigne bien de son utilité et de la nécessité de conserver des liens physiques.
Pour sa part, L’Arrondi en caisse affiche fièrement ses 10 ans d’existence. Cette pratique de « générosité embarquée », développée par l’entreprise sociale microDON, s’est imposée aujourd’hui comme un levier de collecte essentiel – suscitant même l’arrivée de concurrents – avec plus de 47 millions d’euros collectés en dix ans au profit de 955 associations d’intérêt général. En 2013, Franprix était la toute première enseigne partenaire à Paris. Aujourd’hui, le dispositif est présent dans 45 enseignes, soit plus de 10.000 magasins en France. Réalisée pour l’occasion, une étude OpinionWay révèle que 6 Français sur 10 connaissent désormais très bien cette pratique et que 44% d’entre eux ont recours à l’Arrondi lors de leurs achats, contre 19% en 2019.
Enfin, c’est un tout petit anniversaire, mais nous l’aimons bien : le Tour de Bretagne de la finance solidaire est de retour pour sa deuxième édition. Cette tournée de conférences est organisée par Habitat et Humanisme, France Active, les Cigales, la SIDI et le Crédit Coopératif (justement), ainsi que de la Chambre régionale de l’ESS de Bretagne. Prochains rendez-vous : ce soir à Brest ; demain à Saint-Brieuc ; jeudi à Lorient.
Labels, greenwashing, Contrats à impact…
Derrière ces réussites néanmoins, subsistent des défis importants. La toute récente réforme du Label Finansol, par exemple, opérée par l’association FAIR, suscite des inquiétudes. « Le niveau d’exigence a été relevé sur la transparence et la mesure de l’impact dans la nouvelle version du label Finansol », se défend Frédéric Tiberghien, président de FAIR. Pour autant, certains estiment que l’ouverture du label à des fonds à impact, non nécessairement centrés sur la dimension solidaire, risque de drainer l’argent disponible vers les enjeux environnementaux déjà bien considérés. Voilà donc qui pourrait détourner une part des financements nécessaires à des structures sociales, qui peinent à trouver des fonds en dehors de la finance solidaire.
En parallèle, FAIR mène un autre combat d’ampleur dans le domaine de l’ISR. L’association vient en effet de signer la lettre ouverte de Reclaim Finance, qui appelle le gouvernement français à exclure des fonds labellisés « Investissement socialement responsable (ISR) » les entreprises qui développent de nouveaux projets d’énergies fossiles. Vous avez bien lu : jusque-là, le label public de l’investissement responsable accepte le financement des énergies fossiles. FAIR appelle donc à ne pas « institutionnaliser le greenwashing ».
De son côté, la ministre Olivia Grégoire a annoncé la réforme des « fonds 90-10 » propres à la finance solidaire (à ne pas confondre avec la finance responsable, oui c’est compliqué…). Elle a en effet déclaré la semaine dernière que la poche solidaire des fonds 90-10 passerait bientôt à 15%. Or, dans les futurs fonds 85-15, ce petit 5% supplémentaires n’est pas qu’un artifice : il représente 800 millions d’euros d’investissements solidaires en plus par an, par exemple pour les foncières solidaires qui achètent ou construisent des tiers-lieux ou du logement social d’insertion !
Enfin, le gouvernement avance aussi ses pions sur les Contrats à impact social (CIS). Issus des Social Impact Bonds anglo-saxons (SIB), ces contrats consistent en des partenariats financiers public-privé : un fonds privé avance d’abord l’argent pour financer le développement d’une cause sociale, puis le fonds privé sera remboursé par la puissance publique, avec intérêts, si les objectifs d’amélioration sociale sont atteints. Cela concerne la récidive dans les prisons, l’égalité des chances dans les quartiers prioritaires… Quand l’argent public fait défaut, Bercy propose d’aller chercher l’argent privé. Voilà qui rallume le débat sur les vertus – ou pas – de l’endettement public.
Cette 16e Semaine de la Finance Solidaire incarne donc à la fois l’opportunité de célébrer les réussites des acteurs de la finance solidaire, de faire prendre conscience aux citoyens que leur épargne est un puissant catalyseur pour construire un avenir meilleur, mais aussi de constater les nouvelles réalités politiques et financières qui nous invitent à penser différemment les stratégies financières pour construire le progrès social et environnemental.
Vous aimez cet édito ?
Soutenez Mediatico, faites un don !
[donate]