EDITOS

MEDIATICO – EDITOS

Guerre commerciale : l’économie sociale et solidaire n’échappera pas à la déflagration

L’économie sociale et solidaire n’échappera pas à la déflagration Donald Trump. Le président américain a déclenché une guerre commerciale sans précédent depuis 80 ans, en décidant mercredi dernier de remonter les droits de douane américains pour les pays du monde entier. Une décision unilatérale qui fait dévisser les bourses mondiales et dont les experts dissèquent déjà les conséquences pour les économies américaine, européenne, française… Et il serait naïf de croire que l’ESS est à l’abri.

Premier effet inévitable, la hausse des droits de douane va relancer l’inflation et ralentir la croissance, en France comme ailleurs. Il n’est pas loin, le temps où l’invasion russe en Ukraine avait enflammé les prix de l’énergie, menaçant gravement par exemple le budget des Restos du Coeur, obligé l’hiver dernier de refuser de nombreux demandeurs. Cette fois, l’effet sera plus fort encore : c’est tout le système économique mondial qui va ralentir, prévient le FMI. 

L’économie sociale et solidaire doit donc se préparer à une remontée du coût de ses achats de produits et de services. Y compris américains, comme Google ou Mailchimp, que l’Union européenne devrait surtaxer en représailles. Cette surenchère va fragiliser le modèle économique des acteurs de l’ESS, souvent engagés dans des activités à faible marge. Au point sans doute de les empêcher de maintenir des tarifs accessibles aux populations vulnérables. Hélas.

Les budgets publics en question

Deuxième effet de cette guerre commerciale, les budgets publics vont être à nouveau fortement sollicités, alors qu’ils sont déjà très limités en France du fait de l’impasse budgétaire héritée du « Quoi qu’il en coûte ». La hausse des droits de douane va en effet ralentir l’activité, diminuer les recettes fiscales et, dans le même temps, générer des pertes importantes pour des pans entiers de notre économie, que les pouvoirs publics voudront compenser pour éviter les fermetures d’usines et contenir la remontée du chômage.

Nul besoin d’être grand clerc pour voir que l’ESS ne sera pas prioritaire a priori. Écartelé entre la nécessité de réduire la dette publique et celle de préserver l’emploi, le gouvernement sera plus enclin à soutenir l’économie classique, qui représente 86% de l’emploi privé en France, contre 14% pour l’ESS. Et bien que l’économie sociale et solidaire vienne souvent remplacer la puissance publique pour remplir ses missions d’intérêt général, il y a fort à parier que les subventions et les aides à l’ESS vont encore s’amenuiser, au prétexte de la crise. Une crise du libéralisme que l’ESS combat pourtant chaque jour à l’échelle locale depuis des décennies.

Les partenariats entreprises et ESS 

Troisième effet de la hausse des droits de douane : la déstabilisation des entreprises. C’est sans doute l’effet le plus massif et le plus immédiat. Leur manque de visibilité sur les mois qui viennent est total. Leurs perspectives de chiffre d’affaires, de marges, de bénéfices et d’investissements sont frappées d’un coup d’incertitude. 

Parmi elles, les plus grandes entreprises, celles qui sont donneuses d’ordre pour l’ESS, celles qui nouent des partenariats au titre de leur RSE, de leur raison d’être ou de leur mission sociétale, vont probablement geler temporairement leurs actions. Or, l’économie sociale et solidaire dépend de ces partenariats pour sa viabilité financière et son impact social !

ESS, entreprises et pouvoirs publics doivent donc resserrer les rangs et travailler de concert pour s’épauler face à la crise, plutôt que se tourner le dos et se diviser. Quoi qu’il arrive, l’ESS va continuer de colmater les brèches sur les territoires, c’est son ADN. Mais elle a besoin de soutien public et de partenariats privés pour multiplier son impact, a fortiori quand la situation se durcit. 

Amir Reza-Tofighi, président de la Confédération des PME (CPME), appelait lui aussi vendredi à l’unité autour des entreprises, petites et grandes, pour surmonter cette période difficile. Il a demandé que les aides publiques qui pourraient être mises en place soient ciblées, « car dans une période où des efforts importants seront demandés à tous les Français, il faut de la clarté, de la cohérence, et de la responsabilité ». Il souhaite aussi qu’une attention particulière soit portée au tissu des TPE et PME, « souvent invisibles, parfois fragiles, mais toujours essentielles, qu’elles soient directement exposées ou indirectement concernées ». Cela vaut aussi pour l’ESS.

Reconnaissance de l’ESS : le retour en arrière

Hélas, la discussion avec le gouvernement est difficile. Le ministre de l’Économie, Eric Lombard, réunit les filières industrielles ce mardi à Bercy, suite à l’appel au « patriotisme économique » d’Emmanuel Macron. Le ministre réunira aussi le patronat, lundi prochain, au sein du tout nouveau Conseil des entreprises : le Medef, la CPME, l’U2P, le METI et l’Afep sont invités. Mais pas l’économie sociale et solidaire !? Et bien non !

L’Union des employeurs de l’économie sociale (UDES), seul syndicat patronal de l’ESS, n’est pas plus convié à ce nouveau Conseil des entreprises, qu’il ne l’a été pour discuter du dossier des retraites, en dépit de ses demandes. Il porte pourtant un regard économique différent, des arguments précieux pour l’intérêt général et la voix de 2,6 millions de salariés de l’ESS. 

De même, l’on n’entend pas la ministre en charge de l’ESS, Véronique Louwagie, défendre la place de l’ESS dans ces discussions au sommet. Et je ne vois jamais dans son agenda de rendez-vous majeur avec les représentants de l’économie sociale et solidaire. Certes, tous les rendez-vous ne sont peut-être pas écrit… Mais ce manque de reconnaissance publique projette l’ESS plusieurs années en arrière, hélas. 

Au vu des risques majeurs que la guerre commerciale de Donald Trump fait planer sur l’ensemble de l’économie française, il est pourtant urgent que le gouvernement considère l’ESS à sa juste valeur. A minima, pour atténuer les impacts de la nouvelle crise qui vient. Il est temps !

Partagez cet article :