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Après le Black Friday, quelles alternatives responsables avant Noël ?

La coïncidence est trop parfaite pour être ignorée : dimanche 30 novembre 2025, s’achevaient dans un même souffle la Semaine européenne de la réduction des déchets d’une part, et l’un des plus grands rituels mondiaux de surconsommation d’autre part, le Black Friday. D’un côté, la SERD, ses ateliers de réparation, ses ressourceries mobilisées et ses campagnes de prévention. De l’autre, la course effrénée aux promotions et ses millions de colis propulsés autour du globe en quelques clics, devenue Black Week, parfois Black November, qui structure désormais tout le calendrier économique de fin d’année. 

Deux temporalités, deux imaginaires, deux visions politiques du monde. Alors que l’une cherche à ralentir, l’autre accélère encore. Et cette année, le contraste a été particulièrement violent. Car les dégâts du Black Friday se lisent déjà : flux logistiques saturés, livraisons aériennes massives, qualité toujours plus dégradée des textiles au point de devenir non-recyclables, conditions de travail indignes dans les pays fournisseurs, faillites silencieuses dans l’économie circulaire française, explosion des déchets… 

Tout cela, alors même que la SERD appelle depuis des années à faire l’inverse. Et que les acteurs de l’économie sociale et solidaire, comme Label Emmaüs, Ethikdo, Les Canaux ou Dift, s’échinent à nous proposer des alternatives et des solutions du quotidien.

Un système devenu incontrôlable

La coalition Stop Fast Fashion l’a encore documenté (lire le rapport) : en Chine, au Bangladesh, au Vietnam, des millions de femmes travaillent jusqu’à 75 heures par semaine, parfois dès 12 ans, pour quelques centimes par pièce. Et si Shein cristallise les critiques, les mêmes ateliers produisent aussi pour Zara, Primark, Kiabi, Temu. Au total, 97 % des vêtements consommés en France sont importés dans ces conditions. La fast fashion n’a pas de limites : elle a des victimes invisibles.

Shein n’est que la caricature hyperbolique d’un système déjà largement dysfonctionnel. Sa capacité à injecter des centaines de millions de pièces par an, à expédier plusieurs milliers de tonnes de vêtements par avion quotidiennement, à émettre autant de CO₂ qu’un petit pays, n’est que le prolongement d’un modèle conçu pour saturer le marché (lire notre article : « Shein, la colère explose dans l’ESS »)

En aval, le monde du réemploi craque

Dans les centres de tri, ressourceries et structures de réemploi, le Black Friday n’a pas duré qu’un week-end : il se prolonge toute l’année. Montagnes de textiles de mauvaise qualité, invendables, impossibles à réparer. Afflux d’articles neufs jamais portés. Manque d’exutoires. Inflation des exportations vers des pays tiers, souvent sous couvert de « seconde vie ». La mission IGEDD-CGE le rappelle : traçabilité insuffisante, zones grises juridiques, pilotage lacunaire. Nous exportons nos déchets sans le dire, et nous continuons à appeler cela « recyclage ».

Pendant ce temps, l’économie circulaire française trinque. Maud Sarda l’a dit avec franchise (plus d’infos) : deux structures du collectif « On passe la seconde ! » viennent de fermer, Youzd et Family Affaire. Une autre encore, Kidibam, est en redressement judiciaire. Un paradoxe désolant : les acteurs qui font exactement ce que la société prétend vouloir – réparer, réemployer, réduire les déchets, créer de l’emploi local – sont ceux qui disparaissent en premier, étranglés par une concurrence déloyale et un déficit chronique de soutien public.

La loi fast fashion menacée, en plein cœur du débat

La France dispose pourtant d’un outil potentiellement structurant : la loi (anti) fast fashion. Adoptée à l’unanimité, elle pourrait réduire la surproduction, faire contribuer les plateformes aux coûts de traitement des déchets, encadrer la publicité et responsabiliser les chaînes de valeur. 

Mais au moment même où les dégâts s’amplifient, le texte est fragilisé : pressions des lobbies, restrictions souhaitées par le Sénat, interrogations de la Commission européenne. Comme si cibler uniquement Shein suffisait, alors que les géants européens ont pavé la route sur laquelle les plateformes ultrarapides roulent aujourd’hui.

Face à la frénésie : les alternatives de l’ESS

Heureusement, dans cet horizon assombri, l’économie sociale et solidaire continue de tracer des lignes de fuite. Elle ne se contente pas de dénoncer un modèle : elle en propose un autre.

  • Ethikdo poursuit par exemple sa mission de carte-cadeau responsable, rappelant qu’il est possible d’offrir un Noël zéro big business, même en période de promotions (plus d’infos). 
  • Les Canaux, à Paris, organisent un Marché de Noël engagé du 12 au 14 décembre, entièrement dédié à l’artisanat local, au réemploi, à l’insertion, à la sobriété (plus d’infos). 
  • Label Emmaüs vous a préparé ses plus belles offres de Noël sur sa plateforme en ligne responsable et de seconde main (plus d’infos)
  • ESS France publie ses propositions : accélération du tri, traçabilité obligatoire, fiscalité différenciée, soutien au réemploi, lutte contre les distorsions de concurrence (plus d’infos).
  • Les ressourceries, partout en France, documentent en ce moment même la part de fast fashion non réemployable reçue pendant le Black Friday, pour faire remonter des données solides aux pouvoirs publics. 

Et maintenant, Diftember : transformer décembre en mois de générosité

C’est aussi dans ce contexte que s’installe un nouveau moment du calendrier : Diftember. Après Octobre Rose et les moustaches de Movember, voici que certains voudraient ériger décembre en mois de la générosité. Lancée par Dift, plateforme de collecte fondée par Frédéric Mazzella (BlaBlaCar) et Georges Basdevant, la campagne entend mobiliser les Français autour des associations reconnues d’intérêt général, durant cette période où 25 % des dons annuels sont réalisés (plus d’infos).

Dift déploie de nouveaux outils : les « Challenges Dift », que les associations partenaires peuvent utiliser pour mobiliser leurs communautés, et un « Dift Live Challenge » réunissant 50 ambassadeurs du monde de la tech, du sport et de la philanthropie lors d’un streaming caritatif le 10 décembre à Station F. En trois ans, la plateforme a orchestré plus de 20 millions d’euros de dons, et ouvre désormais son portail au grand public pour transformer tout le mois de décembre en moment de solidarité active.

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