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Le gouvernement Barnier n’est pas encore nommé qu’il a déjà un projet de loi sur la table. Sur l’économie sociale et solidaire, bien sûr ! Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, en effet, le délégué ministériel à l’économie sociale et solidaire, Maxime Baduel, s’active pour faire du chaos institutionnel actuel une opportunité politique. Et il est peut-être en train de réussir. Tout chaud, tout beau, une première version de son projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, constitué d’une soixantaine d’articles, est quasiment prête. Le texte s’inscrit même plus largement dans un « axe programmatique » autour de l’économie responsable, explique son adjoint Jean-François Pascal.

Pourquoi un projet de loi sur l’économie sociale et solidaire ? Parce qu’après 10 ans de mise en oeuvre, la Loi ESS de 2014 a besoin d’être ajustée, complétée et peut-être élargie à « l’économie responsable ». Avec peut-être un nouvel article 2 qui redéfinirait la notion « d’utilité sociale », voire « sociétale ». Avec un soutien de l’Etat plus fort et mieux structuré en régions. Avec des dispositions nouvelles sur les fondations actionnaires, les joint-ventures sociales, les sociétés à participation ouvrière, l’éventuel accès des Scic au mécénat…

Sans oublier les réflexions sur la fiscalité associative, l’abandon du Contrat d’engagement républicain honni par les associations, la reconnaissance de la subvention comme modèle économique à part entière, ou encore le préfinancement sur deux ans du fonds social européen, toujours si lent. 

Mais après la démission du gouvernement Attal, quelle légitimité Maxime Baduel a-t-il encore pour faire une telle proposition ? Délégué ministériel auprès d’Olivia Grégoire, il avait été nommé… par décret présidentiel. Tant que Emmanuel Macron ne décide pas du contraire, il reste en place. Surtout, Maxime Baduel vise plus haut pour l’économie sociale et solidaire : un poste de ministre délégué, ou de secrétaire d’Etat à l’ESS et à l’économie responsable, dans un gouvernement Barnier qui ne verserait pas trop à droite. 

Barnier prépare-t-il une politique sociale de centre-gauche ?

Déjà, plusieurs acteurs influents et têtes de réseau, comme ESS France ou l’UDES, ont entamé leur lobbying à Matignon pour que l’ESS ne soit plus oubliée – comme la dernière fois – dans le prochain gouvernement. Et qu’elle soit désormais représentée au plus haut niveau gouvernemental afin de défendre l’intéret général, le développement territorial, l’emploi durable, la cohésion sociale et le partage valeur. Au Premier ministre de décider, bien sûr.

En l’occurrence, ce projet de loi ESS pourrait bien arranger Michel Barnier. Qualifié par la presse comme « le plus écolo des Premiers ministres de droite », le nouveau Premier ministre est en effet attendu au tournant par la société civile. Transformera-t-il, comme Emmanuel Macron, l’ambitieuse « transition écologique » en simple « transition énergétique » ? Pris en étau entre les urgences sociales et les injonctions budgétaires, privilégiera-t-il la réduction de la dette ou optera-t-il pour la justice fiscale et l’investissement dans les services publics ? Sa ligne de crête est étroite. 

Maxime Baduel, lui, parie que Michel Barnier fera une politique sociale de centre gauche, pour compenser les gages qui seront donnés au RN sur la sécurité et l’immigration, afin d’éviter d’être trop tôt renversé. À cet égard, un projet de loi sur l’ESS livré clé-en-main, construit en amont avec les réseaux, bien perçu par la gauche, qui plus est porté par un ancien responsable associatif comme Maxime Baduel, qui viendrait le défendre en personne sur les bancs de l’Assemblée, oui, tout cela pourrait bien faire les affaires d’un Premier ministre… de droite ! 

Maxime Baduel avance ses pions. Pour le Premier ministre, c’est une option. Mais face à lui, c’est l’Assemblée qui donne le ton.

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