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Territoire Zéro Chômeur dans la Drôme : un projet avorté, des espoirs brisés  

L’incertitude budgétaire a déjà eu raison d’un projet d’expérimentation « Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée » (TZCLD), prévu dans la communauté de communes de Dieulefit-Bourdeaux. Après des semaines de lutte acharnée, dont une grève de la faim menée par plusieurs élus locaux, le Conseil départemental de la Drôme a voté, lundi 9 décembre, contre la poursuite de cette initiative, invoquant des incertitudes financières. Une décision qui a mis un point final à un combat intense et ravivé le sentiment d’abandon ressenti par de nombreux habitants de ce territoire rural.  

Un projet prometteur stoppé net

Validée en 2022 par le Conseil départemental, l’expérimentation TZCLD à Dieulefit-Bourdeaux prévoyait pourtant la création d’une entreprise à but d’emploi (EBE) capable de salarier, en CDI, des personnes éloignées du marché du travail depuis des années. Une vingtaine d’emplois devaient voir le jour dès janvier 2025, avec un objectif à long terme d’environ 80 à 100 postes. Les bénéficiaires, pour la plupart allocataires du RSA, auraient pu retrouver une activité en contribuant à des missions utiles localement, comme l’entretien de clôtures agricoles, la création d’une matériauthèque ou la collecte de biodéchets.  

Cependant, une erreur administrative en 2022 – une faute de frappe dans la délibération transmise aux autorités nationales – a nécessité un nouveau vote. Entre-temps, la rigueur budgétaire s’est invitée dans le débat. La majorité départementale, menée par la présidente Marie-Pierre Mouton, a changé de position, avançant des « incertitudes budgétaires » pour 2025 et un coût trop élevé. 

La grève de la faim comme ultime recours

Face à ce revirement, 14 personnes, dont 7 élus locaux, ont entamé une grève de la faim dès le 4 décembre pour tenter de sauver le projet. Parmi eux, Christian Bussat, maire de Dieulefit, et Philippe Bérard, maire de Montjoux, ont dénoncé l’inaction et les refus successifs de dialogue. « Que vaut la parole d’un élu ? On tendait une perche à 350 personnes éloignées de l’emploi, et on leur remet la tête sous l’eau », a déclaré Christian Bussat, visiblement ému à l’issue du vote.  

Le mouvement, bien que largement relayé, n’a pas suffi à infléchir la décision du Conseil départemental. Les grévistes ont mis fin à leur action après l’annonce du rejet, contraints d’accepter une issue qu’ils jugent « insupportable ».  

Des arguments financiers controversés

Le vice-président du Département chargé de l’emploi et de l’insertion, Franck Soulignac, a justifié le refus par un « brouillard budgétaire », soulignant que les financements de l’État pour les TZCLD sont garantis jusqu’en 2026, mais incertains au-delà. Il a également pointé un surcoût de 30 % pour le Département sur d’autres expérimentations similaires, notamment à Livron-sur-Drôme.  

Pourtant, les défenseurs du projet rappellent que son coût total, estimé à 400 000 euros jusqu’en 2026, représente une part infime du budget départemental alloué au social, qui s’élève à 443,7 millions d’euros en 2024. Selon eux, cette initiative aurait été non seulement une solution d’emploi pour les plus précaires, mais aussi une opportunité de dynamiser le territoire rural.  

Un sentiment d’injustice pour les acteurs locaux

L’abandon du projet a suscité incompréhension et colère parmi les élus locaux et les habitants. Philippe Bérard, maire de Montjoux, a dénoncé un processus « kafkaïen », dans lequel une simple faute administrative a condamné des années de préparation et d’espoirs. « Si on nous avait dit non en 2022, nous n’aurions pas investi autant d’énergie et d’argent », a-t-il regretté. La communauté de communes avait déjà engagé 80 000 euros pour monter un dossier solide, finalement jugé conforme en juin 2024, soit avant la date limite.  

De son côté, Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde, association à l’origine du dispositif TZCLD, a critiqué un manque de vision. « Ce dispositif va bien au-delà de l’emploi : il transforme la vie des personnes, leur redonne une place dans la société. Derrière chaque salarié, il y a des familles, des enfants qui retrouvent aussi des repères », a-t-elle rappelé.  

Malgré l’échec, les élus locaux ne comptent pas abandonner les personnes concernées par le projet. « Nous avons vu les bénéfices humains immenses que ce dispositif pouvait offrir, même avant son lancement », a confié Christian Bussat. Un local sera mis à disposition des demandeurs d’emploi longue durée pour organiser des réunions et tenter de trouver d’autres solutions.  

Mais pour les acteurs du projet, il s’agit avant tout d’un combat humain, qui mérite de continuer sous une autre forme. « On leur a volé leur chance, mais on ne leur volera pas leur dignité », a conclu le maire de Dieulefit, déterminé à poursuivre son engagement.

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