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Des centaines d’associations crient dans le désert

L’aide humanitaire, les droits des femmes, l’écologie, l’engagement des jeunes… tout fout le camp, faute de budget ! Des centaines d’associations sonnent  actuellement l’alarme, mais elles crient dans le désert. Pas une ombre de financement à l’horizon. Pas une oasis en vue. Et les missions qu’elles s’apprêtent à abandonner vont assécher pour longtemps l’espoir et les désirs d’avenir des générations qui viennent.

Dans le monde, alors que les bombes s’abattent sur Gaza, l’Iran ou l’Ukraine, mais aussi en Birmanie, en Ethiopie ou au Soudan, le monde humanitaire fait face aux pires coupes budgétaires de son histoire, relève Elisa Yavchitz, aujourd’hui conseillère spéciale de l’ONG Acted. « Le retrait brutal des financements opéré sous l’administration Trump, conjugué à la baisse des aides publiques au développement dans plusieurs pays européens, dont la France, a provoqué un effondrement historique de l’aide mondiale aux populations en détresse ».

Or, la France a réduit de plus de 30% le budget de l’Agence Française de Développement. Mais « ces coupes ne sont pas des économies, ce sont des drames humains annoncés », prévient Elisa Yavchitz. Car 123 millions de femmes, d’hommes et d’enfants fuient aujourd’hui la guerre ou les conséquences des dérèglements climatiques. Plus largement, 300 millions de personnes dans le monde dépendent de l’aide humanitaire, c’est six fois plus qu’il y a dix ans. Sachant que 73% des réfugiés sont accueillis dans des pays du Sud, selon l’UNHCR, qui ne peuvent affronter seuls ces défis. Ainsi, les restrictions budgétaires au Nord provoquent des drames humains au Sud.

En France, l’étranglement financier des droits des femmes

En France, le réseau des 2300 Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles est au bord de l’asphyxie cinquante ans après sa création. Déjà, vingt-cinq CIDFF ont fermé leurs permanences. Principalement dans des zones rurales, où l’on dénombre la moitié des féminicides. Et cela, parce que le Ségur de la Santé, en juin 2024, a accordé des primes attendues et méritées par les personnels, mais toujours pas compensées par les pouvoirs publics. 

« Nous n’avons jamais été confrontés à une telle dégradation financière », affirme Clémence Pajot, directrice générale de la Fédération nationale des CIDFF (lire son interview). Une enveloppe de 7 millions d’euros a bien été votée à cet effet, mais elle n’a été ni débloquée, ni versée aux structures à la mi-juin, soit un an après la prise de décision politique En France, l’étranglement des droits des femmes est aujourd’hui financier.

Coupes claires sur le budget de l’engagement des jeunes

Pas mieux pour l’engagement des jeunes. Sur la photo de la cérémonie de clôture, le 11 juin à Albi, la cinquantaine de jeunes qui ont effectué leur service civique ont le sourire. Ces huit mois d’expérience au service des autres les marquera à vie, comme ce fut le cas pour leurs prédécesseurs depuis 15 ans. Mais savez-vous ce qu’il y a derrière la photo ? L’association Unis-Cité s’apprête à fermer ses antennes dans le Tarn début juillet. Et au niveau national, ce sont 15.000 jeunes qui risquent de perdre une opportunité d’engagement dès le mois de septembre, alerte le Mouvement Associatif.

Car le gouvernement veut réduire de 87.000 à 72.000 le nombre de missions de service civique financées en 2025. Les acteurs associatifs, qui assurent 60 % de l’accueil des volontaires, sont donc de nouveau frappés de plein fouet par le recul des moyens publics, dans un contexte où les fragilités sociales s’aggravent, notamment chez les jeunes. Pas moins de 32 organisations investies dans l’accueil des jeunes en appellent au gouvernement, pour qu’il tienne ses engagements sur les 87.000 postes prévus et qu’il préserve le budget du Service Civique en 2025.

Le plaidoyer de l’ESS avant le budget 2026

En conséquence, les dirigeants de l’économie sociale et solidaire montent au créneau une nouvelle fois. Dans une tribune parue ce dimanche, et alors que la préparation du budget 2026 est déjà dans tous les esprits, Benoît Hamon et David Cluzeau, respectivement président d’ESS France et président de l’Union des employeurs de l’ESS, invitent les décideurs publics à porter un autre regard sur ce pan de l’économie française qui a l’habitude de « faire plus et mieux avec moins », mais qui arrive au bout du rouleau.

« L’économie sociale créatrice d’emplois locaux, de lien et d’innovations sociales, doit être considérée pour ce qu’elle est : une économie performante, au service de la transformation sociale et écologique de notre pays », écrivent-ils. Ils rappellent aux pouvoirs publics que la crise multiforme que nous traversons est un accélérateur de changement de modèle, que l’ESS propose une économie résiliente, inclusive et responsable et qu’ « il est temps de lui donner les leviers qui lui permettront de jouer à plein son rôle dans la transformation de notre modèle économique » (lire la tribune ici).

« Les soulèvements associatifs » 

Dans ce contexte budgétaire et politique très tendu, pas étonnant de voir le milieu associatif résister à une donne politique et budgétaire qui va à l’encontre de ses moyens d’actions, de sa pérennité et parfois même de sa raison d’être. Le Collectif des Associations Citoyennes (CAC) a même lancé le mot d’ordre des « soulèvements associatifs », qui s’appuie sur la mise en lumière des solutions mises en place par des associations en réponse à des besoins locaux bien identifiés, afin de développer une prise de conscience générale.

Le Collectif des Associations citoyennes se mobilise aussi contre la marchandisation des associations, après sa présentation début juin du 2e rapport de l’Observatoire citoyen de la marchandisation des associations (lire le rapport). Ce rapport, porté par 17 organisations et 15 chercheurs et chercheuses, propose des pistes concrètes pour « démarchandiser » et défendre la non-lucrativité du secteur associatif. Il fera l’objet d’un débat public ce soir, au café associatif « Le Moulin à Café », que j’aurai le plaisir d’animer et qui sera filmé par Mediatico. À retrouver donc bientôt par ici ! 

plus d’infos sur le débat de ce soir, avec :

  • Jean-Louis Laville (CNAM, Chaire Économie Solidaire)
  • Marianne Langlet (Collectif des Associations Citoyennes)
  • Gloria Taoussi (Réseau national des Ressourceries)
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