Le Mouvement Impact France aurait pu célébrer le 4e anniversaire de la Loi Pacte la semaine dernière, mais ses membres étaient occupés à bien d’autres festivités : après plusieurs semaines de débats enflammés sur les réseaux sociaux (lire sur Mediatico), Pascal Demurger et Julia Faure ont en effet été élus haut-la-main, ce 24 mai, à la co-présidence du MIF, par 86% des adhérents.
Un « plébiscite », assure le Mouvement (lire le communiqué). Sachant qu’une liste unique se présentait, le score m’apparaît toutefois un peu plus mitigé : 14% des adhérents ont voté contre – et pourraient donc quitter le mouvement – refusant le projet politique de la nouvelle gouvernance, qui entend élargir le MIF à des entreprises particulièrement engagées… dans la droite ligne des opportunités ouvertes par la Loi Pacte de 2019.
Certes, le réseau de conseil et d’audit KPMG ne fera pas partie du MIF : violemment critiqué sur les réseaux sociaux pour favoriser l’optimisation fiscale des entreprises, donc à rebours d’un engagement vertueux des entreprises pour leurs parties prenantes et leur écosystème, KPMG a en effet renoncé in extremis à intégrer le conseil d’administration du MIF. Mais d’autres entreprises plus classiques, dites « à mission », labellisées B-Corp, ou considérées comme « exemplaires » en matière de RSE, deviennent pour leur part administratrices du Mouvement Impact France : c’est le cas de la SNCF ou de Doctolib. Merci la Loi Pacte… même si cela dérange certains !
Promulguée le 22 mai 2019, voilà 4 ans tout juste, la loi Pacte voulait instaurer un Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (PACTE). À coup de multiples dispositions fiscales d’une part, mais aussi en repensant le partage de la valeur avec les salariés, les écarts de salaires, la gouvernance des entreprises et leur place dans la société, allant jusqu’à leur proposer d’instaurer une « raison d’être » voire une « mission » sociétale dans leurs statuts.
Quatre ans plus tard, à quoi la loi Pacte a-t-elle servi ? Ses 221 articles, fort disparates, la rendent bien difficile à évaluer. France Stratégie la juge trop « récente » pour en dresser le bilan (lire son rapport), estime les avancées bien timides sur le partage de la valeur et considère que le statut de société à mission reste encore « marginal » dans l’économie française. Cette loi, que Mediatico a toujours jugé progressiste pour le monde de l’entreprise, est-elle pour autant une mauvaise loi ? Assurément non. Le Mouvement Impact France peut-il s’en revendiquer, même à demi-mots ? C’est évidemment son droit souverain, même si cela irrite une partie de l’économie sociale et solidaire. Faut-il pour autant réviser la loi Pacte ? Personne ne demande rien de tel.
Alors pourquoi faudrait-il revoir la Loi ESS de 2014, dite loi Hamon ? D’un anniversaire à l’autre, celle-ci fêtera l’an prochain ses 10 ans. Certes, le temps de l’évaluation est un peu plus long, mais bien trop court encore aux yeux d’ESS France qui aimerait bien la voir entièrement appliquée avant de vouloir la réviser. Or, plusieurs voix de l’entrepreneuriat social réclament non seulement son évaluation, mais aussi, justement, sa révision. De l’ancien Haut-commissaire Christophe Itier à l’ex-président du Mouves Jonathan Jérémiasz (revoir son interview sur Mediatico), ils demandent notamment la réécriture du long article 1, qui porte sur la définition de l’ESS et assimile un peu trop vite l’entrepreneuriat social aux « sociétés commerciales de l’ESS » agréées ESUS (lire l’article 1).
Qu’en pense Marlène Schiappa ? Au vu des débats enflammés des dernières semaines et de ceux qui pourraient encore advenir, la Secrétaire d’État à l’Économie sociale et solidaire et à la Vie associative organisera jeudi une table ronde sur l’avenir de l’ESS. Mediatico y sera, avant de recevoir la ministre, dans notre studio, pour une interview sans détours.
Nous l’interrogerons sur l’opportunité politique de débaptiser la Loi Hamon pour en faire une Loi Schiappa ! Non sans lui rappeler que de belles lois du secteur de l’économie sociale et solidaire parviennent à traverser le temps, voire les siècles. Comme celle qui protège nos libertés associatives depuis 1901.
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