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Bernard Devert, prêtre-bâtisseur : une vie à réconcilier l’économie et le social

2022 sera l’année de son soixante-quinzième anniversaire… et l’année d’un combat, sans cesse renouvelé, pour le logement des plus défavorisés. « Dans ce pays qui a de l’argent, il est tellement tragique de voir que rien n’est possible pour ceux qui n’ont pas de lieu pour vivre », regrette-t-il. Président-fondateur de l’association Habitat et Humanisme, ancien promoteur immobilier devenu prêtre, Bernard Devert est un homme qui détonne. Surnommé le prêtre-bâtisseur, il nous livre, dans ce portrait engagé accordé à Mediatico, les clés de son parcours d’entrepreneur social et de son engagement pour les autres.

A l’âge de 25 ans, une formation de droit en poche, Bernard Devert travaille d’abord dans un cabinet immobilier, dans sa région natale lyonnaise. Après plusieurs années d’expérience, il crée à 37 ans une société de placements immobiliers, puis sa propre société de promotion immobilière. Il gagne alors de l’argent, qui « certes permet de faire les choses, mais qui en même temps isole », nous raconte-t-il. Il s’interroge alors : « Comment dédiaboliser cet argent, pour qu’il permette des opérations où les personnes en grande difficulté prennent place ? ».

De l’habitat à l’humanisme

Au même moment, il exauce un souhait de jeunesse : il commence une formation théologique en 1981, avec l’idée de promouvoir la « réconciliation ». Il sera ordonné prêtre à 40 ans, le 25 juin 1987, par l’archevêque de Lyon. L’homme d’église entre alors en fonction dans la paroisse de La Mulatière, pendant cinq ans. Il deviendra ensuite aumônier du centre anti-cancéreux de Lyon. Aujourd’hui, il pense que « les communauté chrétiennes devraient davantage être sensibilisées à l’économie sociale ».

Dans le même temps, le prêtre n’oublie pas son parcours dans l’immobilier. Il s’interroge sur la façon d’allier ses deux engagements. Il se positionne donc pour la mixité sociale, contre le phénomène de gentrification qui opère au cœur des centre-villes, et fonde Habitat et Humanisme en 1985 pour « réconcilier l’économie et le social ». Peu à peu, le mouvement se structure, devient une fédération d’associations et compte à présent 55 associations locales en France et une en Belgique.

En 2000, une nouvelle branche du mouvement voit le jour : l’association La Pierre angulaire, rebaptisée « Habitat et Humanisme Soin » en 2021, qui gère 40 maisons d’accueil et de soins pour personnes âgées à faibles ressources. Les dérives du groupe Orpea et la maltraitance dans les Ehpad ? « Nous pensons être à l’abri de ce scandale », rassure-t-il, invitant toutefois chacun « à réfléchir sur ces établissements qui sont en fait les domiciles des personnes âgées ».

77.000 ménages à reloger, selon la loi

Légion d’honneur en 2008, Ordre national du Mérite en 2017, Bernard Devert a aussi a reçu en 2015 le « prix de l’Entrepreneur social » décerné par le Boston Consulting Group, sans voir de contradictions entre l’esprit libéral de ce cabinet de consulting et son engagement pour l’économie sociale. En novembre 2021, il publiait d’ailleurs une tribune dans Le Progrès, un « plaidoyer pour l’économie solidaire », qui saluait notamment le changement de paradigme dans certaines logiques économiques.

Devenu une figure du droit au logement, Bernard Devert a été nommé en juillet 2021 président du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées et le suivi du droit au logement opposable (HCLPD). Après quelques mois de présidence du HCLPD, il a pu dresser un premier bilan, avançant dans une interview au Journal du BTP, le chiffre de 77.000 ménages à loger au titre de la loi Dalo, à ce jour non logés ou mal logés.

Dans un contexte de crise sociale et sanitaire, qui a altéré le fonctionnement d’Habitat et Humanisme, le président compte bien continuer son engagement au sein de cette institution créée en 1992 à la demande de l’Abbé Pierre, un autre religieux engagé sur le logement digne pour tous. Et espère bien laisser en héritage l’accomplissement de son vœu de début d’année : que plus aucune personne ne soit privée d’un toit dans le pays. Pour lui, 2022 doit être l’année « du refus de cette misère tolérée qu’est l’absence d’un toit ».

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