A quelques jours de son assemblée générale annuelle du 24 mai 2023, le Mouvement Impact France (MIF) apparaît plus que jamais divisé. Né en 2010 pour fédérer les entrepreneurs sociaux de France, ce mouvement a intégré la famille de l’économie sociale et solidaire avec la Loi Hamon de 2014. Presque dix ans plus tard, le mouvement est au bord de l’éclatement.
Entretien vidéo très « cash » avec Jonathan Jérémiasz, ancien président du MIF, en profond désaccord avec les futures orientations du mouvement. Il se présente aujourd’hui comme porte-parole d’un tout nouveau « Collectif des entrepreneurs sociaux » qui rassemble déjà plus de 150 signataires.
Extrait
« Je ne sais pas si je suis un frondeur. Je ne suis contre la candidature de personne. Je suis contre un projet. C’est cela qui me pousse à sortir de ma réserve, car il y a des choses assez graves et fondamentales qui se passent dans le monde de l’entrepreneuriat social et de l’économie sociale et solidaire. » (Jonathan Jérémiasz)
Décryptage :
Jonathan Jérémiasz s’oppose au projet porté par les prochains co-présidents du MIF, Pascal Demurger et Julia Faure, respectivement directeur général de la MAIF et co-fondatrice de la marque de vêtements Loom.
Leur projet consiste à élargir le Mouvement Impact France à des entreprises classiques, qui disent vouloir rechercher un impact positif de leur activité économique, mais qui ne sont pas des entreprises sociales. Sur les réseaux sociaux, les réactions sont virulentes à l’égard de l’entrée au conseil d’administration du MIF d’entreprises comme Doctolib, la SNCF ou KPMG France, notamment.
Extrait
« La question de la limitation de la rémunération [de Pascal Demurger] n’est pas un détail, c’est un combat historique du Mouvement des entrepreneurs sociaux. C’est un combat pour la justice sociale, au cœur de l’entrepreneuriat social et de l’économie sociale et solidaire. » (Jonathan Jérémiasz)
Décryptage :
Dans le monde de l’entrepreneuriat social, il est communément admis que l’écart de rémunération entre le plus bas et le plus haut salaire ne dépasse pas dix fois le Smic. Selon les échelles de comparaison, Pascal Demurger gagnerait plus de 30 fois le Smic.
La MAIF ne se revendiquant pas d’être une entreprise sociale, c’est le manque d’exemplarité des futurs co-présidents du MIF que pointe ici le Collectif des entrepreneurs sociaux, représentés par Jonathan Jérémiasz.
Extrait
« Le MIF est passé d’une logique de coalition entre acteurs indépendants à une forme de fusion-acquisition de l’ensemble des réseaux d’entreprises engagées. Le projet de départ était que les entrepreneurs sociaux inspirent le reste de l’économie, que les entreprises se rapprochent des entrepreneurs sociaux. Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit ». (Jonathan Jérémiasz)
Décryptage :
Avant 2020, le Mouvement Impact France (MIF) s’appelait le Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves). En 2020, à la fin de la présidence de Jonathan Jérémiasz, le Mouves avait initié une démarche d’élargissement aux entreprises engagées en lançant le collectif « Nous sommes demain » et les « Universités d’été de l’économie de demain ».
Puis, les deux co-présidents élus en 2020, Jean Moreau et Eva Sadoun, respectivement fondateurs de Phénix et de Lita, ont proposé de fusionner le Mouves avec Tech For Good France : le MIF était né, avec le vote favorable de 90% des adhérents du mouvement.
Trois ans plus tard, le collectif « Nous sommes demain » ne donne plus signe de vie et semble avoir été directement intégré au MIF, qui franchit cette année un nouveau palier dans son ouverture aux entreprises classiques. Dans l’économie sociale et solidaire, nombreux sont ceux qui pensent que le loup est entré dans la bergerie en 2020. Le Mouvement Impact France répond que la logique d’ouverture répond à une réelle nécessité face à l’urgence sociale et écologique, qui nécessite la mobilisation de tous.