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GSEF de Bordeaux : le scandale des visas refusés pour des délégations africaines

À quoi ressemblerait un Forum international sans ses représentants internationaux ? C’est à l’évidence un grave incident qui vient ternir l’image de la France, à l’heure où le Forum mondial de l’économie sociale et solidaire s’apprête à accueillir à Bordeaux, du 29 au 31 octobre, plus de 5 500 participants issus de près de 70 pays. 

Tous les pays du monde, en effet risquent de ne pas y être représentés. Pourquoi ? Parce que des dizaines de représentants africains, invités officiellement au GSEF (pour Global Social Economy Forum) et pour la plupart devant intervenir pour témoigner de leur expérience sur scène, se sont vu refuser leur visa d’entrée en France. Pour un forum international, c’est un comble !

Un forum international privé d’une partie du monde

Le Bordeaux GSEF 2025, vitrine mondiale de l’économie sociale et solidaire, dont Mediatico est partenaire, entend être une célébration de la coopération entre territoires, peuples et modèles économiques solidaires, pour montrer qu’un autre monde est possible et que les alternatives existent partout sur la planète. 

Mais les organisateurs ont confirmé à Mediatico les informations de notre confrère Sud Ouest : les ambassades de France ont refusé des visas à une centaine de personnes dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne — notamment le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Guinée, la Guinée-Bissau et le Togo. Et parmi ces personnes déclarées non grata en France, figurent des élus, des entrepreneurs sociaux et des intervenants.

C’est Benoît Hamon qui a révélé l’affaire dans une vidéo postée sur son compte Instagram ce mardi. « Le symbole est absolument navrant », a affirmé Benoît Hamon, président d’ESS France et directeur de l’ONG Singa, dans une vidéo publiée sur Instagram. « Nous travaillons depuis des années avec les sociétés civiles africaines pour construire des modèles économiques de coopération. Refuser leur venue, c’est priver le forum d’une part essentielle de son sens. »

Des élus locaux et nationaux montent au créneau

Face à cette situation inédite, Benoît Hamon a saisi plusieurs ministères, dont ceux de l’Intérieur et de l’Économie, ainsi que plusieurs des ambassades françaises concernées. Des élus se sont également mobilisés : Nicolas Thierry, député écologiste de la Gironde, a interpellé le ministre de l’Intérieur Laurent Nunez et le préfet de Nouvelle-Aquitaine, tandis que le maire de Bordeaux Pierre Hurmic et son adjoint Stéphane Pfeiffer, en charge de l’ESS, tentaient de débloquer la situation.

« Refuser l’entrée sur notre sol à des femmes et des hommes qui œuvrent à bâtir un modèle économique plus juste et plus humain serait particulièrement douloureux, surtout dans une ville marquée par l’histoire du commerce colonial », a déclaré Nicolas Thierry, faisant référence à l’histoire de Bordeaux.

Une politique migratoire à rebours de l’esprit de coopération

Ces refus restent pour l’heure sans aucune explication officielle et interviennent dans un contexte de durcissement général de la politique migratoire française. Certains observateurs y voient la continuité des directives restrictives héritées de l’ancien ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. « Nous sommes des victimes collatérales d’une politique migratoire totalement absurde », confie un membre de l’organisation du GSEF.

L’ironie est amère : alors que la France se veut moteur d’une diplomatie économique inclusive, elle empêche les acteurs africains de l’économie solidaire de participer à un événement dont le cœur même repose sur l’échange et la coopération internationale.

Le GSEF tente de sauver l’esprit du forum

Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, le GSEF remercie les 5 500 participants déjà inscrits – alors que 4 000 étaient attendus – et assure « mettre tout en œuvre auprès des autorités compétentes pour permettre à celles et ceux qui attendent leurs visas de vivre le forum à Bordeaux ».

Mais à quelques jours de l’ouverture, la situation reste très incertaine. Si elle n’était pas résolue, prévient Benoît Hamon, « comptez sur moi pour en faire le fil rouge du forum ». Car au-delà du simple incident diplomatique, c’est bien une question de cohérence et de crédibilité qui se pose : comment promouvoir une économie solidaire mondiale quand les frontières administratives se ferment à celles et ceux qui la font vivre ?

Mediatico suivra également cette affaire de près, l’émission vidéo que nous devons tenir en direct du Forum mercredi 29 octobre à 13h sur les approches internationales de l’ESS devant se tenir elle aussi en présence notamment d’un représentant africain.

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