Quelles mesures pour les entreprises sociales et solidaires en 2021 ? La bataille parlementaire est engagée. Le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, a en effet présenté le 28 septembre son projet de loi de finances. Autrement dit, ses orientations budgétaires pour 2021. Au menu : baisses d’impôts, chômage partiel de longue durée, formation des jeunes, aides à l’embauche, bonus écologique pour véhicules électriques, nouvelles places d’hébergement d’urgence… Désormais, place au lobbying et aux amendements, le temps que durera le débat à l’Assemblée nationale et au Sénat, pour une durée de 70 jours maximum. À quelle sauce les acteurs de l’économie sociale et solidaire vont-ils être assaisonnés, eux qui sont (encore et toujours) en première ligne face à la crise sanitaire, sociale et écologique ? Suspense !
Tout d’abord, saluons la présentation inédite de ce premier « budget vert » de la France. Aucune autre nation ne s’y était encore risquée, la France l’a fait : nos 488 milliards d’euros de dépenses prévues l’an prochain ont été passées au crible des enjeux environnementaux : réchauffement climatique, risques naturels, gestion de l’eau, économie circulaire, pollution, biodiversité. En réalité, 90% de ces dépenses ont été jugées neutres pour l’environnement, donc sans impact négatif ni positif. Reste 38 milliards de « dépenses vertes », comme ces 6,9 milliards d’euros pour développer les énergies renouvelables, ou les 2,2 milliards d’euros de financements pour les agences de l’eau. Mais aussi 10 milliards de « dépenses brunes », autrement dit toxiques, comme ces exonérations de taxes sur les carburants à hauteur de 5,1 milliards d’euros. À Bercy, on assume.
Ensuite, relevons le soutien insuffisant aux entreprises de l’économie sociale et solidaire. Lors de l’élaboration du plan de relance de 100 milliards d’euros (dont 86 milliards sont engagés au titre du budget 2021), « le Conseil supérieur de l’ESS a été totalement ignoré par le gouvernement », relevait la semaine dernière Jérôme Saddier, président d’ESS France. Et de poursuivre : « Nos propositions par filières, nos dispositifs territoriaux ont disparu, cela interroge sur la volonté du gouvernement de soutenir l’ESS ». En pleine crise économique et sociale, à l’heure où le Mouvement Associatif alerte sur le fait que 30.000 associations sont menacées par un dépôt de bilan et que 55.000 d’entre elles auront du mal à conserver tous leurs effectifs, voilà qui interroge.
Pas étonnant donc de voir revenir aujourd’hui ESS France avec des propositions précises : apporter 2 millions d’euros supplémentaires aux réseaux qui structurent l’écosystème de l’ESS, doubler les crédits du Dispositif local d’accompagnement qui forme les associations, soutenir l’emploi en développant les aides au poste, revoir le dispositif d’embauche « Parcours Emploi Compétences » sous-utilisé dans les associations, permettre à toutes les sociétés agréées d’utilité sociale (ESUS) d’accéder à l’avantage fiscal IR-PME qui octroie aux investisseurs une réduction d’impôt de 25%, ou encore baisser la TVA à 5,5% pour les activités de réparation, de réemploi ou de réutilisation… Cette dernière mesure, par exemple, permettrait de corriger des aberrations dans nos habitudes de consommation : saviez-vous que, chaque année, les Français achètent 3 millions de vélos neufs, tandis que 1,5 million de vélos sont abandonnés et détruits parce que leur réparation coûte trop cher ?
Pour sa part, l’UDES réclame qu’au moins 2 milliards d’euros soient dédiés à l’ESS ! Ce syndicat d’employeurs de l’économie sociale rappelle que les entreprises de l’économie sociale et solidaire sont durement touchées par la crise, mais créatrices d’emploi « made in France ». Pour les soutenir, il demande la mise en place, pour 200 millions d’euros, d’un crédit d’impôt innovation sociale qui serait conditionné à une mesure d’impact social sur la base de sa plate-forme Valor’Ess. Mais aussi l’élargissement à 1 milliard d’euros en fonds propres, au lieu de 400 millions actuellement, d’un fonds de la Caisse des Dépôts répondre aux besoins urgents des entreprises de l’ESS. Ou encore la création de fonds d’investissements sectoriels dédiés à l’éducation populaire ou au secteur du sport. Sans oublier la pérennisation de l’activité partielle de longue durée au-delà du 31 décembre dans le tourisme et la culture, ou encore la suppression des charges sociales et fiscales pour ces mêmes secteurs jusqu’en juin 2021.
Le 3 septembre dernier, lors de l’annonce du plan de relance, le gouvernement déclarait : « Les structures de l’économie sociale et solidaire ont un rôle de premier plan dans l’économie circulaire, l’insertion ou encore l’agriculture et l’alimentation de qualité. Cela s’est vu au plus fort de la crise et sera pris en compte dans la relance. Les acteurs de l’ESS participent à la résilience de l’économie française. Ils contribuent au développement d’un modèle de croissance vert et solidaire. Ils seront un relais essentiel pour accompagner la transition écologique et pour mener la bataille pour l’emploi et l’insertion. » C’est vrai… et c’est oublier un peu vite que le secteur sanitaire et social relève lui aussi amplement de l’économie sociale et solidaire.
Mais six semaines plus tard, le secteur sait pour l’instant que seuls 1,3 milliard d’euros du plan de relance de 100 milliards va lui bénéficier directement. Soit 1,3%, alors que le secteur pèse 10% du PIB et 14% de l’emploi privé. C’est donc là, la reconnaissance de son rôle de premier plan ? C’est à cela seulement, que sert le rattachement de l’ESS à Bercy ? L’Economie sociale et solidaire réclame davantage, 2% précisément. Et elle le mérite amplement !