Sus à la capitale, tremblez Français ! Pas de fourches certes, la révolte se mène désormais en tracteurs. Mais dans l’économie sociale et solidaire, pas question de s’opposer aux agriculteurs : solidarité d’abord. Car une nouvelle fois, écologie et social, fin du monde et fin du mois, même combat !
Voilà donc le message qu’ont tenu à faire passer ce week-end plusieurs organisations de l’économie sociale et solidaire, au beau milieu du bras de fer qui oppose les producteurs agricoles, les distributeurs alimentaires et le gouvernement. Avec le citoyen-consommateur-automobiliste pris entre ces trois feux, encore tout compatissant – pour l’instant – à l’égard de ces agriculteurs en quête de revenus décents et de conditions de travail plus justes. Folle doléance, s’il en est !
Les Amaps mobilisées
Le mouvement Miramap, qui regroupe les Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne (Amaps), défend depuis 20 ans l’approvisionnement direct au bout du champ et le salaire décent des petits producteurs. Les Amaps enjoignent même leurs adhérents à visiter l’exploitation une ou deux fois par an… et à donner un coup de main bienvenu et fort pédagogique à l’exploitant. C’est dire !
Voilà donc le Miramap, d’habitude assez discret, qui appelle à la mobilisation ses 4.000 fermes adhérentes et de leurs 250.000 consommateurs Amapiens. Avec en ligne de mire la date du 6 avril, pour une grande marche destinée à soutenir la cause des agriculteurs. C’est certain, les mots d’ordre seront légion : coopérations, contractualisation de long terme, sécurisation des revenus, interdiction aux distributeurs d’acheter sous le prix de revient, réforme de la PAC européenne, protection de l’environnement, alimentation durable à prix accessible… Bref, une véritable transition agricole, dans la dignité des personnes.
Un commerce plus équitable pour nos agriculteurs
Commerce Équitable France est aussi de la partie. La détresse des agriculteurs doit être entendue, affirme sa déléguée générale, Julie Stoll. Son credo ? Changer de paradigme. Défendre la juste rémunération des petits producteurs, au Nord comme au Sud. Passer d’une logique de libre-échange à une logique d’échanges équitables, respectueux à la fois des agriculteurs ET de l’environnement. Car la juste rémunération des producteurs est cruciale pour investir dans la transition agroécologique, souligne-t-elle. Et parce que la transition écologique doit se faire avec les agriculteurs, non contre eux !
Quelles solutions ? Commerce Équitable France propose des politiques publiques novatrices, comme un plan de déploiement à grande échelle des filières agricoles françaises de commerce équitable. Mais aussi des politiques de soutien à la consommation de produits agricoles bio et équitables. Ou encore la révision des accords commerciaux pour favoriser les échanges équitables. A son crédit, les filières de commerce équitable déjà existantes dans les filières du café et du cacao, qui offrent un exemple concret et réussi de résilience et de transition.
Une tribune de 50 organisations écologistes
Agriculture et écologie, même combat ? C’est ce qu’affirme Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes, dans sa déclaration-réconciliation : « On ne sauvera pas le climat sans les agriculteurs ». Mais les agriculteurs ne l’entendent pas tous de cette oreille, certains d’entre eux refusant la fin du glyphosate – mortel pour la biodiversité – ou le retour de la jachère – qui permet le repos de la terre et sa régénération. Il faut dire qu’en pleine crise agricole, le gouvernement et les syndicats agricoles les plus puissants accusent les écologistes de «pointer du doigt nos agriculteurs», en les présentant «comme des bandits, des pollueurs et des tortionnaires d’animaux», souligne encore Matine Tondelier.
Alors voilà qu’une tribune signée de plus de 50 organisations écologiques est signée ce lundi par Greenpeace, Extinction Rebellion, France Nature Environnement, Les Amis de la Terre, Alternatiba… s’adressant aux agriculteurs en colère : « Agriculteurs et écolos, nous refusons d’être catalogués comme ennemis de la mobilisation. (…) Nous, organisations écologistes, paysannes et militantes pour un autre modèle agricole depuis des décennies, partageons cette colère et refusons le discours dominant qui voudrait faire de nous vos ennemis. (…) Nous savons que la destruction des conditions de vie des paysan.ne.s comme la destruction des écosystèmes profitent aux mêmes personnes, et que ce ne sont ni vous ni nous ».
Les politiques publiques en question
Hasard du calendrier, voilà aussi que le Haut Conseil pour le Climat publiait jeudi un constat alarmant sur l’agriculture française et son impact climatique. Les importations de produits agricoles représentent 46% de nos gaz à effet de serre ? Relocalisons ! L’élevage à lui seul est responsable de 59% des émissions de l’agriculture ? Halte au gigantisme ! La France importe près de 50% des légumes les plus consommés ? Protégeons nos agriculteurs aux frontières. Les importations de viande ont quadruplé en 20 ans ? Vérifions leur qualité et maîtrisons notre appétit : baisser de 30% notre consommation de viande réduirait de moitié nos émissions d’origine agricole d’ici 2050.
Enfin, signe des temps, voilà que « France urbaine », l’association des grandes villes et métropoles de France, entend bien accélérer la transformation des systèmes alimentaires et agricoles. Elle vient de s’associer avec plusieurs partenaires, comme les villes de Bruxelles, de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) ou le Centre Lascaux, pour inciter l’Union Européenne à simplifier les procédures de commande publique. À reconnaître la préférence locale. À permettre aux collectivités de sécuriser leurs achats auprès des producteurs de leurs bassins de vie. Et tendre ainsi vers une plus grande résilience territoriale.
Les élections européennes auront lieu dans moins de six mois, le 9 juin 2024. Mais pour l’heure, les tracteurs sont aux portes de Paris. Tremblez, Français ! Ou soyons solidaires.
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