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Comme toujours en cas de crise, de violences urbaines ou de conflits armés, l’économie sociale et solidaire n’est jamais loin de la ligne de front. C’était le cas lors du Covid, avec les personnels soignants. Lors des émeutes de Nanterre, avec l’éducation populaire. Lors de l’incursion d’Israël à Gaza, avec l’aide humanitaire. C’est encore le cas aujourd’hui, en Nouvelle Calédonie : aide alimentaire, réponse médicale, soutien psychologique, solidarités locales… Même si la loi ESS de 2014 ne s’applique pas en Nouvelle Calédonie, l’ESS y représente 14.000 structures et 8% de l’emploi privé, toujours prête soulager les peines, mais en deuxième ligne… après les forces de police, hélas.

Voici donc (encore !) un conseil de défense, organisé hier à l’Elysée. La France est en guerre partout, décidément. Certes, le monde est instable. Mais nous n’avons pas besoin de pompiers pyromanes. Emmanuel Macron, toujours pressé, et son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, patron des processus électoraux, vont donc tenter d’éteindre l’incendie qu’ils ont eux-même allumé : ils ont imposé sans concertation suffisante un projet de loi constitutionnelle qui modifie le corps électoral en Nouvelle Calédonie, aux dépends des Kanak. Et cela, après des semaines de mobilisation à l’initiative de manifestants pacifistes, traités de « mafieux » par Gérald Darmanin !

L’escalade

Ainsi, ne restait plus que la violence après le vote du projet de loi, en attendant la réforme de la Constitution.Commerces incendiés. Routes coupées. Hôpitaux inaccessibles. Aéroport bloqué. Près de 3.000 policiers et gendarmes mobilisés. Déjà plusieurs morts, de part et d’autre. L’escalade… jusqu’à l’état d’urgence.

Tout cela pour un enjeu démocratique lié à la carte électorale ? L’ESS est certes passionnée de gouvernance, mais la vérité est ailleurs. Elle se niche dans les inégalités économiques, dans l’oppression sociale, dans l’accaparement des ressources par les colons, dans les promesses non tenues d’accès à l’indépendance, dans l’indiscutable quête de liberté que les peuples poursuivent.

Que veulent les Kanak ?

Les Kanak, population autochtone mélanésienne, sont présents depuis 3.000 ans sur ce territoire, que la France n’administre que depuis 170 ans. Ils vivent principalement dans les zones les plus pauvres de l’archipel. Ils représentent 41% des 270.000 néo-calédoniens, aux côtés de Caldoches et des Zoreilles. Mais ils sont politiquement majoritaires : le gouvernement de Nouvelle-Calédonie est présidé par un indépendantiste. 

Oui mais voilà : Emmanuel Macron a décidé de réarmer la France au plan militaire, maritime, énergétique, minier, géostratégique… Il entend faire entendre la voix de la France face à la Chine, à la Russie et aux Etats-Unis. A cet égard, le projet de loi constitutionnelle, qui dessert les Kanak en éloignant leurs options d’indépendance, sert admirablement les intérêts de l’Elysée : la France veut conserver son assise sur la zone pacifique et sur l’extraction de nickel calédonien, qui permet de produire l’acier inoxydable utile à l’automobile, à l’aéronautique, aux batteries…

Benoît Hamon relaie Christiane Taubira

Benoît Hamon, qui présidera ESS France à compter du 12 juin, appelait donc hier à ne pas se tromper de sujet. Également directeur général de l’ONG Singa, qui prône l’intégration des personnes réfugiées et migrantes, il écrit au sujet de la Nouvelle Calédonie : « C’est se tromper, ou vouloir tromper autrui, que de ne pas reconnaître qu’il s’agit d’abord d’un conflit colonial avant d’être une querelle démocratique. Michel Rocard l’avait compris ». 

Benoît Hamon relayait alors le message de l’ancienne ministre Christiane Taubira, pour qui « tous les morts se pleurent », certes. Mais selon elle, la situation calédonienne « ne peut être le fruit du hasard ». Et elle ajoute : « Ils sont ainsi, les peuples : attachés à leurs racines, leurs cultures, leurs mythes, leurs histoires ». 

Pour sortir de l’histoire coloniale, dit Christiane Taubira, « il faut de la grandeur d’âme, ne pas louvoyer avec la vérité, renoncer un peu pour espérer beaucoup ». Le Premier ministre Michel Rocard « l’avait compris », rappelle-t-elle. Lui fit approuver par référendum, par tous les Français, l’Accord de Matignon de 1988. Pour rétablir – déjà – la paix civile en Nouvelle-Calédonie.

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