Rebondir ? Frappé par la crise, le groupe hôtelier Accor va supprimer 1.900 postes en Europe dont 770 en France, avait-il annoncé en début d’année. Mais il prépare aussi l’avenir : selon le Journal du Dimanche, Accor vient de recruter Brune Poirson, l’ancienne secrétaire d’Etat à la Transition écologique de 2017 à juillet 2020. Revenue à son mandat de députée du Vaucluse voilà huit mois, elle a juste déclaré la semaine dernière renoncer à la politique pour se « tourner vers d’autres horizons ». Âgée de 38 ans, elle devrait prendre incessamment la direction du développement durable du groupe Accor. Une direction stratégique s’il en est, porteuse à la fois de résilience et de transformation globale, pour un groupe à l’envergure mondiale. Joli défi !
Brune Poirson rebondit donc, elle aussi. D’aucuns crient à la trahison face aux enjeux d’un combat public majeur pour la cause écologique. Mais c’est oublier qu’avant d’intégrer le gouvernement, Brune Poirson était venue de l’AFD et de Veolia : elle garde toute sa cohérence et elle affirme même poursuivre son engagement « en faveur de la transition écologique ». Son œuvre politique a essentiellement consisté à porter la loi contre le gaspillage et pour l’économie circulaire, initiée par Nicolas Hulot avant sa démission en 2018 et votée à l’Assemblée nationale début 2020. Mais à l’heure de son départ, où en est-on de l’économie circulaire en France ?
La lutte contre le gaspillage est enclenchée. Celle contre le plastique à usage unique deviendra concrète dans la vie des Français en juillet 2021, puis en 2022 et en 2023. Mais une partie des décrets d’application se font encore attendre. Or, plus le temps passe, plus les ambitions initiales s’émoussent. Les filières REP, qui Élargissent la Responsabilité des Producteurs à la fin de vie de leurs produits dès leur fabrication, piétinent. La filière BTP se préoccupe des déchets de chantier, mais s’arrache les cheveux pour savoir qui contrôle, qui paie quoi, à quel taux… Et la filière Jouets regrette que les recycleries spécialisées n’aient qu’une voix consultative dans la gouvernance de leur futur éco-organisme.
Reste le nouveau projet de loi Climat et Résilience, issu des propositions de la Convention citoyenne, examiné à l’Assemblée nationale jusqu’à mi-acril. Bien peu d’amendements ont été acceptés sur l’économie circulaire et la gestion des déchets et Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans le droit de l’environnement, s’interroge sur son utilité : « Le stock de règles de droit est suffisamment fourni, il faut plutôt se donner les moyens humains et matériels de les appliquer. La loi sur l’économie circulaire du 10 février 2020 n’est pas mise en œuvre qu’on est déjà en train d’en voter une nouvelle », estime-t-il. Pourtant, un « éco-score » destiné à mieux « informer les Français sur l’impact environnemental des produits qu’ils consomment » est à saluer. Car même s’il n’en a pas bien conscience, c’est bien le consommateur final qui a le pouvoir de changer les choses.
L’économie circulaire représente 800.000 emplois en France, selon France Stratégie, et la loi anti-gaspillage 300.000 emplois supplémentaires. Dans les grandes entreprises, dans les collectivités locales, dans les associations, dans les start-ups sociales… « Les activités de réparation des produits usagés, de réutilisation ou de recyclage des déchets, génèrent 25 fois plus d’emplois que la mise en décharge de ces déchets », insiste le ministère de la Transition Écologique.
A l’heure où chacun prépare la sortie de crise, le potentiel de rebond de l’économie circulaire est considérable. Ce serait dommage de rater le monde d’après.