Muhammad Yunus va donc diriger le gouvernement intérimaire du Bangladesh, après la dissolution du Parlement et la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina. Celle-ci lui avait intenté d’innombrables procès, comme elle le fait pour tous ses opposants politiques, mais elle vient d’être renversée par le mouvement étudiant de son pays.
Muhammad Yunus, choisi par le chef de l’Etat, par l’armée et par les étudiants, est proche d’Anne Hidalgo, qu’il a beaucoup soutenue durant la préparation des Jeux Olympiques, en particulier pour la mobilisation de la jeunesse. Il est aussi prix Nobel de la Paix, pour avoir inventé et développé le micro-crédit. Saura-t-il non seulement mettre en place un gouvernement stable mais aussi ériger en priorité nationale la lutte contre la pauvreté, contre la corruption, pour la justice climatique et pour la jeunesse ?
Nous l’avions rencontré à Paris en 2019 et nous avions dressé son portrait vidéo lors de l’un de ses passages à Paris. Pionnier de l’économie sociale et solidaire, il a toujours son bureau à la Maison des Canaux, ce lieu ressource parisien de l’économie sociale, solidaire et circulaire. Un portrait vidéo à revoir ici en intégralité. [L’article ci-dessous a été publié initialement le 23/12/2019].
« Je suis un critique permanent du système financier »
C’est un privilège rare, une interview précieuse que nous a accordé Muhammad Yunus en 2019, à l’aube de ses 80 ans. Né au Bangladesh dans une famille de 14 enfants, ce docteur en économie a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2006 pour avoir inventé et développé le micro-crédit, en réponse aux prêts usuriers qui ruinaient les paysans de son pays.
« De nombreux troubles à la paix sont causés par des raisons d’ordre économique (…), je suis un critique permanent du système financier« , explique celui qui fut d’abord entrepreneur, à l’âge de 21 ans, avant de terminer ses études aux Etats-Unis. En 1971, à l’indépendance du Bangladesh, il rentre dans son pays. Il observe le monde agricole, comprend les causes de la famine et crée la Grameen Bank, ou la « banque du village », en 1977.
Déjà, les circuits courts du financement, déjà l’impact local comme objectif. Puis un engagement déterminé pour le « social business ».
« Vous pouvez construire des murs, pas arrêter les gens »
Muhammad Yunus ne joue pas aux échecs. Il n’a pas vu le film Fahim, de Pierre-François Martin-Laval, sorti cet automne. Mais il nous dit ce qu’évoque pour lui l’histoire de ce jeune homme du Bangladesh, comme lui, qui prend le chemin de l’exil et devient champion de France de jeu d’échecs, alors qu’il est sans-papiers.
Retour sur la crise migratoire : quel est l’état du monde, Monsieur Yunus ? « Toute la richesse du monde est concentrée en trop peu de mains« , répond-il, « alors vous pouvez construire des murs, mais vous ne pouvez pas arrêter les gens« . Une autre question : à quoi ressemblera la planète en 2100, quand 80 nouvelles années auront passé ? « La Terre sera inhabitable« , s’inquiète-t-il.
« Anne Hidalgo ? J’adore ! »
Clin d’oeil… Enfin, puisque vous dites ouvertement qu’elle vous électrise, êtes-vous amoureux d’Anne Hidalgo ? « J’adore cette femme, nous sommes d’accord sur les problématiques auxquelles le monde est confronté« , répond-il, le regard pétillant et le sourire aux lèvres.
Et d’évoquer sa discussion à Rio avec la Maire de Paris, à propos des futurs Jeux Olympiques de 2024. Paris accueillera alors les premiers Jeux inclusifs, écologiques et solidaires de l’Histoire, annonçait-il déjà à l’époque. Merci, Monsieur Yunus !