Le service civique traverse une zone de fortes turbulences. La ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative, Marie Barsacq, a confirmé lors d’une audition au Sénat, le 7 mai dernier, ce que de nombreux acteurs associatifs redoutaient : la réduction du nombre de postes ouverts au service civique, va passer de 150 000 à 135 000 cette année. En cause, les contraintes budgétaires imposées par Bercy, qui impactent de plein fouet un dispositif… unanimement salué !
Alors que l’Agence du service civique célèbre ses quinze ans, c’est une douche froide pour les structures d’accueil et pour les jeunes. Ce programme, qui offre chaque année à des milliers de jeunes – dont deux-tiers de jeunes femmes – une première expérience d’engagement citoyen et souvent un tremplin vers l’emploi ou la formation, voit ses moyens fondre à vue d’œil.
« Madame la ministre, nous avons voté un budget et le Gouvernement en exécute un autre », a résumé sèchement Max Brisson, sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques, cité par Michel Abhervé dans son blog sur Alternatives Économiques.
Une coupe budgétaire au goût amer
Marie Barsacq s’en défend : « Le service civique est un dispositif triplement important : pour les jeunes, pour les structures et pour les citoyens », souligne-t-elle. Mais la ministre doit aussi reconnaître que cette ligne budgétaire — 580 millions d’euros, la plus importante de son ministère — est clairement dans le viseur du ministère des Comptes publics.
Une décision à contre-temps
À la veille de l’été, la temporalité de ce gel est particulièrement préoccupante pour les associations. La majorité des missions débutent en septembre ou en octobre, au moment de la rentrée scolaire et universitaire, et à l’heure des forums associatifs de rentrée et de la réouverture des inscriptions annuelles aux si nombreuses activités associatives. Les acteurs associatifs espèrent donc une négociation budgétaire plus ferme, qui aboutirait à un dégel des 15.000 postes en question. Mais cela prendra du temps.
La ministre a conscience de l’enjeu et le reconnaît : un dégel des crédits en novembre serait inutile, les structures ne pouvant alors plus organiser de missions dans les temps. Elle espère un arbitrage d’ici juillet ou début août. Mais l’incertitude plane et pour l’heure les crédits sont donc en baisse de 10%.
« Est-il raisonnable de couper ce dispositif, qui est souvent une bouée de sauvetage pour une jeunesse de plus en plus en souffrance ? », interroge Yann Chantrel, sénateur PS des Français de l’étranger. Le sénateur pointe les effets délétères que pourrait avoir cette mesure sur une jeunesse confrontée à l’éco-anxiété, à l’isolement ou aux problèmes de santé mentale. Le service civique, en apportant du sens, un cadre et un lien social, peut faire la différence.
Des répercussions en cascade
La réduction du nombre de postes ne concerne pas uniquement les jeunes : elle impacte aussi les structures d’intérêt général et les services publics qui, dans tous les territoires, comptent sur ces volontaires pour maintenir ou renforcer leurs actions. France Travail, par exemple, doit dès à présent réduire de 15 % le nombre de jeunes volontaires qu’il recrute pour faire fonctionner ses propres services. Moins de volontaires chez France Travail, c’est moins d’accompagnement dans les démarches administratives auprès de celles et ceux qui cherchent un emploi, c’est moins d’aide pour combler la fracture numérique, moins de présence auprès des publics fragiles.
Ce gel s’annonce donc comme une double peine : pour les jeunes désireux de s’engager et pour les structures, souvent associatives, qui peinent déjà à maintenir leurs activités.
Une remise en cause du modèle ?
Au-delà du chiffre de 15 000 postes gelés, c’est la stabilité et la lisibilité du service civique qui sont en question. Un dispositif fondé sur l’engagement et la continuité ne peut fonctionner par à-coups budgétaires, surtout quand les décisions tombent en plein cœur du calendrier de recrutement.L’avenir dira si les crédits seront effectivement « dégelés » à temps.
En attendant, ce coup de rabot porte un message ambigu à une jeunesse qu’on appelle pourtant à s’engager, à prendre part aux défis de notre société, à construire du lien là où il se délite.