Ces vingt dernières années, l’écosystème de l’accompagnement de l’économie sociale et solidaire (ESS) s’est fortement structuré. À travers sa mobilisation, l’émergence d’une économie locale conciliant transition écologique et sociale est possible. En réponse à la crise actuelle, dans une logique de continuité, l’Avise s’engage pour y contribuer !
De multiples voix s’élèvent actuellement et s’expriment de concert pour positionner l’économie sociale et solidaire (ESS) au cœur des réponses aux crises économiques, sociales, écologiques et démocratiques que nous traversons. Convaincue comme Claude Alphandéry, résistant et membre fondateur de l’Avise, de « la capacité de l’ESS à réaliser de grandes transformations », l’Avise s’engage pour appuyer la mise en œuvre du projet commun qui se dessine à travers elles.
L’ESS, l’économie de demain
S’il fallait encore l’illustrer, face à une crise ne laissant aucune place au superflu et ne pouvant être surmontée que par la solidarité et l’engagement de tous – individus et organisations -, la pertinence de l’économie sociale et solidaire a été une fois de plus mise au grand jour. Les organisations de l’ESS ont en effet démontré leur importance pour notre société, tant pour surmonter le choc et amoindrir les maux de la crise à court terme, que pour proposer des alternatives durables et prévenir sa résurgence à plus long terme.
Comme le souligne Jérôme Saddier, président d’ESS France et de l’Avise, dans sa tribune Pour que les Jours d’Après soient les Jours Heureux, l’ESS a déjà fait preuve de sa résilience lors de la crise de 2008, et aujourd’hui « ses principes sont validés pour un après-crise qui serait celui d’un autre modèle de développement : absence ou limitation de la lucrativité, territorialisation de [ses] actions, primauté donnée au collectif, pratiques de coopération et d’implication des parties prenantes… ». La transition écologique et l’urgence sociale ne peuvent être sacrifiées à la reprise économique. Or, l’économie sociale et solidaire propose justement de concilier ces trois défis.
Concilier reprise économique, transition écologique et urgence sociale
Dans le champ des solidarités, les organisations de l’ESS sont les premières à développer des innovations sociales pour lutter contre les exclusions et les inégalités. Dans le champ productif, elles sont les premières à recréer « des modèles industriels, agricoles et alimentaires de proximité accessibles à tous, [à] relocaliser les activités utiles à notre société », comme le demandent les signataires de l’Appel commun à la reconstruction. Dans le champ de la transition écologique, elles sont les premières à promouvoir une éthique du suffisant, conditionner leurs activités aux besoins, et proposer des modèles plus sobres.
Dans la diversité qui les caractérise, rassemblées autour de la primauté de l’intérêt général ou collectif, réunissant acteurs publics, privés et citoyens, les structures de l’ESS sont souvent pionnières, porteuses de projets au cœur des transitions et des filières d’avenir (voir les Dossiers thématiques de l’Avise).
S’il est ainsi certain que l’ESS peut « incarner l’économie de demain », son accompagnement suite aux impacts de la crise doit être une priorité afin de permettre à ses entreprises de s’adapter, de se développer à une plus grande échelle et de créer des dynamiques de transformation profondes.
Accompagner les projets pour réinventer l’économie de proximité
Depuis la création du Dispositif local d’accompagnement (DLA) en 2002, l’écosystème de l’accompagnement des entreprises de l’ESS s’est fortement structuré, avec l’apparition de nombreux programmes et dispositifs complémentaires, qu’ils soient portés par des réseaux associatifs, des fondations, des incubateurs, etc. En mobilisant cet écosystème de manière cohérente et articulée, il est possible d’appuyer l’émergence d’une économie locale raisonnée à travers trois leviers centraux :
- L’appui à la création et la consolidation des projets répondant aux enjeux des territoires ;
- Le développement des synergies sectorielles et intersectorielles ;
- L’articulation avec l’ensemble du territoire pour faire système.
1. Appuyer la création et la consolidation des initiatives
Le premier enjeu est d’appuyer la création et la consolidation des initiatives entrepreneuriales durables, appropriées à la reconfiguration des besoins induite par la crise.
Pour y répondre, il est nécessaire de mettre en place des modes de financement et d’accompagnement adaptés aux spécificités des modèles économiques hybrides de l’ESS, aux particularités de leurs modes de gouvernance ou encore aux questions d’évaluation de l’impact social. C’est ce à quoi répondent notamment les programmes portés par les 90 acteurs de l’accompagnement de la Communauté émergence & accélération (incubateurs, etc.), le Dispositif local d’accompagnement déployé localement par près de 130 opérateurs ainsi que les différents programmes d’appui au changement d’échelle.
