Alors que s’ouvre aujourd’hui une conférence des financeurs de l’ESS à Bercy, les associations françaises tirent plus que jamais la sonnette d’alarme face à une conjoncture budgétaire toujours plus tendue. Une enquête nationale menée en mars 2025, à l’initiative du Mouvement associatif, du RNMA (Réseau National des Maisons des Associations) et du syndicat d’employeurs Hexopée, révèle une réalité économique extrêmement préoccupante pour le tissu associatif.
Cette étude, réalisée par l’Observatoire Régional de la Vie Associative (ORVA) des Hauts-de-France, s’appuie sur 5.557 témoignages de responsables associatifs de toute la France, reflétant une diversité d’activités, de tailles et de territoires.
Alerte rouge sur la trésorerie
Principal signal inquiétant : près d’un tiers des associations employeuses disposent d’une trésorerie inférieure à trois mois. Cette précarité, qui met en péril leur fonctionnement quotidien et leur pérennité, n’est pas rare dans le monde associatif, mais la fragilisation est largement croissante. A présent, plus de la moitié des associations déclarent rencontrer des difficultés de trésorerie, qu’elles soient ponctuelles (31 %) ou récurrentes (23 %).
En mars 2025, 69 % des associations employeuses affirmaient aussi avoir des fonds propres fragiles, voire inexistants. Cette situation n’est pas très étonnante dans la mesure où les associations ne lèvent pas de capital auprès des investisseurs, comme le font les entreprises ou les start-ups. Mais des outils de financement spécifiques existent, auxquels peut font appel.
Face à leurs tensions de trésorerie, 38 % des associations se disent sans solution. D’autres tentent de négocier des délais (68 %) ou de recourir à l’emprunt bancaire (35 %) pour combler leurs besoins actuels, quitte à payer plus tard des intérêts d’emprunt. Ce réflexe de survie illustre une mise sous pression généralisée, accentuée par les incertitudes budgétaires de l’Etat et des collectivités.
Des financements instables, voire en chute libre
Les difficultés de trésorerie trouvent en effet largement leur origine dans la baisse ou l’absence de renouvellement des subventions. Au moment de l’enquête, près de la moitié des demandes de financement étaient en attente de réponse. Quant aux demandes qui avaient été traitées, elles se traduisaient par une révision à la baisse (25 %), voire par une forte diminution (20 %). L’étude note que ce mouvement de baisse concerne tous les financeurs : État, collectivités, fondations, entreprises.
L’étude pointe également de fortes disparités territoriales dans le dialogue entre associations et financeurs. En Pays de la Loire, en région PACA ou en Auvergne-Rhône-Alpes, plus de 60 % des répondants estiment le dialogue insatisfaisant ou inexistant, alors même que la situation appelle à une concertation renforcée.
Dans ces trois régions, les exécutifs régionaux ont décidé cette année de réduire drastiquement, voire de supprimer leurs financements à l’économie sociale et solidaire.
Des répercussions sur les activités et sur l’emploi
Le manque de ressources a des effets immédiats sur les activités associatives : 28 % des associations interrogées ont déjà réduit leur offre, et 22 % d’entre elles, souvent non employeuses, ont dû annuler certaines actions. Près de 15 % ont même été contraintes d’augmenter la participation financière de leurs usagers, remettant en question leur mission d’accessibilité.
Surtout, l’emploi associatif est directement touché : 18 % des structures ne remplacent pas les départs, 16 % retardent leurs recrutements, et 8 % ont déjà mis en place des plans de sauvegarde ou procédé à des licenciements économiques. Seul un quart des associations employeuses affirment aujourd’hui ne pas envisager de toucher à leur masse salariale.
Une fragilité qui inquiète, alors que le secteur associatif représente 1,8 million de salariés, soit près de 9,2 % de l’emploi privé. L’UDES, union des employeurs de l’économie sociale, évoque pour sa part un risque pour 186.000 emplois en France dans le secteur de l’ESS.
Un appel à un sursaut politique
Devant ce constat alarmant, les trois réseaux à l’origine de l’enquête appellent à des mesures structurelles et immédiates. Parmi les propositions : faciliter l’accès des associations au crédit, renforcer les dispositifs d’accompagnement (DLA, Guid’Asso, Prev’Asso), et améliorer la transparence sur les baisses de financement.
Ils demandent aussi de garantir une meilleure visibilité financière aux associations pour pérenniser les activités et les emplois. Pour cela, deux leviers peuvent être actionnés : le versement de subventions à rythme pluriannuel, le versement des subventions dans le délai de 60 jours fixé par la loi, et le retour aux subventions de fonctionnement qui ont été largement remplacées par des appels à projet.
Enfin, les trois réseaux réclament une réforme fiscale favorable aux associations, incluant la suppression de la taxe sur les salaires, le remplacement de la défiscalisation des dons par un crédit d’impôt ouvert à tous les donateurs, mais aussi une protection contre la réforme de la TVA prévue au 1er juin, ou encore la sortie de la logique de la commande publique lorsqu’elle n’est pas nécessaire et qu’elle peut être remplacée par une subvention.
Une urgence démocratique
« Les associations ont toujours fait preuve de résilience, mais la situation économique actuelle est particulièrement alarmante », alerte Le Mouvement associatif. La crise actuelle ne menace pas seulement les emplois ou les activités : elle fragilise le rôle même des associations dans le tissu social et démocratique.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait déjà alerté sur ce sujet dans son avis de mai 2024, unanimement adopté, intitulé « Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique ». Plus que jamais, les acteurs du secteur appellent à une mobilisation nationale pour préserver ce pilier de l’intérêt général.