À la tête d’Ashoka France depuis 2021, Elsa Da Costa veut faire émerger une société où chacun se sent légitime à transformer le monde. À l’occasion des 20 ans d’Ashoka France, elle revient sur le rôle stratégique de l’entrepreneuriat social, sur la place des jeunes dans la transformation sociale, et sur l’urgence d’un changement de paradigme dans le financement de l’intérêt général.
L’ESS, un modèle d’avenir à faire entrer dans la Constitution ? Pour Elsa Da Costa, c’est une évidence. L’économie sociale et solidaire n’est pas qu’un secteur économique, « elle porte en elle-même l’idée d’une société plus juste et plus durable ». Elle incarne donc un choix de société, un modèle politique indispensable au XXIe siècle, comme le reconnaissent désormais l’ONU, l’OIT et l’OCDE.
« Face aux défis d’aujourd’hui, la seule issue possible c’est l’économie sociale et solidaire », affirme-t-elle dans l’émission « ESS On Air » de Mediatico, le média de l’économie sociale et solidaire. La directrice générale d’Ashoka France appelle donc à une reconnaissance institutionnelle forte de l’ESS. Mais aussi à repenser le modèle économique de l’intérêt général.
Ashoka France, « oubliée » par Bercy lors de la Conférence des financeurs de l’ESS
« Jusqu’à présent, on a pensé que l’intérêt général était la synthèse des intérêts particuliers. C’est archi-faux. En réalité, l’intérêt général est bien plus large, il transcende les intérêts particuliers », déclare-t-elle. « On a l’impression que seul l’État peut financer l’intérêt général par la défiscalisation ou les subventions. Moi, je suis convaincue que l’intérêt général est l’affaire de tous : les entreprises, l’État et les citoyens ».
A cet égard, elle regrette amèrement de n’avoir pas été invitée à la première Conférence des financeurs de l’ESS, qui se tenait fin avril à Bercy. « J’aurais dû être invitée. Ashoka est le premier réseau mondial d’entrepreneuriat social. Nous fédérons 4000 entrepreneurs sociaux dans 93 pays du monde, qui ont tous expérimenté des problématiques de financement. Nous aurions eu deux ou trois choses à dire ».
Des Fellows au cœur des transformations sociales
Pour répondre aux défis sociaux depuis près de 40 ans dans le monde, et bientôt 20 ans en France, Ashoka sélectionne et accompagne des Fellows, ces entrepreneurs sociaux qui créent des solutions systémiques aux grands enjeux de notre temps. En 2024, quatre nouveaux Fellows ont encore rejoint le réseau. Ils incarnent de nouveaux récits, de nouvelles causes, et une posture toujours plus radicale dans la coopération.
Ashoka ne se contente pas d’identifier les pionniers : elle les entoure d’un écosystème d’accompagnement pro-bono (mentors, experts, coachs) pour maximiser leur impact. Et à travers des dispositifs comme le Fellowthon, Ashoka explore aussi les signaux faibles de l’innovation sociale.
Génération Jeunesse : former les élites à l’engagement
Elsa Da Costa insiste aussi sur l’impératif stratégique de miser sur les jeunes. Il ne suffit pas de dire que la jeunesse est l’avenir. Il faut lui donner les clés du changement maintenant, estime-t-elle. Ashoka a organisé l’an dernier l’Assemblée des Jeunesses, un espace de parole inédit qui a révélé une génération bien plus lucide, créative et engagée que ce qu’on imagine.
Autre initiative marquante pour la jeunesse : l’intervention d’Ashoka dans plusieurs écoles de commerce, comme cette formation à l’engagement à l’ESSEC qui vise à introduire l’impact social dans le parcours des futurs décideurs économiques. Le but est de changer la façon dont les élites se construisent, en les reconnectant aux enjeux sociétaux dès leur formation.
Influencer les politiques publiques et la philanthropie
Au-delà de l’accompagnement d’entrepreneurs, Ashoka entend désormais peser davantage sur les politiques publiques et la transformation des modèles philanthropiques. Elsa Da Costa cite plusieurs initiatives structurantes : les États Généraux de l’Information, l’Initiative Racines pour des financements plus adaptés à la société civile, ou encore le Shadow Cabinet de la jeunesse, co-porté avec la Fondation BNP Paribas et L’Ascenseur.
L’idée est de faire émerger une vision partagée du bien commun, qui ne soit pas uniquement pilotée par les logiques institutionnelles, plaide-t-elle.
20 ans d’Ashoka France : bilan et cap pour 2045
À l’occasion de ses 20 ans, fêtés le 1er juillet prochain, Ashoka France revendiquer son rôle moteur et ses nombreux apports à la structuration de l’écosystème de l’innovation sociale en France. De la création du Mouves, devenu Impact France, à la montée en puissance de la notion d’impact systémique, Elsa Da Costa voit dans ce cheminement une preuve que la société civile a su imposer ses standards. Et elle relève avec plaisir qu’en 2025, la terminologie « entrepreneuriat social » n’est heureusement plus un oxymore.
Et pour les 20 prochaines années ? Elle imagine une société où l’engagement serait la norme, où chaque citoyen se sentirait légitime pour agir. Si elle avait une baguette magique pour transformer la société, elle ferait en sorte « que la culture de l’engagement soit diffusée dès le plus jeune âge et à tous les âges de la vie, pour normaliser l’engagement au service de l’intérêt général ».
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