2. Développer les coopérations sectorielles et intersectorielles
Pour que les projets se consolident dans la durée, la mise en place de coopérations sectorielles et intersectorielles, voire la création de filières, est ensuite indispensable. L’exemple alimentaire est parlant : avoir de nombreux producteurs sans solutions de transformation ou de distribution ne permet pas d’ancrer les « fruits » de cette production localement.
En plus de favoriser la complémentarité des réponses à une même problématique, la collaboration entre acteurs de l’ESS permet de trouver d’autres débouchés, de mutualiser certaines fonctions (dont la sensibilisation et la communication), et de pérenniser leurs modèles. Cela pose néanmoins plusieurs problématiques : animation de la dynamique collective, compréhension des leviers de coopération et du partage de la valeur, déploiement d’une ingénierie d’accompagnement adaptée, etc.
Sur ce volet, le Dispositif local d’accompagnement est de plus en plus sollicité. Le diagnostic qu’il réalise et le fonds d’ingénierie qu’il peut ensuite mobiliser peuvent en effet concerner des projets pluri-acteurs engagés dans une démarche de coopération ou de structuration de filière sur un territoire. Plus largement, l’ensemble des acteurs de l’accompagnement y contribuent par la dynamique d’animation de leurs communautés d’entreprises de l’ESS.
3. Faire territoire
Dernier ingrédient : la réceptivité du territoire. L’engagement des pouvoirs publics, la mobilisation citoyenne et le dépassement des clivages ESS/hors ESS autour d’un projet commun sont incontournables. Jean-Guy Henckel, fondateur du Réseau Cocagne et membre du bureau de l’Avise, parle « d’alliances fertiles » entre acteurs privés, publics et citoyens, qui doivent se retrouver autour d’une convergence d’intérêts.
Sur ce dernier volet, le dispositif Fabrique à initiatives a développé une méthodologie pertinente. Il accompagne en effet les acteurs d’un territoire dans la compréhension des besoins locaux et connecte acteurs publics, privés et citoyens pour construire des réponses entrepreneuriales adaptées. Pour cela, il peut faire le lien avec des projets existants ou en création, modéliser des activités nouvelles ou essaimer des innovations ayant fait leurs preuves ailleurs en les adaptant aux réalités locales.
L’Avise, une agence d’ingénierie pour entreprendre autrement
Appuyer les porteurs de projets et contribuer à structurer un écosystème favorable à leur développement, c’est précisément la mission de l’Avise, qui rassemble chaque année des centaines de partenaires et anime plus de 300 acteurs de l’accompagnement pour imaginer et déployer ses actions.
Parce qu’elle est convaincue de la pertinence des réponses élaborées collectivement depuis 2002, l’Avise a choisi dans cette période de crise d’adapter ses programmes dans un esprit de continuité, en intensifiant son travail d’animation à destination des acteurs de la Communauté émergence & accélération, de la Fabrique à initiatives, du Dispositif local d’accompagnement, de la Communauté des acteurs du changement d’échelle, du Collectif Créa’rural ou du réseau Social Value France.
Ces différents réseaux rassemblent, réunissent, créent des ponts entre acteurs publics, entreprises et citoyens, entre les acteurs engagés de différents territoires. Ces nouvelles alliances fertiles doivent être osées et appellent à de nouvelles façons de faire pour les organiser et dépasser les clivages qui peuvent subsister face à des représentations parfois dégradées.
Ces différentes communautés permettent aussi de repérer ceux qui innovent sur le terrain et de les soutenir pour faire bouger les lignes. De précieux outils sont nés des mains de « bricoleurs de demain » : IAE, Territoires zéro chômeur longue durée, sociétés coopératives d’intérêt collectif, circuits de proximité, coopératives d’installation en agriculture paysanne, etc. Si ces solutions s’inventent localement, le développement de la R&D sociale est essentiel pour les enrichir, les accélérer, les diffuser.
Afin de soutenir ces « bricoleurs de demain » et tous ceux qui entendent se saisir du projet de l’ESS, celui d’une économie inclusive portée par tous et destinée à chacun, l’Avise s’attache à rendre son ingénierie disponible à tout acteur souhaitant s’engager et à ouvrir et partager ses travaux au plus grand nombre.
À travers la mise en commun de nos ressources et savoir-faire et la conception de programmes pour connecter nos expertises et faire converger nos moyens, continuons ensemble de développer l’ESS et l’innovation sociale pour en faire l’économie de demain !
Les membres du Bureau de l’Avise
Paris, le 2 juin 2020
(Photo – DR : Les Canaux, Paris)