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Qui n’a jamais eu six ans, en regardant au fond de son verre à la cantine ? Bonheur, la légende Duralex continue. Et de la plus belle des manières : le tribunal de commerce d’Orléans a tranché vendredi 26 juillet en faveur de la reprise de la célèbre verrerie Duralex par ses propres salariés, réunis sous la forme d’une société coopérative de production (Scop), qui a proposé de conserver tous les salariés !

Trois propositions de reprise étaient en lice. Le tribunal a jugé que cette offre soutenue par 60% du personnel et par la direction de l’usine représentait la meilleure option pour l’avenir de l’entreprise.

Les deux autres offres, émanant de la SARL Tourres et Cie et du consortium Carlesimo Investissements/GCB Investissements, prévoyaient de conserver  respectivement 183 et 125 emplois, sur un total de 226 salariés. 

Au final, la reprise en Scop va donc permettre de sauvegarder l’intégralité des emplois. Ce projet avait reçu l’appui massif des élus locaux, en particulier ceux de la région, et le soutien déterminant de la Chambre régionale de l’Economie Sociale et Solidaire du Centre-Val de Loire. Le tribunal a salué le caractère « cohérent et sérieux » du projet marketing et commercial proposé par la Scop, ainsi que les « garanties fortes » quant à la viabilité du plan de reprise. 

Sauvée par ses salariés, Duralex se transforme en Scop 

Sauvée par ses salariés, Duralex se transforme en Scop 

Un nouveau départ et la fierté des salariés

Cette solution de reprise souligne l’originalité du modèle coopératif dans le système économique dominant. D’une part, parce que la société coopérative en Scop est intégralement tournée vers le sort des salariés : non seulement leurs postes sont intégralement maintenus, mais ils vont devenir propriétaires de leur outil de travail. D’autre part, parce que la gouvernance d’une coopérative est clairement différente : les salariés élisent eux-mêmes leur directeur… et peuvent le révoquer !

François Marciano, directeur de l’usine, a exprimé sa satisfaction et son soulagement après la décision du tribunal de commerce, et il a donné rendez-vous à la presse le 2 septembre pour la présentation du plan stratégique et d’un projet national inédit. Il a aussi d’ores et déjà appelé les Français à soutenir cette nouvelle ère pour Duralex, en achetant les produits de l’entreprise.

Les salariés, désormais associés et impliqués dans la gouvernance, se sont aussi exprimés avec fierté et responsabilité. « Après des années de changement de cap, trois mois de combat, enfin, nous obtenons gain de cause. Notre SCOP Duralex constituée des salariés du groupe prend en main l’ambition et la destinée de l’entreprise ! », ont-ils déclaré dans un communiqué.

La longue histoire de Duralex

Créée en 1927 par un vinaigrier à La Chapelle-Saint-Mesmin, cette verrerie de l’agglomération orléanaise avait été vendue en 1930 au parfumeur François Coty qui souhaitait y fabriquer ses flacons de parfum. En 1934, l’usine est acquise par Saint-Gobain, qui la conservera jusqu’en 1997. C’est en 1945 que la société imagine un nouveau débouché pour le verre trempé, particulièrement solide et résistant aux chocs : la vaisselle et l’art culinaire. 

La marque Duralex sera déposée le 6 juin 1945 et le verre de type Gigogne lancé en 1946. Cette petite timbale ronde, premier article de vaisselle commercialisé par la marque, deviendra un objet culte pour des générations d’écoliers qui se sont amusés à comparer leur « âge » à partir du chiffre au fond de chaque verre. Il s’agit en fait du numéro de l’empreinte de l’un des 50 moules servant à la fabrication des verres.

Surnommée « la tour Eiffel de la vaisselle », Duralex est devenue une entreprise emblématique de l’industrie française. Mais elle a connu plusieurs phases de difficultés financières au cours des deux dernières décennies. L’industrie verrière étant particulièrement énergivore puisqu’il faut brûler du sable pour produire du verre, Duralex a été particulièrement frappée par la récente crise énergétique, exacerbée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 qui a entraîné une flambée des prix de l’énergie. 

Malgré un prêt de 15 millions d’euros de l’État, Duralex avait été placée en redressement judiciaire fin avril. Son chiffre d’affaires avait chuté à 24 millions d’euros en 2023, contre 31 millions en 2022.

Aujourd’hui, l’histoire de Duralex continue, portée par une énergie nouvelle et un modèle de gestion participatif, dessinant, espérons-le, la relance de ce fleuron de l’industrie française.

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