C’est une onde de choc dans l’écosystème de l’engagement par les compétences. Après presque 15 ans de mobilisation, de projets innovants et de plaidoyer pour une société plus solidaire, Pro Bono Lab annonce la cessation définitive de ses activités. Le 30 juin dernier, l’équipe a officialisé sur LinkedIn la liquidation judiciaire de l’association et le licenciement économique de l’ensemble des salarié·es. Une fin brutale, révélatrice d’un malaise bien plus profond : la fragilité des modèles économiques de l’intérêt général et le désengagement institutionnel envers les structures qui font vivre la démocratie du quotidien.
Un bilan remarquable, une fin brutale
Depuis sa création en 2011, Pro Bono Lab a accompagné près de 2 000 associations, mobilisé plus de 11 000 bénévoles, travaillé avec plus de 200 partenaires, déployé ses actions dans 6 territoires et partagé son expertise dans plus de 30 pays. L’association avait pour ambition de démocratiser le pro bono, cette forme d’engagement bénévole fondée sur le partage de compétences professionnelles, au service de l’intérêt général.
Mais derrière ce succès en apparence solide, la structure a fini par céder sous le poids des tensions économiques : désengagement progressif des financeurs, mécénat d’entreprise en baisse, subventions fragmentées, appels à projets incertains, complexification administrative, incertitudes sur le régime fiscal du mécénat qui freine l’élan des entreprises…
Pour un budget annuel de 1,5 million d’euros, les ressources de l’association étaient composées en 2023 de la vente de ses prestations de conseil à hauteur de 38%, mais aussi de subventions publiques (32%), de mécénat privé (12%), et des contributions financières d’organismes à but non lucratif (18%).
La baisse des prestations en temps de crise et les coupes claires dans les budgets publics ont eu raison de ce modèle fragile : “L’austérité, l’instabilité des financements, la pression à l’hybridation… fragilisent profondément le tissu associatif”, écrit l’équipe dans un long message d’adieu, où l’émotion le dispute à la lucidité.
Une vague de réactions et de tristesse dans l’ESS
Les réactions ont été nombreuses et poignantes. Stéphanie Andrieux (VoisinMalin) évoque “des méthodes d’accompagnement innovantes” et “une équipe inspirante”. Cyrille Tassart, l’un des piliers de Pro Bono Lab, salue “les chemins ouverts qui ne sont pas près de se refermer”. De nombreuses figures de l’ESS – de Ronalpia à Passerelles & Compétences, du Chaînon Manquant à Benenova – font part de leur tristesse, mais aussi de leur admiration pour le chemin parcouru et des questions cruciales que cette disparition soulève.
“Ce n’est pas une fermeture comme une autre. C’est la fin d’un modèle exigeant, humain, territorial, que l’on n’a pas su préserver”, déplore une ancienne administratrice.
Symptôme d’une crise systémique
La disparition de Pro Bono Lab n’est pas un accident isolé. Elle illustre la crise silencieuse qui frappe le secteur associatif, en particulier les structures intermédiaires qui accompagnent, structurent, relient. Ces “chevilles ouvrières” de l’engagement ne font pas toujours la une, mais elles sont essentielles à l’écosystème de la solidarité.
“Ce que révèle cette fermeture, c’est l’échec d’un modèle d’accompagnement que l’on a voulu hybride, agile, mais qui reste précaire faute de reconnaissance et de financements pérennes”, analyse un observateur du secteur.
La part des subventions dans le budget des associations a chuté de 40 % en 15 ans. Et pendant que les besoins explosent, les aides publiques se fragmentent, les mécènes se recentrent sur leur “core business”, les associations doivent “prouver, innover, mesurer, accélérer”, souvent sans qu’on leur accorde les moyens de durer.
Une idée qui ne s’éteint pas
Malgré la fin de l’aventure, l’équipe de Pro Bono Lab ne baisse pas les bras. Le message est clair : “Les idées ne disparaissent pas. Elles infusent, elles inspirent, elles renaissent autrement.” L’association laisse derrière elle un legs précieux : des méthodologies, des valeurs, un plaidoyer, un réseau de professionnels et de bénévoles transformés par cette aventure collective.
“En partageant ce que l’on sait, on peut transformer ce que l’on vit” : cette conviction fondatrice de Pro Bono Lab continue de résonner avec force, comme un appel à bâtir de nouveaux modèles, plus solides, plus durables, mais tout aussi engagés.
« Avant de refermer ce chapitre, nous avons donc voulu poser un dernier geste », conclut l’équipe. « Un geste de transmission, de mémoire, et peut-être d’invitation. Nous avons rassemblé sur un espace unique ce qui, pour nous, méritait d’être partagé une dernière fois ». A retrouver sur : https://linktr.ee/probonolabheritage