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MEDIATICO – ACTU

Reprise de Vencorex : l’État tourne le dos aux coopératives, malgré leur résilience

Alors que 2025 a été proclamée Année internationale des coopératives, la reprise de l’usine Vencorex par ses salariés sous forme de coopérative a été retoquée. Un symbole amer de l’absence de soutien public à un modèle pourtant résilient, durable et porteur d’emplois.

« On y a cru jusqu’au bout. Mais le tribunal nous a coupé les ailes. » Dans la voix d’un des salariés de Vencorex, cette phrase résonne comme un aveu d’impuissance. Et représente un coup de semonce de plus pour l’économie sociale et solidaire.

Le 10 avril, le tribunal de commerce de Lyon a rejeté le projet de reprise de leur usine de chimie par ses salariés, réunis en Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), arguant le manque de financements et préférant laisser l’entreprise française tomber dans les bras du géant chinois Wanhua. Ce dernier ne conservera que 50 des 450 emplois. Un coup dur pour les salariés mobilisés depuis de nombreux mois pour sauver leur outil de travail. 

Quelques semaines plus tôt, le 24 février, à Wissembourg (Bas-Rhin) l’histoire était déjà la même. Le tribunal de commerce de Strasbourg refusait la reprise en SCOP de Sitek Insulation par ses salariés, invoquant à nouveau le manque de financements réunis. L’usine a été placée en liquidation judiciaire.

La double peine : désindustrialisation et impuissance publique

Pour Timothée Duverger, responsable de la chaire TerrESS à Sciences Po Bordeaux, ces décisions de justice reflètent un choix politique assumé : « L’État préfère la fermeture d’usines ou leur reprise par des investisseurs étrangers à la reprise par les salariés. Les discours sur la souveraineté industrielle ne masquent plus l’abandon des territoires. »

À l’heure où le gouvernement parle de relocalisation, de transition écologique et de participation des salariés, les faits sont têtus. La Banque Publique d’Investissement (BPI) n’a pas soutenu ces deux projets. L’Unédic, qui aurait pu permettre aux salariés d’utiliser leurs allocations pour abonder le capital des sociétés coopératives en création, leur a opposé une fin de non-recevoir. Quant aux outils de financement du mouvement coopératif, ils sont efficaces mais ne peuvent pas être les seuls à être mobilisés.

Une année de contradiction

Ce manque de soutien public et financier est d’autant plus incompréhensible que 2025 a été proclamée Année internationale des coopératives, justement pour valoriser ce modèle d’entreprise démocratique, ancré localement et performant économiquement.

Car les chiffres parlent clairement en faveur des coopératives. En 2024, alors que les faillites d’entreprises classiques ont atteint un niveau record, les SCOP et SCIC ont poursuivi leur croissance : leur chiffre d’affaires a progressé de 6 % à 10,2 milliards d’euros et les créations d’emplois sont en hausse (+4 %), tout comme leur taux de pérennité à cinq ans (79 %, contre 61 % dans l’ensemble de l’économie).

Ce dynamisme est porté par une grande diversité de secteurs — services, construction, action sociale, industrie — avec une percée remarquable dans les transports, l’agriculture ou encore le tourisme. Fin 2024, les coopératives représentaient 87 699 emplois en France. Autant de preuves que le modèle fonctionne. À condition qu’on lui laisse une chance.

Une conférence des financeurs… et après ?

Face à la mobilisation croissante des acteurs de l’économie sociale et solidaire, le gouvernement a promis l’organisation d’une conférence des financeurs de l’ESS au mois de juin. Une initiative saluée, mais qui arrive tard. « Nous n’avons plus les moyens de nous payer de mots », alerte Fatima Bellaredj, directrice générale de la CGSCOP. Les coopératives ne demandent pas des passe-droits, mais une équité de traitement. Et surtout des leviers pour accéder aux financements.

Alors que l’État se veut stratège en matière industrielle, comment expliquer qu’il ne soutienne pas plus activement les reprises d’entreprises par leurs salariés, alors même que le gouvernement a choisi de placer une ministre déléguée en charge de l’ESS à Bercy ? Et comment justifier qu’un modèle qui prouve sa robustesse soit encore écarté, faute d’accompagnement ? 

En cette année internationale des coopératives, c’est tout le paradoxe d’un pays qui voudrait célébrer ses coopératives… mais qui les laisse tomber.

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