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Au CESE, le Sommet de la Mesure d’Impact appelle à retisser les liens sociaux

Un hémicycle plein à craquer, des personnalités de premier plan, 150 débats et ateliers, 6.000 participants… N’en jetez plus ! Le 3e Sommet de la Mesure d’Impact, organisé vendredi dernier au CESE par l’Impact Tank, était une réussite avant même d’avoir ouvert ses portes. Signe d’une demande ardente sans doute, en ces temps particulièrement troublés.

En l’occurrence, « Re-faire société » était le principal mot d’ordre du Sommet. Un thème d’une actualité brûlante, alors que plus de 70% des Français déclarent se méfier des autres et qu’un quart d’entre eux ne se sentent plus faire partie de la société française, a expliqué Thierry Beaudet, président du CESE, dans son propos inaugural. 

« Une société qui ne se fait plus confiance est une société qui se défait », explique-t-il. Et de poursuivre : « Il y a urgence à refuser le détricotage des normes » actuellement à l’oeuvre à l’échelle de la planète « et cette façon insidieuse de détruire tout ce qui peut nous relier : ces discours sont un paravent pour des idéologies qui ne s’embarrassent pas de preuves scientifiques », estime-t-il. 

A l’inverse, « au CESE, nous croyons à une autre loi », a-t-il poursuivi, « celle où les citoyens co-construisent les réponses, où le progrès social et environnemental sont articulés, où les indicateurs ne servent pas à trier mais a rassembler. À condition de changer de méthode, nous pouvons refaire société ».

Face à la défiance, une réponse collective

Quel rapport avec la mesure d’impact, direz-vous ? Le rapport, c’est justement cette foule d’indicateurs qui doivent servir à rassembler, non pas à diviser. Mesurer d’abord, pour construire ensuite. Savoir, au fond, ce qui fait tenir nos sociétés ensemble. 

« Il y a urgence à ne plus opposer idéologies et bonnes intentions », a martelé Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS qui a cofondé l’Impact Tank. Son constat est sans appel : jamais les relations sociales n’ont été aussi dégradées, jamais la violence symbolique et la remise en cause des vérités n’ont été aussi massives. « Nous vivons côte à côte, mais ne nous parlons plus. » Il faut, selon lui, s’extraire des dogmes pour se concentrer sur ce qui fonctionne, à travers des indicateurs bien utilisés.

Lien social : enjeu sanitaire, économique et démocratique

Cette 3e édition a donc été l’occasion de présenter le nouveau rapport de l’Impact Tank, intitulé « Refaire nos liens : l’impact du lien social dans nos territoires ». Un travail de fond sur 160 initiatives, depuis les tiers-lieux jusqu’aux dispositifs de mentorat, en passant par l’habitat partagé ou l’accès à la culture pour les personnes en situation de handicap. 

« Le lien social est difficile à mesurer, car il est fluide, changeant, et souvent relégué au second plan dans les évaluations d’impact », a expliqué Tony Bernard, directeur général de l’Impact Tank. Pourtant, son rôle est décisif : « Il influe sur la réussite scolaire, l’emploi, la sécurité, la santé mentale. »

La santé, justement. Pour Stéphane Junique, président du groupe VYV, la santé doit représenter « la boussole de l’action publique et collective ». Il souligne que tous les déterminants sociaux ont une incidence directe sur notre bien-être physique et psychique. 

Son propos est renforcé par celui d’Eric Chenut, président de la Fédération nationale de la Mutualité Française (FNMF), qui dénonce la marchandisation croissante des secteurs de la santé, des crèches ou des EHPAD : « Est-il juste que nos cotisations sociales alimentent des fonds de pension étrangers au détriment de l’intérêt général ? », questionne-t-il. La réponse tombe sous le sens, mais tous les Français n’ont pas forcément l’information de départ concernant les fonds de pension étrangers.

Mutualisation, culture, engagement : les piliers oubliés du vivre ensemble

Toute la journée, les initiatives concrètes ont été mises en avant. À l’image du programme Service Civique Solidarité Seniors, financé par Malakoff Humanis : « Nous reversons chaque année plus de 200 millions d’euros à nos assurés et à des projets d’intérêt général, mutualisation et redistribution sont notre ADN », a souligné Anne Ramon, responsable des engagements RSE du groupe. La mutuelle investit d’ailleurs dans la mesure d’impact pour que ses actions ne soient pas seulement solidaires, mais également évaluables et améliorables.

Diane Dupré-Latour, fondatrice voilà neuf ans des Petites Cantines, un concept de cantines de quartier participatives destiné initialement à lutter contre l’isolement, relève que son meilleur indicateur d’impact est devenu aujourd’hui la confiance des usagers. « Mais la confiance est difficile à évaluer, car elle est d’abord relationnelle ». La mesure d’impact est un art difficile.

Elina Dumont, comédienne et vice-présidente de l’association Entourage, a quant à elle livré une intervention poignante, en déclarant : « L’isolement tue. Ce n’est pas qu’une question de revenus, c’est une fracture culturelle, sanitaire, affective. On rejette les mères isolées, les personnes handicapées, les sans-abris… Notre société est devenue égocentrée. »

Un modèle européen à affirmer

En filigrane, une même conviction semble avoir traversé l’ensemble des interventions : la mesure d’impact ne doit pas être un outil de performance économique, mais un levier de transformation sociale. « L’impact tank est une réponse à la dérive autoritaire du modèle techno-financier à l’américaine », a plaidé Agnès Audier, présidente de l’Impact Tank. « Nous croyons à un modèle européen fondé sur la diversité, l’égalité des chances, et l’intérêt général. »

Un message qui résonne avec les propos de Clément Beaune, président de France Stratégie, à la tribune du CESE : « La mesure d’impact, c’est l’idée que dans les services publics, les associations ou les entreprises, il y a des choses plus grandes que ce que l’on fait. Que dans l’urgence du quotidien, on se préoccupe aussi du temps long. Derrière la mesure d’impact, il y a donc un combat politique. À ce titre, je crois que les normes de notre modèle européen sont une chance ».

Le lien social, aussi vital que le climat ou l’économie

Le rapport de l’Impact Tank éclaire enfin des évolutions frappantes dans notre société : la plupart des cafés ont disparu en un siècle, la syndicalisation est en berne, et les enfants partent dix fois moins en colonies de vacances qu’il y a 30 ans…  

« Aujourd’hui, les nouveaux lieux de lien social sont autant les centres commerciaux que les tiers-lieux du numérique », observe Tony Bernard. Cette réalité interroge fondamentalement sur les formes contemporaines du vivre-ensemble, sur notre rapport aux réseaux sociaux et aux écrans, et sur la nécessité de soutenir activement les structures associatives locales.

Le 3e Sommet de la Mesure d’Impact 2025 aura eu le mérite de ne pas s’enfermer dans les concepts. Il a donné de la voix à celles et ceux qui, chaque jour, retissent le fil du collectif dans nos territoires. À l’heure où le lien social devient un enjeu aussi vital que le climat ou l’économie, la question posée est désormais claire : mesurer oui, afin de mieux réparer.


📍Le rapport « Refaire nos liens » est disponible sur le site de l’Impact Tank.

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