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Contrats aidés : un désengagement brutal de l’État qui met en péril l’inclusion

« Une mesure non concertée, injuste et contre-productive » : le ton est donné par David Cluzeau, président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes), en réaction à la suppression massive de contrats aidés, actée dans la circulaire 2025 du Fonds d’inclusion dans l’emploi (FIE). Ce texte, publié le 30 avril dernier au Bulletin officiel du ministère du Travail, marque un tournant préoccupant dans les politiques publiques d’insertion.

Le chiffre parle de lui-même : 32 000 Parcours Emplois Compétences (PEC) seront financés en 2025, contre plus de 75 000 contrats aidés en 2024 (PEC et CIE confondus). C’est une baisse de plus de la moitié. Pire encore, les conditions de prise en charge sont elles aussi revues à la baisse, avec un cofinancement désormais exigé des conseils départementaux à hauteur de 17 %, que rien ne garantit à ce jour.

Un coup dur pour les plus fragiles

Ce coup de rabot brutal affectera en premier lieu les personnes les plus éloignées du marché du travail. Seniors, jeunes sans qualification, habitants de quartiers prioritaires, résidents de territoires ruraux délaissés… Ce sont eux que ces dispositifs sont censés accompagner, à travers une montée en compétences progressive et une insertion durable dans l’emploi.

Mais cette disposition fragilise aussi grandement les employeurs de l’économie sociale et solidaire : associations, entreprises sociales et structures de l’insertion. « Le gouvernement fait le choix d’un désengagement unilatéral qui met en péril l’action des employeurs engagés dans l’insertion professionnelle des publics les plus fragiles », déplore David Cluzeau.

Contradictions politiques

Cette baisse des contrats aidés entre en contradiction directe avec les ambitions affichées en matière de plein emploi et de justice sociale. Comment espérer atteindre ces objectifs en retirant aux acteurs de terrain les outils dont ils ont besoin pour agir ? La seule justification de cette décision est donc d’ordre budgétaire, imposée par le ministère des Comptes Publics.

La Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) dénonce, elle aussi, une politique aux injonctions contradictoires : il est demandé aux structures de l’insertion de cibler les publics les plus éloignés de l’emploi, tout en orientant les financements vers celles qui enregistrent les meilleurs taux de sortie vers l’emploi. Autrement dit, celles qui s’occupent des publics un peu moins fragiles que les autres. Ce double discours est impossible à entendre, surtout dans un contexte de baisse générale des moyens qui précarise déjà nombre de structures employeuses et de personnes bénéficiaires.

La loi de finances pour 2025 prévoit en effet déjà une réduction significative du budget de l’IAE (Insertion par l’activité économique), avec pour conséquence de cette pression budgétaire la suppression attendue de 11.000 parcours d’insertion, l’annulation de 30.000 formations et un risque réel de fermeture pour des centaines de structures.

Vers une marchandisation de l’insertion ?

Derrière cette réorientation budgétaire, se profile une vision utilitariste de l’insertion : seuls les résultats immédiats comptent, mesurés à l’aune des retours rapides à l’emploi. Le travail d’accompagnement, long, complexe et sur-mesure, semble relégué au second plan.

Pire, pour tenter de tenir quoi qu’il advienne les objectifs chiffrés de retour à l’emploi, le gouvernement invite désormais les structures de l’ESS à se rapprocher des entreprises « classiques », à « multiplier les opportunités d’immersion » ou à développer les « partenariats de territoire ». Pourquoi pas. Mais cela ne pourra en aucun cas se substituer aux dispositifs spécifiques et adaptés que constituent les contrats aidés. 

Surtout, faut-il entendre là que le gouvernement assume d’ores et déjà le futur dépôt de bilan de structures de l’ESS, les invitant dès à présent à “sécuriser” les parcours des personnes en insertion, en les orientant tout de suite vers des acteurs classiques plus solides économiquement, bien que moins-disants au plan de l’accompagnement ? 

Une alerte à ne pas ignorer

Les arbitrages budgétaires de la circulaire FIE 2025 trahissent à l’évidence une méconnaissance du rôle stratégique que jouent les acteurs de l’ESS dans la cohésion sociale des territoires. Réduire leurs marges de manœuvre, c’est prendre le risque de voir s’effondrer une digue essentielle contre le décrochage social.

L’Udes et la FAS appellent à un réexamen en profondeur de ces orientations. Il est encore temps. Le gouvernement doit entendre la voix des employeurs de l’ESS. Et surtout, celle des personnes qu’ils accompagnent chaque jour vers un avenir un peu plus digne.

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