Joli coup marketing que celui de « Vert », notre confrère et voisin, installé lui aussi dans le nouveau tiers-lieu de Censier. Sa « charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique », lancée officiellement mercredi dernier à la Recyclerie, à Paris, a déjà été signée à ce jour par plus de 1.300 journalistes et 70 rédactions (revoir la soirée en vidéo). Mais plus qu’un coup marketing, c’est d’abord un appel vibrant et urgent adressé à notre profession, pour qu’elle modifie radicalement sa façon de travailler et qu’elle intègre pleinement le climat dans le traitement de l’information générale. Mediatico, bien sûr, l’a signée.
1.300 signatures, c’est un nombre impressionnant. Et pourtant, insuffisant : cette charte doit désormais entrer au cœur des grands médias ! Au regard des 34.000 cartes de presse délivrées en France, en effet, moins de 4% des journalistes français l’ont signée. De plus, parmi les signataires, la plupart des titres sont des médias indépendants, alors que les médias d’envergure nationale se comptent sur les doigts d’une main : France 24, RFI, Politis, Mediapart, 20 Minutes. Où sont Le Monde, Libération, Le Figaro, Les Échos ou l’AFP ?
Quant à l’univers télévisuel et des médias de masse, signalons Premières Lignes, qui produit notamment le magazine Cash Investigation. C’est tout. Pas une chaîne grand public, ni une chaine d’information. TF1 et M6 étaient trop occupés à leur projet de fusion, avortée la semaine dernière. BFM croit faire déjà sa part en faisant monter sur le plateau de news ses journalistes météo. Radio France, elle, se montre très engagée depuis la signature cet été de sa propre charte « Le Tournant », qui prévoit de faire de la crise climatique un axe éditorial majeur, de diffuser des publicités plus responsables, ou de baisser de 40% son bilan carbone d’ici 2030. Pour autant, sa signature, au bas de la charte de « Vert », nous manque. Grande absente, France Télévision n’a pas d’excuse. Alors, ses journalistes… signent individuellement.
Chez Mediatico, signer cette charte en 13 points vient compléter le travail engagé sur notre empreinte écologique et le journalisme bas carbone. Mais cette charte nous invite aussi à quelques réflexions supplémentaires au plan éditorial. En faisons-nous assez ? La charte nous suggère de « traiter le climat, le vivant et la justice sociale de façon transversale » dans les sujets que nous traitons et d’ « informer sur les réponses face à la crise ». C’est ce que nous faisons depuis huit ans, j’en suis sûr, en parlant d’économie sociale et solidaire. Mediatico est même né pour cela ! Ou encore à « faire œuvre de pédagogie », à « éviter les expressions faciles qui minimisent la gravité de la situation », à « élargir le traitement des enjeux au niveau politique ». Nous le faisons aussi, de notre mieux.
Mediatico est parfois trop petit pour répondre à certains engagements, mais nous applaudissons à l’idée d’appeler les grands médias à garantir l’indépendance des rédactions, à former leurs journalistes sur le climat, à investiguer en profondeur et à déconstruire les stratégies qui sèment le doute dans l’esprit du public.
Mediatico doit-il devenir plus radical ? Mediatico doit-il ouvrir son capital ?
Nous applaudissons à l’appel à « cultiver la coopération » journalistique en participant à « un écosystème médiatique solidaire » : c’est précisément ce que nous construisons actuellement dans notre tiers-lieu de Censier.
Et nous applaudissons à l’idée de permettre aux rédactions de « s’opposer aux financements issus des activités les plus polluantes ». Aïe ! Le nerf de la guerre. Mediatico n’est financé ni par TotalEnergies, ni par la Société Générale ou consorts. Mais en économie, la blanche colombe n’existe pas. L’argent est-il propre ou sale ? Il faut bien pourtant trouver des financements pour les médias, à fortiori pour les médias engagés et citoyens.
Alors, combien coûte l’information ? Et quel est le prix de l’indépendance ? Ces questions méritent d’être posées dans le débat public, particulièrement aujourd’hui, à l’heure où la jeune génération appelle à plus de radicalité. Rappelons-nous la signature de « Vert », qui s’affiche comme « le média qui annonce la couleur ». Il fut jadis un autre titre de presse au slogan identique. C’était : « Rouge, le média qui annonce la couleur ». Son numéro 1 parut à l’automne 1968. Son fondateur, Alain Krivine, également cofondateur de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), est décédé en 2022 à l’âge de 80 ans. Au terme d’une vie empreinte de radicalité. Mais nous voici déjà en 2022. La radicalité a changé de couleur.
Vous le savez, un média n’existe que par, et pour ses lecteurs. Mediatico, qui vous raconte depuis huit ans les solutions de l’économie sociale et solidaire et de l’économie à impact face aux défis de notre temps, vous questionne environ tous les deux ans sur sa ligne éditoriale et sur sa pérennité financière. Cette année, au travers de cette charte pour « un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique », deux questions nous sont posées. D’une part, celle de la radicalité du positionnement éditorial de Mediatico dans le concert des médias. D’autre part, celle de l’indépendance financière, qui suppose de nous projeter vers l’avenir en consolidant notre modèle économique pour recruter de nouveaux profils.
Mediatico doit-il devenir plus radical ? Mediatico doit-il ouvrir son capital ? Votre avis compte ! Prenez 5 minutes pour répondre ci-dessous aux 6 questions de notre « Sondage lecteurs 2022 ». Vous nous aiderez à avancer. À y voir plus clair. Peut-être à voir le monde plus vert !?
Recevez chaque semaine l’édito de Mediatico par e-mail
[mc4wp_form id= »6558″]