En Inde, les besoins criants du pays-continent et son histoire culturelle, sociale, politique, ont favorisé l’émergence de nombreuses ONGs, entreprises sociales, puis entreprises à impact. Le rôle des pouvoirs publics a été décisif au cours des dernières décennies pour soutenir ces organisations en offrant notamment un cadre juridique et une stabilité politique.
La RSE y est par contre relativement peu développée et peu innovante, à quelques projets emblématiques près. Malgré tout depuis quelques années des obligations RSE de montants de dons à hauteur de 2% des bénéfices ont forcé les grandes entreprises à jouer un rôle de financement des entreprises sociales et des ONGs.
Depuis l’arrivée au pouvoir en 2014 du BJP et du Premier ministre Narendra Modi, le pouvoir politique agit de plus en plus comme un facteur de déstabilisation et de complication de ces projets, notamment en offrant peu de collaborations concrètes et en limitant même les financements internationaux. Les entreprises à impact qui ont des stratégies commerciales bien rodées et touchent ainsi des millions de personnes ont plutôt le vent en poupe mais force est de constater que l’ampleur des besoins n’est pas couverte par leurs actions. De son côté, l’action sociale et environnementale militante nous a paru de plus en plus entravée en Inde en ce moment. Nous avons constaté également que le contexte social et politique était très tendu dans certaines régions avec une montée du nationalisme hindou et des politiques de discriminations envers les minorités. Cela va frontalement à l’encontre des valeurs portées par les entrepreneurs sociaux, dans leur grande majorité.
C’est donc un panorama contrasté et issu de nos rencontres et expériences que nous vous offrons dans les trois articles qui constituent ce dossier. Notre objectif est double : reconnaître et valoriser les forces du sous-continent en matière d’entrepreneuriat social et présenter aussi les défis et les dangers du contexte actuel.
Notre initiative :
Nous avons choisi d’explorer l’Inde en partie pour sa réputation de hub d’entreprises sociales et à impact. C’est aussi depuis 2023 le pays le plus peuplé au monde, la plus grande démocratie du monde, bien qu’on la qualifie parfois d’autocratie électorale depuis quelques années. L’Inde possède aussi une culture millénaire, d’une richesse et d’une variété impressionnante et un hub d’innovations digitales (premier pays à développer un portefeuille digital public pour faciliter les paiements sans espèces – cf Article 3).
Nous avons donc traversé ce pays-continent pendant 5 mois, pris d’innombrables trains, bus et rickshaws pour le découvrir, rencontré des dizaines d’acteurs de l’impact et nous avons complété cela par des recherches afin de vous proposer un panorama et des analyses fouillées dans les trois articles suivants (liens directs vers le site « Impact In Context ») :
- Quelques chiffres sur l’entrepreneuriat social en Inde
- Les facteurs propices à l’entrepreneuriat social en Inde
- Un contexte politique et législatif mitigé pour l’entrepreneuriat social indien
CONCLUSION
Si l’entrepreneuriat social et à impact est encore dynamique, en partie grâce à la stabilité historique de la démocratie indienne et des cadres réglementaires favorables, il connaît actuellement une période de grandes turbulences en particulier pour les projets les plus militants, due à un contexte politique troublé et des objectifs de développement économiques court-termistes.
Les enjeux sociaux et environnementaux de l’Inde sont encore et toujours colossaux, à la mesure du pays le plus peuplé du monde, et ils se renforcent mutuellement. Une action sociale et des innovations d’ampleur sont nécessaires à la base de la pyramide pour permettre à la population de bénéficier de la croissance plutôt que d’en subir uniquement les effets négatifs associés à la montée des tensions ethniques et religieuses et aux impacts du changement climatique. Poonam Muttreja, directrice de l’ONG Population Foundation of India déclarait ainsi au journal Le Monde en avril 2023 :
“L’Inde doit investir massivement dans la santé, l’éducation, les compétences. Tout retard se traduira pour des millions de jeunes par l’impossibilité de bénéficier de l’expansion économique du pays et aggravera la pauvreté, la frustration, les vulnérabilités, les possibles troubles sociaux.”