Le premier anniversaire des gilets jaunes le rappelle tristement : pour une partie des Français, la détresse est profonde. Emmanuel Macron a eu beau mobiliser 17 milliards d’euros depuis un an pour de multiples mesures compensatoires à la colère sociale, la rancœur est trop forte. La misère frappe toujours les miséreux. Et au vu des derniers plans sociaux qui font l’actualité, la seule solution qui vaille paraît hors de portée : disposer d’un emploi stable, correctement rémunéré, qui leur permette de boucler les fins de mois. Que fait le ministère du Travail ? Voilà qui interroge la politique publique de l’emploi.
Dans l’économie sociale et solidaire, la pilule est amère : depuis deux ans, l’emploi recule en raison des choix gouvernementaux. Dans sa dernière étude, le CNCRESS nous dit que le secteur, traditionnellement résilient et ancré localement, est parvenu à créer 71.000 emplois depuis 2010. Bravo ! Mais la tendance s’est radicalement inversée en 2017. Car la suppression des contrats aidés est en effet passée par là : cette mesure a fait disparaître 77.000 emplois dès 2017, rappelait Le Figaro l’an dernier. Cette fois, le CNCRESS enfonce le clou : entre 2016 et 2018, les embauches en contrats aidés ont dégringolé de 70%, soit 324.000 emplois en moins comparé à l’année 2016. Dans le secteur de l’ESS, la politique publique de l’emploi détruit donc des emplois !
Pas étonnant de voir revenir la solution des emplois aidés à l’occasion du débat budgétaire qui se déroule jusque début décembre à l’Assemblée nationale et au Sénat. L’UDES, qui représente 750.000 salariés de l’économie sociale, dresse un constat simple : les contrats aidés ont été remplacés par un dispositif « Parcours emploi-compétences » bien plus restrictif, qui correspond mal aux besoins du terrain. Les employeurs de l’ESS n’y trouvent pas leur compte : seules 128.256 embauches ont été réalisées en 2018, au lieu des 200.000 programmées par le ministère du Travail. Un échec ! Il reste donc une enveloppe de 75 millions d’euros non consommés sur cette ligne budgétaire, que l’UDES demande à réaffecter à la création de 5.000 « emplois d’utilité citoyenne ». Une demande soutenue par le Mouvement associatif, le CNCRESS et ESS France, autrement dit par l’essentiel des familles de l’Economie sociale et solidaire.
« Des emplois aidés, mais pour quoi faire ? », demanderont certains. Mais pour appuyer le développement des activités et des emplois dans l’économie sociale et solaire. Des emplois non délocalisables, des projets utiles et locaux, des activités sociales et environnementales que la société appelle de ses voeux, des initiatives collaboratives qui répondent très concrètement aux besoins des habitants. En particulier sur les territoires excentrés. A fortiori pour les familles qui n’arrivent pas à boucler les fins de mois.
Voilà qui nécessite des emplois aidés, c’est-à-dire financés en partie par le budget de l’Etat. Faut-il rappeler que les fonds publics soutiennent déjà l’emploi dans l’automobile, l’agriculture intensive, l’industrie militaire ou les énergies fossiles ? Faut-il rappeler que l’ESS, qui représente 14% de l’emploi privé, remplit pour sa part chaque jour des missions de service public ? Voilà qui qui mérite que le gouvernement s’y penche de beaucoup plus près. Et que les députés approuvent enfin les amendements au projet de budget 2020, qui permettent de soutenir le développement de l’économie sociale et solidaire comme une réponse sociale et écologique aux enjeux du pays.