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Le pont de la Concorde

Incroyable victoire ! Statistiquement imprévue, politiquement inattendue, mais réelle. Le peuple s’est massivement déplacé dimanche pour décider, la démocratie fonctionne donc encore en France, quoi qu’on en dise. Et le Front Populaire a remporté une victoire indiscutable face au Rassemblement national. Mais ce n’était qu’une simple manche, dans une partie au long cours. L’épreuve que représente à présent la formation d’un gouvernement de consensus, puis l’intelligence politique à trouver pour composer et préserver les intérêts des Français, sont devant nous. Or, n’en doutons pas, le pays est plus divisé que jamais.

Dans l’économie sociale et solidaire, les valeurs d’humanité, d’écologie et de progrès social ont porté beaucoup d’acteurs à soutenir le Front Populaire. La plupart sont restés discrets sur leur soutien, par respect de leurs salariés, de leurs bénévoles ou de leurs usagers. D’autres n’ont pas hésité à exprimer très vite leur soulagement. « Merci à tous les acteurs associatifs et issus de la société civile qui ont contribué à ce résultat porteur d’espoir », écrit la Fondation Mozaïk, engagée contre les discriminations à l’emploi et pour une société inclusive.

Les premières déclarations dans l’ESS

Pour autant, les combats sont à venir, rappellent plusieurs acteurs associatifs. « Nous continuerons à nous battre pour une Terre solidaire et ouverte au monde », affirme le CCFD Terre Solidaire, mais « le gouvernement doit agir pour répondre aux raisons qui ont amené l’extrême droite aux portes du pouvoir ». En effet, les inégalités sociales, les défis écologiques, la société fracturée, l’opinion manipulée, les menaces contre nos droits… sont toujours là.

L’Uniopss, qui fédère les organismes sanitaires et sociaux, s’explique aussi : « Nous ne pouvions pas accepter de voir l’action sociale, médico-sociale ou sanitaire soumise à la préférence nationale, à la remise en cause du droit du sol ou à la mise aux bans de nos concitoyens binationaux (…) Nous répondrons présents pour être d’une grande exigence envers celles et ceux qui dirigeront demain le pays, pour co-construire avec eux l’action publique, et pour continuer de faire des solidarités le ciment de la société ».

Depuis toujours, les associations jouent un rôle d’amortisseur crucial face aux difficultés de nos concitoyens, tout comme l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire qui prônent la coopération, la mutualisation et le soutien à l’intérêt général. Il importe donc « plus que jamais de renforcer les capacités des associations, des entreprises sociales et des coopératives qui agissent pour réduire ces inégalités et ces fractures », interpelle de son côté Bastien Sibille, initiateur du fonds Opération Milliard, en cours de constitution.

Aux pieds de l’Assemblée nationale… 

Les entreprises aussi ont leur avis sur la question. Aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, Pascal Demurger, directeur général de la Maif et co-président du mouvement Impact France, déclarait ce week-end face à un parterre de chefs d’entreprises : « On ne peut plus diriger comme avant, sans prendre en compte la parole des salariés et leur bien être au travail ». Applaudissements, évidemment.

Enfin, les corps intermédiaires appellent à être respectés et associés à l’élaboration des politiques publiques, après avoir été trop longtemps court-circuités par Emmanuel Macron. « La démocratie est vulnérable, pour la préserver nous devons associer les citoyens et les corps intermédiaires » aux décisions à venir, a déjà déclaré Thierry Beaudet, président du CESE, qui continuera de « porter la voix des organisations de la société civile, leurs expériences concrètes et leurs solutions pour répondre aux besoins de nos concitoyens ».

Tout cela n’est pas loin du projet de « République de l’ESS » que portrait en son temps Jérôme Saddier, alors président d’ESS France, juste avant la dernière élection présidentielle. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Aux pieds de l’Assemblée nationale, où la France républicaine devra bien former des compromis sous peine d’être laminée lors de prochains scrutins, il est un pont, dont le nom porte symboliquement les espoirs du pays : le pont de la Concorde. Guillaume Apollinaire aurait pu en faire un poème. Mais nul ne sait encore si l’on pourra bientôt s’y baigner.

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