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Réduction d’impôt « Coluche » : la défiscalisation des dons bientôt ouverte à tous ?

C’est peut-être la bonne surprise du budget 2026. Alors que l’Inspection générale des finances préconisait cet été une diminution des avantages fiscaux accordés aux associations compte tenu des contraintes budgétaires de l’Etat, le projet de loi de Finances pour 2026 va peut-être… les renforcer ! Mieux : un amendement de La France insoumise, adopté en commission des finances de l’Assemblée nationale, pourrait transformer la fameuse réduction d’impôt “Coluche” en crédit d’impôt, comme le demandent de longue date les acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Une dépense publique sous pression

A vrai dire, rien n’est fait, et le contexte est tendu ! Juste avant sa chute fin 2024, le gouvernement Barnier avait missionné l’IGF et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igéser) pour identifier 1 à 3 milliards d’euros d’économies dans les financements publics aux associations. La hausse des subventions versées depuis la crise du Covid et le plan de relance ont en effet fait passer la dépense de l’Etat de 36 milliards d’euros en 2019 à 49 milliards en 2023.

C’est dans ce contexte d’austérité annoncée que le député Daniel Labaronne (Ensemble, Indre-et-Loire) a posé une question au gouvernement, relançant le débat sur la réduction d’impôt Coluche. Créée en 1988, celle-ci vide à encourager les dons aux associations d’aide aux plus démunis comme les Restos du Cœur, la Croix-Rouge, le Secours populaire, Emmaüs, etc.

75 % de réduction, mais pour les seuls imposables

Aujourd’hui, cette “niche Coluche” permet de déduire 75 % du montant des dons, dans la limite de 1 000 € par an, du montant de son impôt sur le revenu. Un avantage fiscal généreux, qui a profité en 2020 à 5,2 millions de foyers, pour un coût budgétaire de 1,9 milliard d’euros en 2023.

Mais cette réduction d’impôt a une limite : elle ne bénéficie qu’aux contribuables imposables. Autrement dit, les ménages modestes qui font malgré tout des dons — souvent les plus fidèles soutiens des associations de solidarité — ne touchent aucun avantage de la part de l’Etat.

C’est cette iniquité que la députée Mathilde Feld (LFI) a voulu corriger, en proposant de transformer la réduction en crédit d’impôt : tout le monde pourrait alors recevoir un remboursement, même sans être imposable.

« Un nombre non négligeable de personnes fait régulièrement des dons à des associations, mais n’est pas redevable à l’impôt sur le revenu », a-t-elle rappelé en séance. « Il faut ouvrir cette possibilité de générosité à tous les Français. »

Une ouverture sociale… mais un coût budgétaire redouté

L’idée chemine depuis longtemps et séduit, y compris dans la majorité : Denis Masséglia (Ensemble) l’a qualifiée de « positive ». Mais elle inquiète aussi, en raison de son coût budgétaire pour l’Etat qui s’en trouvera accru : « Nous enchaînons les chèques en blanc… Comment va-t-on financer tout cela ? », a-t-il interrogé.

Et pour cause : transformer une réduction en crédit d’impôt ferait exploser la dépense fiscale attachée aux dons aux associations de solidarité. Selon les simulations de Bercy, le coût pourrait doubler, sans garantie que cela n’augmente réellement le volume des dons. Le gouvernement, prudent, plaidait initialement pour une mesure plus modeste : doubler le plafond de 1.000 à 2.000 € dès la fin 2025, afin « d’encourager la générosité » sans alourdir le budget. Une façon de déporter sur les dons privés le manque de financements publics au secteur associatif, bien sûr.

Une bataille symbolique du monde associatif

Ce débat dépasse les chiffres. Il révèle une fracture politique et sociale : faut-il réserver aux ménages aisés l’incitation à faire des dons ? Ou reconnaître que la solidarité traverse toutes les classes sociales, et que les plus modestes doivent, eux aussi, être soutenus dans leur générosité ?

Pour le monde associatif, déjà fragilisé par la baisse des financements publics et la hausse des besoins sociaux, l’enjeu est clair : maintenir le lien de confiance entre citoyens et associations, au moment où la précarité explose.

Le vote en commission n’est pas définitif : la mesure devra être confirmée en séance publique lors de l’examen du volet recettes du budget 2026. Mais une chose est sûre : pour les associations d’aide alimentaire, d’hébergement ou de santé, toute victoire fiscale est aujourd’hui vitale.

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