Le rapport au travail a changé, c’est une certitude. Le confinement, l’après-Covid, le télétravail, les visio-conférences, l’intelligence artificielle et même le wokisme sont passés par là : l’économie sociale et solidaire n’évitera pas la réflexion sur la semaine de 4 jours ! Pas forcément pour l’accepter d’emblée, au nom de ses valeurs progressistes. Mais au moins pour interroger ses salariés, ses dirigeants et parfois même ses bénévoles, sur leur bien-être au travail. Voilà qui pourrait aboutir à des grandes réorganisations, ou à des ajustements de périmètres d’activité.
Mercredi dernier, la plateforme d’investissement durable Lita.co, bien connue des entrepreneurs écologiques et sociaux, avait investi La Rotonde, place Stalingrad à Paris. Objet de la soirée : le lancement officiel de l’expérimentation de la semaine de 4 jours, à salaire constant. Devant un parterre d’invités de marque, sa co-fondatrice et présidente Eva Sadoun rappelait les valeurs d’engagement de Lita. Pour la transition écologique d’abord, au travers de la finance depuis 2014. Et désormais par le travail, car travailler 4 jours sans perte de salaire permet à chacun de libérer du temps et de prendre soin de soi. Condition sine qua non pour prendre soin des autres.
En France, près de 400 entreprises ont déjà essayé la semaine de 4 jours. Sans obligation, puisque ce choix dépend des dirigeants et de la convention collective. C’est le cas, par exemple, du distributeur de matériel informatique LDLC. Des chauffeurs de bus Transdev, à Dunkerque. De la chaîne de distribution Lidl, qui pourrait déployer bientôt l’expérimentation dans 1.500 points de vente. Ou encore de la RATP, qui espère ainsi fidéliser les équipes face à la pénurie de personnel.
Dans le secteur public, la Métropole de Lyon teste aussi la formule. Depuis le 1er septembre, 300 volontaires, parmi ses 9.600 agents, expérimentent la semaine de 4 jours. Les premiers retours sont très favorables. Les écologistes de la Métropole de Lyon se félicitent. Cette mesure était un symbole fort de leur premier mandat. Pas moins de 120 services de la Métropole ont tenté l’expérience, sans regret. Les cadres, parmi les plus réticents au départ, constituent à présent les deux tiers des volontaires. Et dans six mois, le dispositif devrait être élargi à 5.500 agents.
Les trois-quarts des Français sont favorables
Et voilà que même le gouvernement s’y met ! Gabriel Attal a demandé à ses ministres d’expérimenter dans leurs administrations « la semaine en 4 jours ». Vous avez bien lu : « En 4 jours ». Il ne s’agit plus de réduire le temps de travail hebdomadaire à 4 jours payés 5 jours, comme chez Lita. Mais d’accroître la productivité des agents, pour que leurs 35 heures hebdomadaires soient concentrées sur 4 jours de travail. C’est moins progressiste, mais pourquoi pas, si chacun y trouve son compte. L’administration maintiendra ainsi sa productivité. Et les volontaires y gagneront des week-ends de trois jours. Près de 73% des agents de l’État se disent intéressés par l’expérimentation.
Les Français sont évidemment tous favorables à un « travailler mieux », mais bon nombre souhaitent surtout « travailler moins ». En effet, selon l’IFOP, 77% des actifs sont favorables à la semaine de 4 jours, mais sur la base de 32h payées 35h : pas question de perdre du pouvoir d’achat, les temps sont durs. Les femmes y sont plus favorables encore que les hommes (81%, contre 73%) : cela souligne les inégalités du travail informel dans la cellule familiale.
Les moins de 35 ans sont également beaucoup plus favorables à la semaine de 4 jours que les 65 ans et plus (84%, contre 49%) : la défense du progrès social vaut davantage pour qui se projette loin. Enfin, les ouvriers (81%), les employés (79%) et les cadres (76%) se projettent mieux sur 4 jours que les artisans-commerçants (60%) : l’activité d’entrepreneur s’accommode plus mal d’horaires réduits que chez les salariés. Les entrepreneurs sociaux aussi, vous le diront.
Enquête flash de l’UDES sur la semaine « en 4 jours »
Et vous, acteurs de l’ESS, comment vous projetez-vous ? La semaine de 4 jours, oui, sans doute, mais à quelles conditions ? Pour quel salaire et avec quelles exigences de productivité ? L’UDES, syndicat des employeurs de l’économie sociale et solidaire, lance une enquête flash pour solliciter votre avis : en 1 minute, dites ce que vous pensez de « la semaine en 4 jours » et si sa mise en place vous semble possible dans votre structure. Cela permettra à l’UDES de définir une position commune à ses adhérents, puis de la représenter auprès des pouvoirs publics :
Répondez à l’enquête de l’UDES
Vous êtes archi-convaincu ? Déjà prêt à sauter le pas dans votre structure de l’ESS mais pas encore assez armé ? Sachez que le député européen Pierre Larrouturou, chantre français de la semaine de 4 jours depuis 30 ans (!), a mis en place une offre de services et un site internet Semainede4jours.fr pour aider à mettre en place la semaine « de » 4 jours, à 32h sans baisse de salaire, avec création d’emploi et mécanisme d’aide pour les entreprises. « Chaque fois, le constat est le même, assure-t-il : plus de productivité et plus de bien-être chez les salariés ; baisse de 71% des facteurs de burn-out, de 65% des jours d’arrêt-maladie et de 57% des risques de démission ».
Au contraire, vous êtes sceptique ? Songez à l’intelligence artificielle, qui transforme le monde du travail à toute vitesse. Une étude de Tech.co assure que l’IA est utilisée par 29% des structures qui ont adopté la semaine de 4 jours, contre 8% des structures qui sont restées à 5 jours. Pour autant, l’économie sociale et solidaire qui développe des biens et des services basés sur l’humain est-celle compatible avec l’intelligence artificielle ?
Damien Baldin, l’un des trois candidats à la présidence d’ESS France, nous l’assure cette semaine : « L’ESS ne peut pas passer à côté de cette révolution, nous devons travailler à des modèles de gouvernance de l’intelligence artificielle » (retrouvez son interview ici). Répétons-le : l’économie sociale et solidaire n’évitera pas la réflexion sur la semaine de 4 jours.