« Seul ce qui peut
s’échanger a-t-il de la valeur ? »… Vous avez quatre heures !
Les candidats au Baccalauréat des Séries Technologiques planchaient hier sur ce
sujet de philo, qui interroge à la fois les termes de l’échange, la valeur
monétaire et la notion de valeur morale. Et vous, qu’en pensez-vous ? La
pièce de 50€ vendue actuellement par Stéphane Bern dans nos bureaux de poste
vaut-elle plus cher que sa valeur ? L’argent n’est-il qu’un instrument
d’échange ? Fait-il le bonheur des imbéciles ? L’argent, l’argent,
l’argent… si souvent présent dans les sujets de philo. Et si peu dans les
sujets d’éco, qui font plutôt la part belle à la monnaie, cet instrument
d’échange, de puissance et de régulation pour tous les États du monde.
Facebook, lui, n’est pas un État. Mais il
présente cette semaine sa propre monnaie, le « Libra ».
Une monnaie numérique disponible sur écran, dans un monde où les transactions
se feront demain essentiellement sur smartphones. Une monnaie
internationale, qui vise les 2,3 milliards d’utilisateurs de Facebook,
soit un-tiers de l’humanité. Une monnaie qui entend rassurer pour se lancer :
sa valeur, dit-on, sera constituée d’un panier de devises comme le dollar, le
yen ou l’euro. Mais rappelons-nous que Facebook modifie ses algorithmes quand
bon lui semble, alors pourquoi pas sa monnaie ? D’ailleurs, le
« Libra » sera géré par une fondation privée, basée à Genève. Pas
vraiment un gage de transparence. Alors, quelle régulation ? Quelle
protection pour nos données personnelles ? Et quels bénéfices pour
Facebook ? Voilà qui manque cruellement d’explications.
Expliquer, c’est justement l’ambition de
CitÉco, la Cité de l’économie et de la monnaie, qui a ouvert
ses portes vendredi à Paris. Le premier musée d’Europe consacré à l’économie,
dans un magnifique hôtel néo-Renaissance, propriété de la Banque de France.
Rien encore sur le « Libra ». Mais six espaces pédagogiques et
instructifs sur les échanges économiques, les acteurs, les marchés, les
instabilités, les régulations… et les trésors. Parmi ceux-ci, on retrouvera
l’histoire de la monnaie – encore – et un vrai lingot d’or. On comprendra aussi
que la régulation permet d’assurer le bien-être collectif. Peu de
place pour l’innovation économique chez CitÉco, mais on trouvera six
lignes ici sur les monnaies locales complémentaires. Et cinq là-bas sur
l’économie sociale et solidaire. Sans oublier cette très intéressante salle de
pilotage de l’activité économique où l’on joue à réduire nos émissions de
CO2, car « l’équilibre environnemental de notre planète est en
danger ».
Ce qu’il manque à notre siècle, c’est une
pédagogie du sens de l’argent. Il nous faut un musée de l’ESS,
de l’économie circulaire et de la finance responsable, ouvert à tous. Il nous
faut mieux faire comprendre pourquoi des entreprises se dotent de missions
sociales ou environnementales, quand d’autres s’attachent à la mondialisation
de leurs profits. Cette compréhension-là commence dès l’école. Cette semaine,
la campagne « Mon ESS à l’école », qui permet
d’encourager chaque année la création d’une entreprise de l’ESS par des
collégiens ou par des lycéens, vient une nouvelle fois compenser les lacunes
béantes des programmes scolaires en matière d’économie responsable. Le rôle de
l’enseignement public n’est-il pourtant pas d’aider les élèves à se forger une
opinion ? Las. La toute dernière session du Bac ES aura lieu l’an
prochain, avec la suppression des séries générales.