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Chaque minute, plane désormais l’ombre du 49.3. Le projet de budget 2025 pour la France présenté par le gouvernement Barnier ne trouvera probablement aucune majorité à l’Assemblée nationale. Le gouvernement passera donc en force. Reste à savoir quand.

En attendant, toute l’économie sociale, solidaire et responsable se mobilise avec force pour amender un budget qui met l’ensemble du secteur en danger. Lors d’une conférence de presse commune au siège d’ESS France la semaine dernière, Benoît Hamon, Claire Thoury et Hugues Vidor, respectivement présidents d’ESS France, du Mouvement associatif et du syndicat employeur UDES, ont vivement dénoncé les coupes budgétaires et leurs conséquences délétères. 

Benoît Hamon a évoqué trois “lames” de fond qui menacent l’ESS à travers le projet de loi de finances. La première, c’est la réduction drastique des dépenses publiques qui affectent les services d’intérêt général : les transports publics locaux, les services pour les personnes en situation de handicap, le budget de l’ADEME chargée de préserver l’environnement, les missions de solidarité sur le terrain, les crédits dédiés aux ONG internationales, aux organismes de santé, à la petite enfance, au grand âge… 

Les trois lames de fond qui menacent l’ESS

La deuxième lame, c’est l’effondrement des crédits dédiés à l’ESS au sein même de Bercy, indispensable à la structuration et au soutien des initiatives ESS : la réduction de 25% (de 22 à 16 millions d’euros) affecterait durablement les têtes de réseau régionales que sont les CRESS, mais aussi les Dispositifs locaux d’accompagnement (DLA, pour aider les associations à changer d’échelle), ainsi que les PTCE (Pôles territoriaux de coopération économique). 

Budget 2025 : ESS, le grand stress

Benoît Hamon a décidé de négocier pied à pied ce point considéré comme « non négociable ». Non seulement parce que, au sein du Programme 305 de Bercy, la baisse du budget de l’ESS menace à la fois l’innovation sociale, la cohésion territoriale et la croissance des structures locales. Mais aussi parce que, dans le même Programme 305, se nichent les crédits d’achat de prestations de conseil auprès de sociétés comme… McKinsey. Dont le budget, lui, ne recule pas d’un pouce !

La troisième lame de fond, c’est la diminution des dotations aux collectivités locales, qui va obliger des villes comme Alfortville à réduire les services proposés à ses habitants ou à augmenter les impôts locaux… quand l’État se targue de vouloir éviter toute hausse de fiscalité. Ubu est roi !

Le plus grand plan social de l”histoire

Hugues Vidor enfonce le clou. Ces coupes budgétaires menacent 186.000 emplois en France sur un total de 2,5 millions d’emplois créés dans l’ESS, affirme-t-il. Explication : ce projet de budget aura un impact négatif de 8,3 milliards d’euros sur l’économie sociale. Le président de l’UDES, syndicat d’employeurs de l’économie sociale, cite des services tels que la protection de l’enfance, l’aide à domicile et les établissements pour personnes âgées qui demandent déjà un fonds d’urgence de 1,4 milliard d’euros pour répondre à une situation d’« asphyxie ». 

Adrien Couret dénonce pour sa part le plus grand plan social jamais vu en France. Le directeur général du groupe mutualiste Aema Groupe entrevoit déjà les conséquences de ces choix budgétaires sur des millions de salariés, de bénévoles et d’usagers des Ehpads, des crèches, des clubs de sport amateur, des épiceries solidaires, des centres de vacances ou des établissements culturels.

Le secteur associatif n’est pas en reste. Claire Thoury dénonce l’incohérence politique du budget 2025, arguant que les associations jouent un rôle crucial pour le maintien de nombreux services publics et qu’elles méritent une reconnaissance et un soutien financier à la hauteur de ce qu’elles représentent : 1,4 million d’associations, 20 millions de bénévoles, et des milliers de salariés, notamment dans la culture, les crèches, le tourisme social ou l’environnement. 

La vie associative une nouvelle fois menacée

Or, si la ligne budgétaire 163 qui finance la vie associative est maintenue à 40 millions d’euros, cette somme reste très insuffisante au regard des besoins du secteur. En effet, en dehors de la ligne 163, la baisse des budgets sectoriels dédiés par exemple à l’humanitaire (-44%) ou aux personnes en situation de handicap (-20%) aura des répercussions graves. Même chose dans le secteur culturel, où le budget consacré aux radios associatives locales s’effondre. Et dans le champ environnemental, Claire Thoury pointe le Fonds vert pour la rénovation énergétique, qui verrait son budget divisé par plus de deux, passant de 2,5 à 1 milliard d’euros.

Le service civique, ainsi que l’emploi dans les quartiers prioritaires, seront aussi affectés. Les acteurs associatifs et les collectivités locales s’inquiètent de l’impact de la fin des emplois francs, de la baisse des contrats aidés, mais aussi de la diminution prévue du nombre de jeunes en service civique, dispositif qui engage chaque année plus de 80.000 jeunes sur des missions d’intérêt général, dans les associations ou les collectivités locales. Voilà qui aggravera encore les difficultés de l’ensemble des acteurs locaux. Alors que le dispositif du service civique fêtera l’an prochain ses 15 ans, voilà qui fait mauvais genre.

Comme si cela ne suffisait pas, le Centre Français des Fondations s’étrangle en découvrant l’amendement, voté jeudi soir en commission des Finances, qui veut réduire le taux de réduction des dons déductibles de l’IFI de 75% à 66%. Voilà qui soulagerait certes les dépenses de l’Etat. Mais qui fragiliserait encore bien davantage les associations et les fondations, qui bénéficient grâce à ce dispositif de la générosité des plus riches à hauteur de 200 millions d’euros par an. 

Les entreprises à impact montent aussi au créneau

Cette mesure aurait des « conséquences catastrophiques », résume encore Elsa Da Costa, administratrice du CFF et directrice générale d’Ashoka France, le plus grand réseau européen d’entrepreneuriat social. 

Quant aux entrepreneurs sociaux, justement, plus de 100 dirigeants d’entreprises à impact réunis par le mouvement Impact France ont signé la semaine dernière une tribune demandant d’épargner les entreprises écologiques et sociales, parce qu’elles créent une valeur tangible qui contribue à un assainissement durable des dépenses publiques.

Le sentiment d’urgence et de mobilisation est largement partagé dans l’ensemble des cercles de l’économie sociale, solidaire, responsable et à impact. C’est d’une même voix que ces acteurs appellent à revoir les priorités budgétaires, pour préserver leur rôle indispensable dans le maintien du tissu social et économique en France.

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