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Économie circulaire : 1000 emplois menacés chez Envie par une mise en concurrence brutale

Paradoxe de la transition écologique ? Le réseau Envie, pionnier français de l’économie circulaire et acteur majeur de l’insertion par l’activité économique, est aujourd’hui en sursis. En cause : le résultat d’un appel d’offres lancé par Ecosystem, l’éco-organisme agréé par l’État pour la gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), qui pourrait faire perdre au réseau une part majeure de son activité logistique.

La décision menace directement jusqu’à 1000 emplois, dont près des trois quarts sont des parcours d’insertion, et fragilise un maillage territorial de 53 structures Envie réparties sur tout le territoire. Nantes, Angers, Rennes, Niort, Bordeaux, Mulhouse… autant de villes où Envie collecte, trie, reconditionne et remet sur le marché des appareils électroménagers, tout en formant et en réinsérant des publics éloignés de l’emploi.

Une décision « incompréhensible »

Pour Fanny Gardie, directrice d’Envie 49 citée par France 3, la situation est claire : « C’est une décision insupportable, qui va à l’encontre de toute la chaîne de valeur que l’on porte depuis 40 ans. » Sur le site de Trélazé (Maine-et-Loire), 50 salariés, dont 30 en insertion, risquent de perdre leur emploi. À Nantes, ce sont 70 salariés en parcours qui sont directement concernés.

Plus qu’une crise économique, c’est tout un modèle vertueux qui est remis en question. Car contrairement à d’autres opérateurs retenus qui n’appartiennent pas à l’économie sociale et solidaire, Envie ne se contente pas de broyer des appareils : il prolonge leur durée de vie, favorise le réemploi, réduit les déchets… et redonne du sens au travail en formant ceux qui en étaient éloignés.

Appel d’offres : une logique à questionner ?

La mise en concurrence par appel d’offres est une procédure classique dans la commande publique et dans les relations entre éco-organismes et prestataires. Faut-il pour autant appliquer des critères uniquement financiers à des projets porteurs de missions sociales et écologiques ? C’est bien là que le bât blesse.

« Une mise en concurrence purement tarifaire ne peut pas écraser des projets à fort impact écologique et social », alerte la Fédération Envie. Le député écologiste Tristan Lahais, qui a porté la voix du réseau Envie à l’Assemblée nationale mercredi dernier, a interpellé le gouvernement sur les risques d’une telle décision : « Ce serait une trahison de la loi AGEC, des ambitions de transition juste et des engagements publics », a-t-il dénoncé.

La question mérite aujourd’hui un débat politique : comment préserver les modèles de l’économie sociale et solidaire dans des logiques d’appels d’offres qui favorisent les acteurs purement commerciaux ? 

Peut-on réellement parler de « transition écologique juste » si les pionniers du réemploi sont écartés au profit d’entreprises dont le modèle repose sur le recyclage de masse, sans plus-value sociale ?

Une alerte pour tout le secteur de l’insertion

Au-delà d’Envie, c’est l’ensemble du secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE) qui encaisse le contrecoup de ces logiques. Les structures de l’ESS, souvent plus fragiles économiquement car leurs marges sont réduites du fait de leur engagement social, ont pourtant démontré leur efficacité en matière de retour à l’emploi, de maillage territorial et d’innovation sociale.

Envie ne se contente pas de réparer des frigos : certaines de ses antennes, comme Envie Autonomie Angers, réparent aussi du matériel médical pour personnes en situation de handicap, à moindre coût. D’autres forment au permis poids lourd, à la logistique, aux métiers de la réparation.

Remettre en cause de ces structures, c’est aussi fragiliser un tissu économique local, solidaire et durable.

Et maintenant ?

Le réseau Envie appelle à la mobilisation des élus, des collectivités, des citoyens. Il demande à Ecosystem de rouvrir le dialogue. Et il rappelle aux consommateurs que continuer à acheter ses appareils reconditionnés dans ses boutiques, c’est aussi poser un acte militant.« Solidarité ou profit capitalistique : nous sommes face à un choix de société », écrit la Fédération Envie. Un choix urgent, car le temps presse.

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