ESS ON AIR

Marielle Gaudin : « Erasmus+ soutient les acteurs de l’ESS, mais ne suscite pas un optimisme débridé à Bruxelles »

L’Europe aime-t-elle encore l’économie sociale et solidaire ? La question peut paraître incongrue pour un secteur reconnu de longue date comme pilier de la transition juste en Europe. Mais la Commission européenne vient de supprimer l’unité dédiée à l’ESS au sein de sa Direction générale du marché intérieur et ce signal est inquiétant. Mediatico a donc invité Marielle Gaudin, venue porter la voix la plus concrète de l’Europe au coeur de nos territoires, celle d’Erasmus+, dans notre émission « ESS On Air » (voir la vidéo intégrale ci-dessous).

Car pour le moment, des programmes comme Erasmus+ et sa plateforme EPALE (Electronic Platform for Adult Learning in Europe) continuent largement de démontrer leur efficacité, leur accessibilité et leur impact. Mieux : ils apparaissent aujourd’hui comme des remparts essentiels dans un contexte d’austérité budgétaire nationale, et comme des leviers puissants pour former, relier et faire grandir les structures de l’ESS. Pour combien de temps ? C’est toute la question.

+230 % pour la formation des adultes : une volonté politique affirmée

Depuis 2021, le budget Erasmus+ pour la formation des adultes a bondi de 230 %, un record dans l’histoire du programme. L’objectif ? Accompagner le développement des compétences des acteurs de l’éducation populaire, de l’insertion, de la culture et de l’économie sociale. L’ESS y figure noir sur blanc comme l’une des cinq priorités identifiées par l’Agence Erasmus+ France, selon Marielle Gaudin, responsable du pôle formation et insertion des adultes

Cette dynamique européenne répond à une réalité de terrain : des besoins croissants, des moyens en baisse. En France, les financements pour le service civique ou pour les actions associatives s’érodent. À Bercy, le message est clair : « Tournez-vous vers la finance privée, tournez-vous vers l’Europe », a déclaré le ministre Éric Lombard lors de la conférence des financeurs de l’ESS (lire notre édito sur Mediatico).

EPALE : une plateforme européenne au service des acteurs de terrain

Souvent méconnue, la plateforme EPALE mérite d’être explorée par tous les professionnels de la formation des adultes. Multilingue, gratuite, collaborative, elle rassemble aujourd’hui 170 000 utilisateurs dans 35 pays : conseillers en insertion, éducateurs populaires, responsables associatifs…

« EPALE, c’est une plateforme qui diffuse des articles, des podcasts, des reportages, des retours d’expérience sur plus de 40 thématiques : citoyenneté, inclusion, transition écologique, innovation sociale… », détaille Marielle Gaudin.

Sur la plateforme, l’un des derniers podcasts, par exemple, met en lumière l’expérience française de Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée à Castillon-la-Bataille, aujourd’hui observée et parfois adaptée ailleurs en Europe. Une Europe concrète, inspirante, loin des discours abstraits.

Erasmus+ : un levier d’émancipation, y compris pour les petites structures

Longtemps considéré comme inaccessible aux petites associations, Erasmus+ a pourtant connu une profonde simplification depuis 2021 : une accréditation unique pour candidater sur plusieurs années, des forfaits adaptés aux petites structures, une avance de 80 % du financement dès la contractualisation, une logique forfaitaire sans justification de chaque dépense…

« Une petite association de quartier peut tout à fait entrer dans Erasmus+ », assure Marielle Gaudin. « Il ne faut pas hésiter à se lancer. »

Au-delà des procédures, les bénéfices sont considérables : partir en immersion dans un autre pays, découvrir d’autres façons de faire, bâtir des partenariats européens… « Cela transforme les pratiques, ça redonne du souffle, ça ouvre des horizons », insiste-t-elle.

Un outil politique au service de la citoyenneté européenne

Dans un contexte de montée des nationalismes, la mission d’Erasmus+ dépasse les questions budgétaires. Elle est profondément politique. Partir, rencontrer, coopérer : ces verbes simples incarnent une vision de l’Europe fondée sur la citoyenneté, l’inclusion et le vivre-ensemble. C’est ce que défend aussi EPALE, en favorisant les échanges de pratiques à travers le continent.

« Aujourd’hui, face à la montée des replis identitaires, Erasmus+ est un outil de première importance », alerte Marielle Gaudin.

2027 en ligne de mire : le compte à rebours est lancé

Mais cette dynamique pourrait ne pas durer. La prochaine programmation Erasmus+ sera présentée dans quelques jours, en juillet 2025, avant le vote d’un nouveau budget par le Parlement européen. Or, le contexte géopolitique et budgétaire est incertain : guerre en Ukraine, priorités réorientées, pression sur les finances publiques européennes…

« Nous poussons fort pour maintenir les niveaux de financement, mais il n’y a pas d’optimisme débridé à Bruxelles », reconnaît Marielle Gaudin. Et de rappeler que le programme Erasmus+ ne peut pas, à lui seul, compenser les reculs structurels des politiques nationales.

Alors, l’Europe est-elle encore l’avenir de l’ESS ? La réponse ne se trouve ni dans les annonces ministérielles, ni dans les méandres bruxellois, mais bien dans l’action concrète des structures de terrain. Celles qui osent, qui partent, qui expérimentent, qui bâtissent des ponts entre territoires et pays. Erasmus+ et EPALE sont à leur disposition.

Mais le temps presse. Les moyens sont là, aujourd’hui. Ils pourraient ne plus l’être demain.

➡️ À lire, à écouter, à expérimenter : https://epale.ec.europa.eu/fr

➡️ À candidater : https://agence.erasmusplus.fr

Voir l’interview vidéo intégrale avec Marielle Gaudin :

https://youtu.be/RWTvVo9VQko
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