Un plaidoyer pour l’ESS à l’ONU et la signature d’un accord franco-espagnol n’auront pas suffi, ses photos dans Playboy et l’attribution mal contrôlée des subventions du Fonds Marianne ont eu raison d’elle. Exit Marlène Schiappa ! Au sein du gouvernement Borne III, c’est Olivia Grégoire qui reprend le flambeau de l’économie sociale et solidaire. Et ce retour est apprécié, au vu des premières réactions sur les réseaux sociaux : elle s’était démenée pour le secteur, durant la période Covid. Mais son retour soulève quelques interrogations.
De prime abord, en effet, l’ESS avait été complètement oubliée dans la composition du nouveau gouvernement. C’est par un tweet qu’Olivia Grégoire, ministre déléguée aux PME, au Commerce, à l’Artisanat et au Tourisme, a annoncé l’élargissement de son portefeuille à l’ESS. J’imagine d’ici le dialogue téléphonique, quelques minutes plus tôt :
- Olivia Grégoire : Allô Elisabeth, euh on a oublié l’ESS dans les attributions ministérielles. Je connais bien le secteur et je l’apprécie : je veux bien m’y coller.
- Elisabeth Borne : Ah oui, l’ESS… 1 million d’associations, 7% du PIB, 10% de l’emploi salarié et Marlène qui m’était directement rattachée à Matignon… J’ai complètement zappé, c’est bizarre. Vas-y, fonce !
- Olivia Grégoire : Ok, mais on fait comment pour l’annoncer, vu que la composition du gouvernement est déjà dans tous les médias ? A minima, je peux faire un tweet…
- Elisabeth Borne : Voilààà, très bien ! Comme ça, en plus, tu montres que tu es en première ligne. Tout comme eux !
- Olivia Grégoire : (…)
A vrai dire, les annonces du 20 juillet nous ont fait aller de surprise en surprise. Non seulement l’oubli semblait grotesque, mais un gros raccourci faisait par ailleurs écrire certains sites sur le fait que Marlène Schiappa quittait le gouvernement « mais » que Prisca Thévenot devenait secrétaire d’État à la Jeunesse et au SNU. Évidemment, ne pas confondre Service civique et Service National Universel. L’ESS n’a pas grand-chose à voir avec le SNU, placé sous la coupe du ministère… des Armées.
Sur internet, les réactions ont vite fusé. Grosse colère d’ESS France et du Mouvement associatif, entre autres. C’était à parier, d’aucuns voyant là un nouveau manque de considération de la majorité présidentielle pour l’engagement associatif et pour toutes les formes d’innovation face aux enjeux sociaux et écologiques que l’État n’assume pas. « Ce n’est pas une question de standing ou de susceptibilité, mais de priorité politique à l’heure de la transition juste », souligne Jérôme Saddier, président d’ESS France.
Le tweet rapide d’Olivia Grégoire est toute de même venu calmer une partie des esprits. Car, bonne nouvelle, l’ESS, jadis rattachée au ministère de la Transition écologique, revient donc dans le giron de Bercy. Un dimensionnement qui plaît aux représentants du secteur, qui défendent la crédibilité de leurs modèles économiques alternatifs. Mais un rattachement ne vaut pas tremplin. On l’a vu lorsque l’ESS était rattachée directement à Matignon ces derniers mois. Olivia Grégoire sera donc jugée, comme tout ministre, à ses actions.
Jérôme Saddier a déjà cité quatre chantiers ouverts, à parachever :
- L’inscription de l’ESS dans la planification écologique
- La structuration territoriale de l’ESS via les CRESS et les PTCE
- L’élaboration d’une loi de programmation pour stabiliser les moyens de l’ESS
- Le rayonnement international et le plan européen de développement de l’ESS
Olivia Grégoire aura-t-elle les marges de manœuvre suffisantes pour s’y atteler ? Son ministère s’enrichit certes des enjeux de l’ESS. Mais l’intitulé de son portefeuille ne le mentionne pas expressément. Et son cabinet ne semble pas devoir être élargi pour autant en termes de personnels.
Alors, concrètement, qui pour appuyer et développer les politiques publiques de l’ESS ?