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Têtes de réseau de l’ESS : mobilisation renforcée face à la crise

Subventions supprimées, inflation persistante, commandes publiques en baisse, trésoreries à sec, liquidations d’associations en cascade : c’est une vague violente qui secoue désormais les structures de l’économie sociale et solidaire. Face à cette réalité, les têtes de réseau de l’ESS tirent la sonnette d’alarme, se mobilisent et passent à l’action.

« Plus de 186 000 emplois de l’ESS sont aujourd’hui menacés ». L’alerte vient de David Cluzeau, président de l’UDES, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire. C’est l’équivalent d’un quart de la fonction publique hospitalière. Et pourtant, le sujet peine à faire irruption dans le débat public. Mais sur le terrain, les signaux sont clairs : fermetures de structures, reports de salaires, licenciements économiques. Et ce dans tous les secteurs : petite enfance, aide à domicile, insertion, culture, éducation populaire…

Devant cette « crise silencieuse », qui passe sous le radar des projecteurs médiatiques, les réseaux de l’ESS se mobilisent. Un front commun se forme, porté à la fois par les organisations patronales de l’ESS, les fédérations associatives, les plateformes d’accompagnement et les représentants territoriaux.

L’UDES déploie ses cellules « SOS employeurs » sur 50% du territoire

Après une expérimentation réussie dans les Hauts-de-France où elle a déjà accompagné une trentaine de structures, l’UDES a décidé de généraliser ses cellules « SOS employeurs », un dispositif de soutien rapide et bienveillant aux structures en détresse. Le principe ? Une écoute confidentielle, entre pairs, sans paperasse, qui oriente les dirigeant·es vers les bons interlocuteurs : Urssaf, Banque de France, administrations, réseaux de soutien…

Déjà actives dans cinq nouvelles régions (Normandie, Bretagne, Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, PACA), ces cellules couvriront la moitié du territoire d’ici fin 2025. Objectif : accompagner au moins 100 employeurs en deux ans, dans une logique de prévention des faillites.

L’UDES publie également un guide pratique régional pour mieux orienter les structures de l’ESS face aux difficultés, disponible sur demande à l’adresse : sos.employeurs@udes.fr.

Dans l’attente d’un plan d’action de la part de l’Etat

ESS France, le Mouvement associatif et l’UDES avaient déjà franchi un cap symbolique le 24 juin dernier, saluant d’une même voix la création par l’État d’une cellule nationale de liaison sur les défaillances des structures de l’ESS. Pour la première fois, l’État reconnaissait alors formellement le risque systémique qui plane sur ce pan essentiel de l’économie. Mais après cette reconnaissance, pas de plan d’action à l’oeuvre pour l’instant du côté de l’Etat.  

Dans une prise de position commune, ces trois réseaux de l’ESS avaient d’ailleurs immédiatement demandé un renforcement de cette cellule nationale de liaison pour y intégrer davantage d’acteurs, mais aussi une réelle coordination interministérielle, ainsi qu’une remontée plus efficace des signaux d’alerte depuis les territoires.

Car sur le terrain, les difficultés sont déjà là. Des Chambres régionales de l’ESS (CRESS) interpellent leur Région, comme en Auvergne-Rhône-Alpes. Le RTES, qui travaille main dans la main avec les élus locaux en charge de l’ESS, alerte les collectivités locales sur leur rôle crucial dans le soutien aux acteurs de terrain. Mais les collectivités locales, parfois elles-mêmes en difficulté, peinent à maintenir leur niveau de subvention.

Les outils de l’Avise pour éviter le naufrage

De son côté, l’Avise vient de mettre à jour une cartographie complète des dispositifs d’aide existants, selon quatre situations-types : anticiper les difficultés ; réagir dès les premiers signes ; faire face à l’urgence ; rebondir après une crise.

Cette page ressource de l’Avise, régulièrement mise à jour, permet à toute structure – petite ou grande, associative ou coopérative – de mieux identifier les dispositifs de droit commun, en particulier ceux qui sont spécifiquement dédiés à l’ESS (voir la page de l’Avise).

Mais là encore, l’accessibilité de ces aides reste un défi. Trop souvent, les dirigeants d’associations ou de coopératives croulent sous les urgences et manquent de temps pour solliciter les bons leviers. D’où l’importance des outils de médiation comme ceux de l’UDES ou des CRESS.

Une crise plus profonde est évitable… si l’on agit maintenant

La situation actuelle est paradoxale : l’ESS est à la fois plébiscitée pour son impact social et pour les services d’intérêt général qu’elle rend à al société toute entière. Mais dans le même temps, ses modèles économiques déjà fragiles sont très fortement déstabilisés par des arbitrages budgétaires défavorables au niveau de l’Etat, au moment même où son rôle est plus crucial que jamais.

Dans un contexte d’inflation, de tension des finances publiques et de reconfiguration nécessaire de notre modèle social, les structures de l’ESS ne devraient pas être les premières victimes d’une logique purement comptable, bien au contraire. Car il n’y a pas de transition écologique et sociale sans les acteurs de l’ESS, rappelle ESS France.

La ministre de l’ESS, Véronique Louwagie, devrait gagner à Bercy tous les arbitrages budgétaires en défendant pied à pied l’économie sociale et solidaire comme un investissement d’avenir. Pour l’heure, hélas, tel n’est pas le cas.

La mobilisation des têtes de réseau est donc salutaire. Mais elle ne suffira pas. Pour éviter un effondrement silencieux, l’État, les collectivités, les entreprises partenaires et les financeurs doivent prendre conscience des dégâts à venir et se mobiliser fortement. Dans une logique d’investissement social, pas seulement de sauvetage.

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